Qu’est-ce que c’est difficile d’être un responsable chrétien! Que tu sois pasteur ou que tu sois dirigeant d’entreprise, c’est vraiment une période difficile pour les leaders. C’était donc avec joie que j’ai écrit la postface pour la réédition du petit livre classique Trois hommes et une couronne. J’y raconte mon propre besoin pour ce livre et je donne 3 conseils pour mettre en pratique les enseignements du livre.
Qu’est-ce que j’aurais aimé lire ce livre plus tôt dans mon ministère! Il m’aurait été un compagnon très utile.
Vous l’avez peut-être ressenti lors de votre lecture: les choix littéraires de Gene Edwards rendent l’application à notre vie un peu compliquée.
Premièrement, le genre littéraire est un mélange de théâtre, de fiction et d’allégorie chrétienne. Ce choix produit un style puissant et efficace, mais ajoute des éléments complètement inventés à des faits historiques et bibliques. Nous nous retrouvons parfois un peu déboussolés et nous devons bien connaître notre Bible pour nous y retrouver.
Deuxièmement, le choix d’avoir un narrateur omniscient est excellent pédagogiquement. Mais ce narrateur, sachant "tout", fait quelques déclarations trop fortes sur ce que Dieu ne fait jamais ou ce qu’il fait toujours. Cela augmente l’efficacité de la prose, mais diminue les bienfaits de l’enseignement en laissant des imprécisions se glisser dans le récit.
Dans nos milieux évangéliques, on entend souvent des exhortations qui frôlent le fatalisme: “Prions et laissons Dieu agir!” Cela semble pieux, mais ce n’est pas biblique.
Il est essentiel de ne pas confondre brisement et fatalisme. Nous risquerions d’abandonner le troupeau aux loups, tout en croyant obéir à Dieu! La Bible enseigne une soumission confiante à la souveraineté de notre Dieu, mais cette soumission n’est pas du fatalisme. Beaucoup de personnes religieuses peuvent se résigner avec fatalisme à quelque chose, sans pour autant se laisser briser. Elles sont résignées, mais pas confiantes. Résignées, mais pas humblement soumises à Dieu. Lorsque nous acceptons une chose difficile comme venant de la main de Dieu, c’est alors que nous nous laissons briser. Nous nous soumettons à Dieu, lui disant: “Non ma volonté, mais la tienne.” Mais ce n’est pas du fatalisme. C’est un abandon confiant. Nous savons que Dieu règne, nous aime et fera le mieux pour sa gloire et pour son Église.
La vision biblique du leadership exige que nous prenions un rôle actif, tout en étant pleinement conscients que notre travail est vain sans l’action puissante et souveraine de Dieu. Si nous sommes pasteurs, nous devons donc agir humblement, dans la prière et la soumission à Dieu, pour le bien du troupeau “que le Saint-Esprit a confié à [notre] garde” (Actes 20.28). Il ne s’agit pas de juste "prier et laisser Dieu agir". Adoptons plutôt l’attitude des bâtisseurs et des gardes du célèbre psaume 127. Les bâtisseurs bâtissent en vain si Dieu ne bâtit pas la maison, mais ils bâtissent quand même! La maison ne se bâtit pas toute seule. Les gardes veillent en vain si Dieu ne garde pas la ville. Mais ils montent quand même la garde! Ils ne laissent pas les portes ouvertes, même si c’est Dieu garde la ville. De même, imitons l’attitude de Joab qui établit une stratégie de guerre contre les Ammonites, puis dit à son frère Abichaï: “Sois fort, fortifions-nous pour notre peuple et pour les villes de notre Dieu, et que l’Éternel fasse ce qui lui semblera bon!” (2 Samuel 10.12 – COL). Rien n’indique dans ce passage que Joab met sa confiance dans sa stratégie ou dans ses forces armées. Il planifie, exhorte son frère à être fort, puis s’en remet à Dieu. Voilà à quoi ressemble une humble soumission.
Agissons avec fermeté, avec foi, dans la prière, puis disons: “Que l’Éternel fasse ce qui lui semblera bon!” Voilà la soumission qui glorifie Dieu. Voilà le seul brisement qui honore le Seigneur. Un brisement humble, mais qui agit, confiant que “notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut” (Psaumes 115.3).
Il y a un vrai fossé entre la situation des rois Saül et David et la nôtre aujourd’hui, que nous soyons pasteurs, anciens, diacres ou dirigeants d’association, ou d’entreprise. Tout d’abord, être pasteur d’une Église, c’est un rôle de berger, pas celui d’un roi. Être leader d’une entreprise ou d’une association, c’est un rôle d’intendant, certainement pas celui d’un roi. Mais bien plus important, Dieu a fait des promesses au roi David qui ne s’appliquent à aucun d’entre nous. Dieu a dit à David qu’il établirait sa famille pour qu’elle règne éternellement sur Israël (2 Samuel 7). De cette dynastie devait naître le Messie.
Dans Actes 2, l’apôtre Pierre indique que David avait bien compris cela lorsqu’il écrit le psaume 16 sous l’inspiration du Saint-Esprit et prophétise qu’un de ses descendants ne verrait pas la corruption et règnerait éternellement. Aucun chrétien ni aucun leader n’a reçu de promesses aussi fortes et aussi claires. Oui, nous avons reçu le Saint-Esprit, et certains parlent d’onction. Mais David était choisi par Dieu pour être le père du Messie. Le roi David préfigure le Seigneur Jésus-Christ, le Roi éternel de l’univers. Nos ministères sont temporaires. Ne nous prenons pas pour le Messie et évitons des termes comme "homme de Dieu" ou "oint de Dieu".
Ce troisième point est, en quelque sorte, l’antidote des deux premiers. Nous trébuchons tous de diverses manières. Si vous êtes tenté par le fatalisme ou la passivité du premier point, vous n’êtes probablement pas coupable du deuxième. Et inversement: si vous remarquez que vous vous estimez souvent meilleurs que les autres, vous n’êtes probablement pas trop fataliste. L’antidote au fatalisme et au "messianisme" est le même. Nous devons nous rappeler que nous sommes des pécheurs, sauvés par grâce, à qui il a été fait l’honneur de servir les autres. Et dans tout notre service, nous cherchons à imiter Jésus, notre Serviteur suprême. Jésus a clairement dit qu’il n’était pas venu pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Marc 10.45). De même, l’apôtre Paul rappelle que Jésus, le seul homme qui était objectivement supérieur à tous les autres hommes, nous a considérés supérieurs à lui-même et a pris la condition de serviteur, s’abaissant jusqu’à subir la mort (Philippiens 2.1-11). Concrètement, dans votre crise de ministère actuelle, quelle est la bonne chose à faire? Vous taire et fuir? Rester et combattre? La réponse est bien sûr: “Ça dépend.” Posez-vous plutôt ce genre de question: Pourquoi voudriez-vous fuir? Pourquoi voudriez-vous vous battre?
Décidez-vous de fuir humblement en étant soumis à Dieu? Ou par facilité, voire avec fatalisme? Avez-vous choisi de rester et combattre de manière humble et soumise à Dieu, pour servir au bien du troupeau? Ou le faites-vous, parce que vous devez défendre votre royaume? Après tout, un "homme de Dieu" n’est plus rien sans "son" royaume et "ses" fidèles.
Que ce livre nous aide à mieux comprendre les mécanismes de notre cœur. Nous faisons tous face à des tentations. Le faible, à l’orgueil de se dire humble et brisé, alors qu’il est en réalité fataliste et lâche; et le fort, à l’orgueil de se prendre pour un petit messie. Nous sommes appelés à servir fidèlement le peuple de Dieu en le nourrissant par la parole de Dieu, veillant sur les âmes qui nous sont confiées et pour lesquelles nous rendrons des comptes au Seigneur. Que notre service puisse être un service humble, rempli de prières confiantes, dans une attitude de joie profonde. Soyons émerveillés par Dieu! Il est la seule source à laquelle puiser notre joie, quelles que soient nos circonstances. N’oublions pas les tout derniers mots de l’apôtre Paul, aux responsables de l’Église d’Éphèse. Il leur rappelle les paroles mêmes de Jésus: “Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.”