La plus grande peine que vous puissiez faire à Dieu le Père

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      Avez-vous déjà réfléchi à ce qui peut le plus attrister le cœur du Père ? Quelle est l’offense la plus profonde que nous puissions lui faire ? La réponse que donne le théologien John Owen risque de vous étonner…

      Récemment, j’ai discuté avec une chrétienne d’un certain âge qui m’a confié sa difficulté à prier Dieu le Père. Elle m’a dit : “Je préfère prier Jésus. Dieu me semble distant et je ne sais jamais vraiment quelle est son attitude envers moi. Avec Jésus, je sais qu’il me comprend et qu’il m’aime, car il est un être humain, comme moi, et qu’il a donné sa vie pour moi sur la croix.”

      Ce sentiment n’est pas rare parmi les croyants : beaucoup préfèrent communier avec le Fils dans la prière, car le Père semble plus distant… et peut-être plus sévère.

      L’amour du Père : cause ou conséquence de notre salut ?

      John Owen commence par expliquer que le chrétien peut – et doit – avoir communion avec chacune des Personnes de la Trinité : avec le Fils, avec le Saint-Esprit, mais avant tout… avec le Père. Le fait que nous éprouvions des difficultés à le faire est, pour Owen, le signe que nous n’avons pas encore saisi la profondeur de son amour pour nous. Il écrit :

      Combien peu de chrétiens connaissent réellement ce grand privilège d’avoir une communion affectueuse avec le Père ! Combien sont pleins de craintes et de doutes quant à sa bienveillance ! Beaucoup croient que la bonne volonté du Père à notre égard ne vient que du sang versé par Jésus. Certes, c’est par le Christ que nous pouvons avoir communion avec le Père. Mais la source véritable du désir de communion se trouve dans le cœur du Père lui-même.

      Ce que décrit Owen ici est une distorsion courante que nous introduisons dans le caractère de Dieu. Trop souvent, nous imaginons Dieu le Père comme une personne sévère et distante, qui aime les pécheurs uniquement parce que Jésus est mort pour eux. Comme si Dieu le Père était presque contraint de nous aimer et de nous pardonner parce que son Fils a donné sa vie à notre place sur la croix.

      Mais cela déforme complètement l’Évangile, dit Owen. En effet, cela impliquerait que la mort de Jésus est la raison de l’amour de Dieu pour nous, pécheurs. Alors que les Écritures répètent l’inverse : l’amour de Dieu pour nous est la raison de la mort de Jésus. C’est ce que souligne Jean 3.16 : Dieu (le Père) a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour nous. Le Fils n’a rien à faire pour persuader son Père de nous aimer : il nous aime déjà !

      Comme l’explique le théologien Sinclair Ferguson :

      Le danger est subtil et néanmoins évident : si nous parlons de la croix du Christ comme de la cause de l’amour du Père, nous sous-entendons qu’en deçà ou en dehors de la croix, Dieu pourrait ne pas nous aimer, qu’il faudrait qu’une rançon lui soit versée pour qu’il nous aime. Mais s’il a fallu la mort du Christ pour le persuader de nous aimer (“Père, si je meurs, vas-tu enfin les aimer ?”), comment pouvons-nous être sûrs que le Père nous aime – fondamentalement d’un amour éternel ? Il est vrai que le Père ne nous aime pas parce que nous sommes pécheurs, mais il nous aime malgré le fait que nous soyons pécheurs. Il nous a aimés avant que le Christ meure pour nous ! C’est parce qu’il nous aime que le Christ est mort pour nous2.

      « Le Père lui-même vous aime »

      Owen souligne que cette distorsion que nous introduisons souvent dans le caractère de Dieu est “la cause de la plupart de nos troubles” et “un grand péché”. Il cite de nombreux passages bibliques pour montrer que notre salut découle de l’amour du Père pour nous – un amour libre, immérité et éternel :

      • Il évoque 1 Jean 4.8, où il est dit que “Dieu est amour”. Ici, comme dans Jean 3.16, il s’agit clairement de Dieu le Père. Les versets suivants montrent que c’est par cet amour libre, immérité et éternel que Dieu a envoyé son Fils dans le monde : “Le Père nous a aimés et a envoyé son Fils pour être la propitiation de nos péchés”, dit-il.
      • Il cite aussi 2 Corinthiens 13.14, où Paul attribue la grâce à Jésus, la communion à l’Esprit, mais… l’amour à Dieu le Père : “Que l’amour de Dieu, la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.” Et c’est ce même Père que Paul appelle quelques versets plus tôt “le Dieu d’amour” (2 Corinthiens 13.11).
      • Owen ajoute que pour nous assurer de son amour, le Père se compare à un père, une mère, un berger, une poule protégeant ses poussins, et ainsi de suite (voir Psaumes 23.1 ; 103.13 ; Ésaïe 40.11 ; 63.16 ; 66.13 ; Matthieu 6.6 ; 23.37, etc.).

      Mais Owen s’arrête en particulier sur les paroles de Jésus dans Jean 16.26-27. Là, la veille de sa mort, Jésus dit à ses disciples : “Je ne dis pas que je prierai le Père pour vous ; car le Père lui-même vous aime.” Owen réagit à ces paroles en demandant : “Jésus ne se contredit-il pas ? N’a-t-il pas clairement dit [juste auparavant] : "Je prierai le Père pour vous" ?” C’est effectivement ce que Jésus avait dit quelques instants plus tôt, dans Jean 14.16.

      Voici comment Owen résout cette apparente contradiction. Il explique que les disciples ne pouvaient pas douter de l’amour de Jésus pour eux : il leur avait souvent témoigné de son affection et fait de nombreuses promesses réconfortantes. Ils étaient donc pleinement convaincus de l’amour de Jésus pour eux. Mais qu’en était-il du Père ? Maintenant que Jésus retournait auprès de son Père pour leur préparer une place, toutes leurs pensées devaient se tourner vers le Père : comment les recevrait-il ? Les accepterait-il ? Les aimerait-il seulement ? C’est dans ce contexte que Jésus déclare : “Je ne dis pas que je prierai le Père pour vous ; car le Père lui-même vous aime.”

      Voilà comment John Owen paraphrase les paroles de Jésus :

      Ce que Jésus dit au fond, c’est : “Ne vous inquiétez pas. Je n’ai pas besoin de prier pour que le Père vous aime, car telle est sa disposition unique envers vous. Il est vrai que je prierai le Père pour qu’il vous envoie l’Esprit, le Consolateur, mais pour ce qui est de cet amour libre et éternel, il n’est pas nécessaire que je prie pour cela, car le Père vous aime par-dessus tout. Soyez donc pleinement assurés dans vos cœurs que le Père vous aime. Soyez en communion avec le Père dans son amour. N’ayez aucune peur ni aucun doute quant à son amour pour vous.”

      Et c’est dans ce contexte qu’Owen ajoute :

      La plus grande peine et le plus grand fardeau que vous puissiez infliger au Père, la plus grande injustice que vous puissiez lui faire, est de ne pas croire qu’il vous aime.

      Soyons en communion avec le Père

      Ce que les Écritures révèlent donc, selon John Owen, est un Dieu bien différent de celui imaginé par cette chrétienne d’un certain âge dont je parlais en introduction : loin d’être distant et sévère, le Père est profondément attristé lorsque ses enfants doutent de son amour pour eux. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la plus grande peine que l’on puisse lui infliger, comme le dit Owen… c’est de ne pas croire qu’il nous aime !

      Si nous savons cela, comment pourrions-nous ne pas désirer de tout cœur entrer en communion avec le Père dans la prière ?

      Tant que le Père est perçu comme dur, prompt à juger et à condamner, l’âme est remplie de peur et de crainte à chaque approche. Ainsi, dans les Écritures, nous voyons des pécheurs fuir et se cacher loin de lui. Mais lorsque Dieu le Père est vu comme un Père plein d’amour, l’âme répond par l’amour envers Dieu.

      Et c’est alors que nous commençons à nous approcher de lui avec confiance, joie et plaisir…


      Joël Favre

      Joël est marié à Anne et partage avec elle le beau défi d’élever trois enfants. Diplômé en théologie du London Seminary et titulaire d’un master de recherche de la Faculté Jean Calvin, il exerce actuellement comme pasteur à l’Église Réformée Baptiste de Grenoble. Il intervient aussi en tant que professeur d’éthique à l’Institut Biblique de Bruxelles.

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