Pourquoi je ne crois pas à un enlèvement secret de l'Église

Doctrine des temps de la finMillenium

Beaucoup de chrétiens croient que l'Église sera secrètement enlevée au retour de Christ, qui se fera en deux temps. La série de livres "Left Behind" (laissés derrière), qui s'articule autour de cet enlèvement secret, a eu un franc succès. On l'a même adaptée en film, avec Nicolas Cage en vedette. Mais qu'en dit la Bible? En fait, l'enlèvement secret de l'Église est une doctrine récente, qui trouve moins d'appuis bibliques qu'on ne le pense.

Les origines de la doctrine

Dans un article sur le site de la Gospel Coalition, Jeremie Rinne fait remonter la naissance de cette doctrine au théologien John Nelson Darby (1800-1882), le père du dispensationalisme. Pour résumer, le dispensationalisme sépare Israël et l’Église. Dieu aurait deux peuples distincts avec deux plans bien séparés pour chacun d’eux. Pour Darby, les prophéties de l’Ancien Testament concernaient uniquement Israël et attendait un accomplissement littéral de ces prophéties durant le millénium. Pour accomplir ses plans pour Israël, Dieu devait d’abord enlever l’Église du monde. De là est née la doctrine de l’enlèvement secret. Jésus reviendrait en deux temps: une première fois pour enlever l’Église, une seconde fois pour revenir en gloire. Le dispensationalisme s’est rapidement répandu avec les enseignements de D.L Moody, avec la Bible Scofield et la systématique de Ryrie, disponible en français.

Quelques arguments bibliques

Il semblerait donc que la doctrine de l’enlèvement secret de l’Église ait été développée pour appuyer le schéma eschatologique du dispensationalisme, une adaptation du prémillénarisme classique.

Dans cet article, Justin Taylor résume les enseignement de John Piper:

  • Le mot pour « rencontre » en 1 Th 4.17 (apantesin) est utilisé en Mt 25.6 et Ac 28.15. Dans les deux cas, il désigne une rencontre où une délégation rencontre un dignitaire et l’accompagne à l’endroit d’où ils sont sortis. Mt 25.6 est dans le contexte du retour de Christ, ce qui suggère encore plus un accueil de roi.
  • En 2 Th 1.5-7, le repos des justes est décrit en même temps que la punition des méchants. La vengeance des méchants et le repos de l’Église viendront le même jour, le jour du Seigneur.
  • En 2 Th 2.1-2, l’avènement du Seigneur Jésus-Christ, notre rassemblement autour de lui et le Jour du Seigneur sont décrits comme étant un seul et même événement. Le rassemblement des élus en Mt 24.31 (même mot episynago), vient après la tribulation (Mt 24.29). Il est plus que probable que les deux rassemblements concernent le même événement.
  • En lisant Mt 24, Mc 13 ou Lc 21, qui sont les descriptions que donne Jésus de la fin des temps, il n’est nullement fait mention d’un enlèvement des croyants. Au contraire, Jésus parle comme s’il s’attendait à ce que les chrétiens vivent les événements qu’il mentionne.
  • Passer par la tribulation n’est pas étranger à la pensée biblique (1 Pi 4.17; 2 Th 1.3-10; Hé 12.3-11). Mais au sein des tribulations, Ap 9.4 souligne que, dans une certaine mesure, les croyants seront protégés par le sceau de Dieu.
  • L’exhortation à la vigilance perd tout son sens si la seconde venue est prévisible (Mt 25.1-13).
  • Que Dieu nous garde de l’épreuve (Ap 3.10) n’implique par forcément un enlèvement physique (Gal 1.4; Jn 17.5; Ap 6.9-11).
  • D’un point de vue moral, nous ne devrions pas craindre d’être pris en train de faire le mal; mais nous devrions être motivés à faire le bien et à avancer en pureté, comme le Seigneur (1 Jn 3.1-3).

Il partage également les conclusions de Merkle, dans son papier « Who Will Be Left Behind? Rethinking the Meaning of Matthew 24:40-41 and Luke 17:34-35 » (WTJ 72, 2010:169-79):

  • « Dans Mt 24.40-41 et Lc 17.34-35, beaucoup pensent que ceux qui sont pris le sont pour être avec Jésus et ceux qui sont laissés derrière (left behind) le sont pour être jugés. Mais cette interprétation doit être rejetée. »
  • Tout au long de ces passages, Jésus emploie un langage qui rappelle la destruction de Jérusalem par Babylone. Ceux qui étaient emportés étaient ceux qui étaient jugés par Dieu et ceux qui restaient étaient le reste qui recevait la grâce de Dieu.
  • Dans la parabole de l’ivraie (Mt 13.36-43), le Fils de l’homme envoie ses anges rassembler les Fils du Malin pour les jeter dans la fournaise de feu, alors que la bonne semence est laissée derrière.
  • Le parallèle avec Noé confirme cette thèse: comme aux jours de Noé les personnes étaient emportées par le déluge, ceux qui ne seront pas prêts seront pris également quand le Fils de l’homme reviendra.

Les données bibliques semblent donc pointer vers un seul et même événement: le jour du Seigneur. À son retour, les croyants rejoindront bien Christ. Mais s’ils vont à sa rencontre, c’est pour former à sa suite un cortège. Les sujets entourent et proclament le roi victorieux, qui revient dans sa gloire, juger les méchants et délivrer son peuple.

Et vous, que pensez-vous de ces arguments?

Matthieu Giralt

Matthieu Giralt est le directeur de ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un Master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils.

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