Tradwife est l'abréviation anglaise de "épouse traditionnelle", un mouvement qui a pris de l'ampleur ces dernières années, avec des femmes qui choisissent de revenir aux rôles traditionnels du foyer. Certains y voient une réaction à la dévalorisation de la maternité et du travail domestique dans certains courants du féminisme.
Sur les réseaux sociaux, les tradwives se décrivent souvent comme des mères au foyer de nombreux enfants qui se consacrent à faire l'école à la maison, au ménage et à l'autosuffisance. Elles élèvent souvent des poules, cultivent un jardin, mettent en conserve les fruits et légumes qu'elles produisent, produisent leur propre levain, cuisinent et font des pâtisseries de A à Z, fabriquent leurs propres produits ménagers et entretiennent une maison impeccable.
Dans les milieux évangéliques conservateurs, certains font l'éloge de cette tendance, interprétant Tite 2.5 comme un mandat biblique pour que les femmes restent à la maison. Cependant, comme je l'ai déjà écrit, je crois qu'il s'agit d'une lecture inexacte des instructions de Paul. Cela dit, je tiens à souligner l'immense valeur des mères au foyer. Et je reconnais que certaines mères doivent cuisiner et faire des pâtisseries à partir de zéro en raison des allergies de leur famille ou d'autres besoins de santé.
Par nécessité, lorsque je vivais en Afrique de l'Ouest, tout ce que nous mangions était fait maison: du pain aux crackers en passant par les pâtes, et même le fromage ricotta. Je conservais également jusqu'à douze boisseaux de tomates par an, sans parler du bouillon d'os, des mangues et des légumes qui faisaient partie de mon répertoire en tant que "dame folle des conserves" du Sénégal! De plus, je suis restée à la maison avec mes enfants dans leurs premières années, y compris la période durant laquelle j'ai fait l'école à la maison pour notre fille cadette. Chaque famille doit faire ces choix en fonction de sa situation et de ses convictions. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: un choix que les croyants sont libres de faire en Christ. Pourtant, certaines fausses conceptions sur le mouvement tradwife méritent d'être examinées de plus près.
J'ai le plus grand respect pour les femmes qui travaillent à plein temps à la maison en tant qu'épouses et mères. J'utilise délibérément le mot "travail" parce que c'est exactement ce dont il s'agit: un travail non rémunéré, mais inestimable. Alors que la société peut considérer qu'une femme qui reste à la maison "gâche sa vie", son investissement dans le bien-être de son mari et de ses enfants est d'une valeur incommensurable. Mais, mère au foyer n'est pas synonyme de tradwife.
Prenons l'exemple de la femme de mon pasteur, Martha. Elle a travaillé par intermittence pendant les premières années de son mariage, mais a passé la dernière décennie à s'occuper de sa famille à plein temps. Cependant, elle n'élève pas de poules, ne fabrique pas de kombucha, ne coud pas de rideaux et ne cuisine pas exclusivement à partir de matières premières. Avec trois adolescents affamés à nourrir, elle a parfois recours à des aliments transformés et prêts à l'emploi, comme beaucoup d'entre nous. Vivant dans un foyer bi-générationnel, elle gère également les rendez-vous médicaux et les courses de ses parents âgés. En plus de cela, elle offre fidèlement l'hospitalité pour soutenir le ministère de son mari. Même si elle voulait adopter tous les aspects du mode de vie de l'épouse traditionnelle, elle n'a tout simplement pas assez d'heures dans la journée.
Le mode de vie tradwife a gagné en popularité principalement parmi les Américains blancs de la classe moyenne. Cependant, toutes les familles ne disposent pas de la flexibilité financière nécessaire pour vivre avec un seul revenu. Si le consumérisme peut jouer un rôle dans la dépendance de certains ménages aux doubles revenus, les réalités économiques ont également un impact significatif. Dans de nombreuses régions d'Europe et d'Amérique du Nord, le coût de la vie continue d'augmenter et la classe moyenne se réduit. Pour de nombreuses familles, un deuxième revenu n'est pas un luxe, mais une nécessité.
Tout au long de l'histoire et dans toutes les cultures, la contribution des femmes à la main-d'œuvre a été essentielle à la survie de leur famille. Qu'il s'agisse des femmes qui cultivent la terre dans les communautés rurales ou de celles qui dirigent des entreprises artisanales aux côtés de leur mari, leur travail a toujours joué un rôle crucial dans l'épanouissement de la société. Les femmes ont également longtemps suivi des carrières au service de leur communauté, que ce soit en tant qu'infirmières, enseignantes, architectes ou laitières, reflétant l'appel biblique à “être fécondes, multiplier, remplir la terre, l'assujettir et la dominer” (Gn 1.28). Si le mode de vie tradwife met souvent l'accent sur la première partie de ce mandat, il néglige parfois la seconde.
Martin Luther a déclaré que “Dieu trait les vaches à travers la vocation de la laitière”, nous rappelant que tout travail honnête, aussi ordinaire soit-il, glorifie Dieu lorsqu'il est accompli dans la foi. Une théologie des vocations bien équilibrée reconnaît la valeur du travail au foyer et du travail à l'extérieur. L'Église peut affirmer et soutenir les familles dans lesquelles la mère reste à la maison tout en célébrant les femmes qui servent le Seigneur par leur vocation professionnelle.
Il est intéressant de noter que certaines des personnes les plus connues pour promouvoir le mode de vie tradwife sont elles-mêmes des femmes sur le marché du travail. Le temps qu'elles consacrent à la création de contenu, à l'obtention de parrainages et à la gestion de leur présence en ligne équivaut à un emploi à temps partiel, voire à temps plein. Ce faisant, certaines d'entre elles imposent à leurs abonnées des fardeaux qu'elles ne portent pas elles-mêmes (Lc 11.46).
À première vue, le mouvement tradwife peut sembler honorer la vocation d'une femme en tant qu'épouse et mère. Mais sous la surface, il promeut souvent la loi plutôt que la grâce. Un subtil évangile de la prospérité émerge, donnant l'impression que la relation d'une femme avec Dieu est transactionnelle: si elle remplit parfaitement ses devoirs domestiques, elle s'assurera l'amour de son mari et l'obéissance de ses enfants.
Pourtant, derrière les contenus soigneusement élaborés par les influenceuses, on trouve souvent des femmes épuisées, accablées par le poids d'un mode de vie idéalisé. Les témoignages de celles qui ont quitté ce mouvement attestent de la pression et de la désillusion qu'il peut engendrer. Comme toutes les formes de légalisme, il établit des normes impossibles à respecter et favorise un esprit de jugement à l'égard de celles qui ne sont pas à la hauteur. C'est le contraire de l'Évangile, le type même de fardeau dont Jésus est venu nous libérer (Mt 11.28-30).
Comment l'Église doit-elle réagir? En célébrant les familles pieuses dans toute leur diversité. Qu'une femme soit célibataire, mariée, divorcée, veuve, qu'elle travaille à l'extérieur ou qu'elle reste à la maison à plein temps, elle mérite amour, soutien et encouragement. Plutôt que de mesurer la fidélité à l'aune d'un modèle standard, rappelons-nous les uns aux autres que notre valeur ne réside pas dans un rôle idéalisé, mais en Christ lui-même. Il est notre véritable repos, notre véritable sécurité et notre véritable espérance.
webinaire
Qu'est-ce que Dieu attend de moi? La doctrine des vocations
Découvrez le replay de notre dernier webinaire, enregistré le 15 novembre 2023, en compagnie de Matthieu Giralt qui nous a parlé de nos vocations.
Orateurs
M. Giralt