Que pouvons-nous apprendre du reportage vidéo de l'AFP sur une implantation d'Église dans le XXe arrondissement parisien?
Regardez d’abord cette courte vidéo.
Ce reportage réalisé par l’AFP (l’Agence France-Presse, une agence de presse mondiale), à propos de l’Église de la Plaine, m’a fait plaisir. L’AFP résume ainsi le reportage:
Dans un hôtel parisien, Harry Noël anime une célébration devant des habitants de son quartier : ce trentenaire est un implanteur d’Eglise, vocation mise en valeur par le christianisme évangélique pour « annoncer » au plus grand nombre « la Bonne Nouvelle » du Christ.
D’une part, je suis content d’avoir des nouvelles de mon ancien étudiant (Harry Noël), même si je n’ai pas l’habitude de prendre des nouvelles de mes étudiants par le biais des médias français nationaux! (L’Église implantée par Harry vient également de faire l’objet d’un bel article dans Libération).
D’autre part, je trouve que cette nouvelle Église (telle qu’elle est dépeinte dans le reportage vidéo et dans l’article de Libération) a quelque chose de rafraîchissant. Sans y voir la seule manière de fonder et de conduire une assemblée locale, j’y discerne une belle simplicité qui s’attache à des valeurs bibliques fondamentales.
On est bien loin, ici, des pressions exercées dans certains réseaux d’implanteurs d’Églises, selon lesquelles toute nouvelle Église doit grandir vite et de manière fulgurante (sur le plan numérique). Avec une telle mentalité (la soif d’avoir rapidement une success story à raconter), on s’éloigne souvent de l’essentiel, étant prêt à faire l’un ou l’autre « compromis » pour « attirer les foules ».
Dans l’absolu, je n’ai rien contre les Églises (nouvelles ou anciennes) qui grandissent vite et considérablement (bien au contraire!), pourvu qu’on y retrouve clairement certains éléments.
En réfléchissant à l’Église de la Plaine, quatre ingrédients m’ont interpellé. À mon avis, les deux premiers (points 1 et 2 plus bas) sont non négociables, quelle que soit l’Église. Les deux derniers (points 3 et 4) ne sont pas toujours réalisables (pour diverses raisons), mais ils sont un sujet de réjouissance quand leur mise en œuvre est possible.
Cette liste non exhaustive s’appuie sur les aspects abordés dans le reportage de l’AFP. Il va de soi que d’autres ingrédients essentiels pourraient être évoqués à propos de l’implantation d’Églises. Je pense notamment à cette intervention de Tim Keller, traduite en français, qui apporte de riches compléments.
Certes, l’attachement à l’Écriture caractérise (en principe) toutes les Églises protestantes évangéliques. Pourtant, c’est une approche bien précise qui est ici mise en avant dans les groupes de maison:
Une telle approche assure une véritable formation aux personnes présentes, qui développent ainsi les bons réflexes dans la lecture et l’interprétation de la Bible, pouvant compter sur la sagesse du groupe et sur les compétences de l’animateur pour progresser.
Voilà un autre fil conducteur du reportage: les relations humaines (en plus de la relation à Dieu) sont au cœur de la vie de l’Église. Les gens apprennent à se connaître, c’est ensemble qu’ils « vivent la vie chrétienne ». La convivialité est au rendez-vous, on partage des repas communautaires, des moments d’amitié. Les participants se motivent mutuellement.
Avez-vous remarqué cette petite précision au passage? Pratiquement tous les membres de l’Église vivent dans les environs du lieu des célébrations hebdomadaires (près de la place de la Nation) et des autres lieux de rencontre (dans le XXe arrondissement). On vise une Église « à l’échelle du quartier », et non pas une megachurch à l’américaine.
Certes, les Églises plus régionales ont aussi leur place. Parfois, on trouve d’ailleurs une seule Église dans une région donnée. D’autres facteurs jouent également. Néanmoins, le concept d’une Église de proximité est particulièrement intéressant: il est alors beaucoup plus simple de pratiquer une « vie communautaire » réelle, et aussi de manifester un témoignage chrétien commun dans un quartier donné.
Dans la continuité du point précédent, l’Église est aussi « à la couleur du quartier ». Ainsi, le caractère multiculturel du XXe arrondissement parisien se retrouve dans l’Église. D’un point de vue socioculturel, l’Église est à l’image de son environnement; c’est normal, puisque ses membres habitent dans le quartier!
Encore une fois (voir mon point 3), un tel objectif est parfois hors d’atteinte. Toutefois, si un écart trop grand existe (à différents niveaux) entre la population du quartier et la composition de l’Église, il peut être utile de se demander si l’Église joue bien son rôle de « sel de la terre » et de « lumière du monde ».
En métropole, une nouvelle Église protestante évangélique est implantée tous les dix jours, ce qui explique en partie que les évangéliques atteignent désormais 1% de la population française (en 2017, le CNEF faisait état de 650 000 fidèles, ce chiffre est donc dépassé en 2018).