Je me surprends à écrire cet article. Je ne prévoyais pas parler de 50 nuances de Grey qui sortait hier pour la St Valentin, car c'est évident pour tous qu'il ne s'agit que d'un film porno déguisé en film grand public. Mais hier j'ai lu un article qui expliquait tellement bien la vraie raison du succès de la série (et par la même occasion, de la série Twilight aussi) que l'envie m'est venue de vous le résumer ici. Voici donc en quelques mots, la raison du succès de 50 nuances de Grey (indice: c'est pas le sexe).
La journaliste Kirsten Anderson commence par nous dire que tout le monde est unanime pour détester le film.
Que ce soient les féministes qui trouvent l’héroïne insipide, les critiques qui trouvent le script mal écrit, les défenseurs des femmes battues qui disent que le film fait l’apologie de la violence… tous sont unanimes pour dénoncer 50 nuances de Grey.
Il parait que même les acteurs principaux, Jamie Dornan et Dakota Johnson eux-mêmes auraient honte de leur film. Si ce n’est pas juste une technique marketing de leur part pour faire buzzer, c’est vraiment incompréhensible qu’ils aient signé pour tourner un tel film.
Mais si personne n’aime le film et la série de livres, qui sont les fans responsables de son succès?
Anderson dit où chercher l’explication du succès phénoménal de 50 nuances:
Pour vraiment comprendre le succès de 50 nuances, nous devons remonter aux origines du livre. Malgré une campagne bien menée de nettoyage du net par l’auteur E.L. James et son éditeur, c’est bien connu que 50 nuances commença en ligne sous le nom de Master of the Universe, une fan fiction de la série Twilight.
Le scénario était une version X de l’histoire du vampire qui tombe amoureux de la petite lycéenne. Changez en gros le vampire étincelant pour un jeune milliardaire entrepreneur et la petite lycéenne pour une jeune étudiante et vous avez vu les changements majeurs du scénario.
En gros, le succès est à chercher du côté de ses fans, ce sont les mêmes que pour la série Twilight, seulement ils sont plus âgés et ont plus d’argent :
Alors, quel est le secret derrière le succès de 50 nuances ? Facile. Il ne s’est jamais éloigné de ses origines. 50 nuances est populaire pour exactement les mêmes raisons que Twilight, puisque c’est exactement la même histoire, simplement racontée pour un lectorat plus âgé — un public aux poches mieux remplies et sans parents enquiquinants pour leur dire « non » quand ils demandent d’acheter le livre en librairie, l’emprunter à la bibliothèque ou d’aller le voir au cinéma.
Anderson résume bien les similitudes des deux livres (et des deux films):
Twilight était raconté du point de vue de Bella Swan, une adolescente timide et maladroite qui, sans même essayer, attire l’attention et à terme, l’obsession d’Edward Cullen, un camarade de classe beau comme un dieu, un garçon cachant des super pouvoirs et un sombre secret : il est vampire, et bien qu’il soit follement amoureux de Bella, il est en lutte avec son désir de lui faire mal.
Dans 50 nuances nous avons Ana Steele, une étudiante timide et maladroite qui, sans même essayer, attire l’attention, et à terme, l’obsession de Christian Grey, un homme beau comme un dieu (il est souvent décrit comme un Adonis), un homme avec un incroyable pouvoir et un sombre secret : il est accro au sexe violent, et bien qu’il soit follement amoureux d’Ana, il est en lutte avec son désir de lui faire du mal.
Anderson, cite Matt Inman, un athée, qui a compris le secret du phénomène Twilight :
Imaginez tout ce qu’une femme recherche dans un homme, puis multipliez cela par 10 000 et vous obtenez Edward Cullen. De la perspective du lecteur, rien au monde n’a plus d’importance pour Edward que Bella. Ce que l’auteur a fait, c’est créer la figure mâle parfaite, une statue grecque pâle que le lecteur peut adorer et qui va en retour l’adorer.
Les similitudes vont plus loin, les deux utilisent la même technique: les personnages féminins des deux livres (Bella et Ana) sont tous deux des personnages miroir dans lesquels chaque lecteur peut s’identifier.
Tout ce que nous savons de chaque fille [des deux romans], c’est qu’elle est ordinaire — si ordinaire, que si vous cherchiez le mot « ordinaire » dans le dico, vous trouveriez leur photo – seulement, ce ne serait pas leur photo ; ce serait un petit miroir vous montrant votre propre visage, parce que c’est la clé. Vous êtes censés vous insérer dans l’histoire et soudainement c’est vous, dans toute votre banalité qui êtes devenu irrésistible pour ces hommes profondément blessés, mais puissants et beaux comme des dieux et seulement vous seul pouvez les aider à retrouver leur humanité. La meilleure nouvelle ? Vous n’avez pas besoin de faire quoi que ce soit pour captiver leur attention, mis à part être vous-même.
Le succès de Twilight et 50 nuances est dû à la bataille qui fait rage en chacun de nous depuis le jour où on nait, pleurant, nu et sans défense dans ce monde. D’un côté, nous voulons tous être profondément aimés pour qui nous sommes. Mais de l’autre côté, nous nous percevons tous comme pathétiquement indignes d’être aimés.
Kirsten Anderson prend encore du temps pour développer les techniques narratives pour s’identifier aux personnages féminins de l’œuvre. Mais sa conclusion semble très juste et importante pour chaque chrétien:
Le fait est que, chacun qui s’est déjà senti particulièrement banal ou invisible peut se mettre à la place d’Ana et comprendre son bonheur d’être choisie par un homme avec tellement de pouvoir qu’il pourrait être Dieu. Et chacun qui a déjà essayé d’aimer et d’aider quelqu’un pour le sortir d’un style de vie dangereux — que ce soit l’addiction, la violence, l’auto-mutilation, des comportements sexuels à risque ou même le vampirisme (on ne sait jamais) — peut s’identifier à la joie d’Ana, qui voit son amour fidèle transformer Christian Grey du dictateur tordu et brisé qu’il était, en un mari aimant.
Ultimement, le secret du succès de 50 nuances est qu’il met le lecteur dans le rôle à la fois du sauvé et du sauveur. Mais c’est précisément ce qui est tellement dangereux dans cette histoire, car Christian Grey n’est pas Dieu, et Ana non plus, ni d’ailleurs aucun des lecteurs. En réalité, « l’amour » de Christian mériterait une ordonnance restrictive de la police, et le refus d’Ana de le quitter la conduirait soit à un foyer pour femmes battues, soit à la mort. La même chose est vraie pour nous — les choses vont mal quand nous essayons de jouer à Dieu, ou quand nous laissons quelqu’un d’autre prendre la place de Dieu dans notre vie. Le seul amour salutaire dans ce monde est d’origine divine, pas d’origine romantique.
Les chrétiens en particulier se battent contre les dégâts que cette série fera. Nous sonnons l’alarme contre sa glorification de la pornographie, des abus et des la dégradation. Mais il y a un autre front sur lequel les chrétiens doivent se battre, et pour une fois, ce n’est pas un front sur lequel on est sur la défensive. Oubliez un instant le porno et les abus domestiques. Dans 50 nuances, nous avons une histoire qui a touché le cœur de millions de femmes et sous sa sale apparence, à son cœur, c’est une histoire d’amour inconditionnel et de rédemption.
On joue à domicile les amis… c’est notre histoire. Si des centaines de millions de personnes sont prêtes à acheter une contrefaçon d’un amour qu’on vit chaque jour, nous devrions voir cela, non pas juste comme une attaque, mais comme une opportunité.
L’amour c’est notre histoire. Racontons-la mieux qu’eux.
webinaire
Pornographie: comment accompagner les addicts?
Découvre ce replay du webinaire de Nicolas Frei a été enregistré le 7 mai 2020.
Orateurs
N. Frei