Jean 3.16 a beau être le verset le plus connu au monde (à juste titre, je pense!), un autre passage de la Bible est beaucoup plus souvent cité dans nos Églises. C’est un texte pourtant qui n’est pas si facile à comprendre. Vous devinez le texte? Bon… le titre de l’article aide un peu trop! Vous aurez compris que je parle de ce passage:
Car moi, j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis. Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit: Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupé il prit la coupe et dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.
1 Corinthiens 11.23-26
C’est un texte hyper connu. Et jusque-là sans grande difficulté, mais… Selon les Églises, on lit, en plus de ce texte, l’avertissement contenu dans les trois versets suivants. C’est là que ça se corse:
C’est pourquoi, celui qui mangera le pain et boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc s’examine soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe; car celui qui mange et boit sans discerner le corps, mange et boit un jugement contre lui-même.
1 Corinthiens 11.27-29
En réalité, ce n’est pas juste une phrase difficile. Il y a au moins trois concepts épineux dans ces quelques versets. Dans l’ordre, que veut dire: "prendre indignement la cène", "s’examiner soi-même" et "manger et boire sans discerner le corps"?
Et généralement, la réaction dans nos cultes est la suivante. On s’examine soi-même pour des péchés qu’on n’aurait pas gérés avant de venir au culte. Et on invite les non-chrétiens à ne pas prendre le pain et le vin. Certains disent aussi qu’ils risquent de boire un jugement contre eux-mêmes. Même les chrétiens ne prennent pas parfois la coupe et le pain, pensant avoir des choses à mettre en ordre. Je veux être clair: c’est une très mauvaise interprétation du texte. D’ailleurs, Paul dit: “Que chacun donc s’examine soi-même, ET QU’AINSI, il mange du pain et boive de la coupe.” L’examen de soi précède la participation de la cène, mais il n’est dit nulle part que certains chrétiens ne devraient pas y participer.
Dans cet article, je vais me limiter à la question: “Que signifie "prendre indignement la cène"?”
C’est une question extrêmement pratique. J’ai voulu étudier le texte pour avoir enfin une réponse à cette question.
Quelle surprise que de découvrir, après quelques fausses pistes, que les réponses étaient simples! D’ailleurs, la familiarité du texte ne nous aide pas. On rate ce qui est visible en plein jour! Les autres difficultés sont secondaires et s’amenuisent quand on répond à la première question.
C’est bête, mais on ne répétera jamais assez souvent de ne pas oublier le contexte. Le passage doit être interprété dans son ensemble. J’ai perdu du temps à étudier le texte immédiatement au microscope, alors que la solution était visible à l’œil nu. J’étudiais certains mots (pour découvrir par exemple que « indignement » est un mot qui n’apparaît que ici dans la Bible) alors qu’une simple lecture du texte m’aurait été bien plus utile.
Lisez donc avant d’aller plus loin le passage en entier: 1 Corinthiens 11.17-34.
Ce que dit Paul s’applique pour toutes les fois où l’Église prend le repas du Seigneur. Le texte indique, que contrairement à aujourd’hui, l’Église célébrait la cène durant un repas. Mais dans le contexte, on voit que ce n’était pas tout à fait un repas "en commun" comme nous connaissons. Car chacun mangeait ce qu’il apportait, certains apportaient beaucoup (au point de même peut-être finir ivre), tandis que d’autres apportaient peu:
Car en mangeant, avant les autres, chacun prend son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre.
1 Corinthiens 11.21
Ces inégalités de tailles de repas étaient probablement dues aux inégalités sociales dans l’Église: riches et pauvres se côtoyaient pour adorer le même Sauveur. C’est dans ce contexte, que l’apôtre leur rappelle le sens de la cène (1Co 11.23-26), passage souvent cité dans nos Églises.
Ensuite viennent les versets énigmatiques de 1 Corinthiens 11.27-30 qui exhortent à s’examiner soi-même (1Co 11.28), à ne pas manger et boire "indignement" (27), et à discerner le corps dans le pain, sans quoi on risque d’être jugé sévèrement par Dieu (30).
Je me répète, mais le contexte contient la réponse. Les deux derniers versets (1Co 11.33-34) sont la clé du texte. Ils indiquent la conclusion de l’apôtre: ce qui est indigne, c’est de manger pour satisfaire sa faim tout en ratant le symbole. Manger le pain sans attendre que les autres arrivent montre qu’on n’a pas compris le sens du pain. Le pain n’est pas là pour satisfaire notre faim, mais pour nous rappeler la mort et la résurrection de Jésus.
Paul confirme cette interprétation en répétant la notion de jugement en 1Co 11.34. Regardez la similarité entre les versets 27, 29 et 34. Il y a chaque fois, une cause et une conséquence similaire (en gras et en italique respectivement):
27: C’est pourquoi, celui qui mangera le pain et boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur.
29: car celui qui mange et boit sans discerner le corps, mange et boit un jugement contre lui-même.
34: Si quelqu’un a faim, qu’il mange chez lui, afin de ne pas vous réunir pour (attirer) un jugement sur vous.
Certaines questions restent ouvertes après ce court billet. On n’a pas traité les implications pour les non-chrétiens qui participent aux cultes. Sont-ils aussi concernés par cet avertissement? Sont-ils capables de "discerner le corps"?
Par contre, on a répondu à la question: prendre indignement le pain et la coupe, c’est le fait de ne pas s’attendre; ne pas prendre le repas dans l’unité. Les chrétiens seront jugés s’ils mangent et boivent à la va-vite, égoïstement, sans penser au symbole que sont la coupe et le pain, sans attendre leurs frères et sœurs pour participer ensemble à ce mémorial. C’est ce péché qui est derrière l’expression: "Prendre indignement la cène".
Notons donc que sont donc les chrétiens qui sont principalement concernés par le jugement dans ce texte (avec comme indice supplémentaire "endormis" en 1 Corinthiens 11.30 qui est toujours utilisé pour parler de la mort de croyants).
Contrairement aux idées reçues, ils ne seront pas jugés pour avoir mangé et bu sans discerner s’ils avaient des péchés à confesser (une interprétation fréquente de "que chacun s’examine soi-même"). Non, le péché ici est de manquer l’aspect sacré des symboles. C’est pourquoi Paul exhorte ceux qui ont faim de manger chez eux avant de venir célébrer la cène (1Co 11.34).
Prendre la cène, c’est participer avant tout à un symbole. L’Église de Corinthe prenait un repas ensemble. Le repas était devenu si important qu’ils en étaient venus à oublier le sens du symbole. Le pain et le vin ne sont pas là pour satisfaire notre faim, mais pour nous rappeler la croix de Jésus.
webinaire
COCA: une méthode simple pour comprendre et appliquer la Bible
Découvre ce replay du webinaire de Stéphane Kapitaniuk enregistré le 13 octobre 2016.
Orateurs
S. Kapitaniuk