Les offices de Christ et notre vision du monde

      Doctrine du ChristVision du monde chrétienne
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      Qui est Jésus-Christ? La Bible lui donne de nombreux titres, mais la théologie présente souvent trois offices: Jésus est notre prophète, notre prêtre et notre roi. Ces trois offices, bien connus dans l’Ancien Testament, trouvent leur accomplissement ultime en lui. Comprendre ces offices de Christ, c’est mieux saisir qui il est, ce qu’il est venu faire, et comment il transforme notre vie et notre vision du monde.

      La Bible présente donc Jésus comme:

      1. un prophète: il est le Moïse par excellence, la Parole incarnée;
      2. un prêtre: il est l’Aaron par excellence, le Sacrificateur (et sacrifice) parfait;
      3. un roi: il est le David par excellence, le Messie promis.

      Le théologien Louis Berkhof présente ces trois offices en peu de mots:

      Le péché ayant tout affecté, il était nécessaire que Christ remplisse ces offices comme Médiateur et qu'il soit notre prophète, notre prêtre et notre roi. Comme prophète il représente Dieu avec l'homme, comme prêtre il représente l'homme dans la présence de Dieu et comme roi il exerce la domination et restaure la domination originale de l'homme.

      Systematic theology, p. 357

      Le début de la lettre aux Hébreux mentionne ces trois offices:

      1 Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, 2 Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers. Il l’a établi héritier de toutes choses, et c’est par lui qu’il a fait les mondes. 3 Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l’expression de son être, soutient toutes choses par sa parole puissante; après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très-hauts.

      Hébreux 1.1-3

      Dieu nous a parlé par le Fils (Hé 1.2): Christ notre prophète

      Le Dieu de la Bible est un Dieu qui nous dépasse totalement. Mais c’est un Dieu personnel qui se révèle. Depuis le commencement, Dieu a parlé aux hommes pour faire connaître sa volonté. Dans le jardin, Dieu parle directement à Adam et Ève. Par la suite, Dieu se sert de médiateurs pour parler à son peuple. Dieu révèle sa volonté par sa Parole.

      Les prophètes de Dieu avaient pour tâches principales de proclamer la volonté de Dieu au peuple en transmettant les révélations qu’ils recevaient de Dieu, et de rappeler les termes de l’alliance que Dieu avait conclue avec son peuple. Depuis toujours, le respect de la parole de Dieu est le garant de la vie du peuple.

      Jésus-Christ était reconnu comme un prophète par le peuple (Lc 7.16-17) et lui-même s’est décrit comme tel (Lc 13.33). Mais il était plus qu’un simple prophète. Il est la Parole incarnée (Jn 1.1). Il est la Parole de Dieu, le médiateur par lequel le monde a été créé et par lequel tout subsiste (Jn 1.3; Col 1.16-17; Hé 1.2-3). Jésus est le témoin fidèle (Ap 1.5), celui qui proclame fidèlement et parfaitement les paroles de son Père céleste.

      49 En effet, je n’ai pas parlé de ma propre initiative, mais le Père, qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je dois dire et annoncer, 50 et je sais que son commandement est la vie éternelle. C’est pourquoi ce que j’annonce, je l’annonce comme le Père me l’a dit.

      Jean 12.49-50 (S21)

      Écouter (ou lire) Jésus parler, c’est entendre la voix même de Dieu.

      Dans un monde marqué par le mensonge, Jésus nous enseigne la volonté de Dieu. Au milieu du chaos que provoque la désobéissance à la parole de Dieu (cf. chapitre 4), les paroles de Jésus nous donnent le cadre pour lequel nous avons été créés.

      Dans le Sermon sur la montagne, son enseignement le plus connu, Jésus se présente comme le serviteur annoncé par Ésaïe, celui que Dieu a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux (És 61.1-2). En prenant Ésaïe 61 comme contexte, Jésus fait allusion à la grande délivrance eschatologique que Dieu a annoncée par les prophètes: un jour (LE jour de l’Éternel) Dieu va restaurer ceux qu’il a rachetés, et ils seront dans une relation juste à Dieu et à leur prochain, et feront l'expérience d'un bonheur perdu.

      Le royaume que Jésus annonce va se réaliser pleinement dans la nouvelle création. C’est cela qu’Ésaïe décrit, et qui est le cœur de la bonne nouvelle du royaume: en Christ, Dieu vient nous réconcilier avec lui et délivrer toute la création du joug du péché.

      Le shalom1 qui caractérisait la relation avec Dieu à la création va revenir quand Dieu va instaurer son shalom sur terre. Suivre Jésus, c’est entrer dans les promesses de restauration du shalom de Dieu.

      Mais Jésus ne fait pas que porter le message de Dieu, il l’incarne. Jésus ne fait pas qu’annoncer la bonne nouvelle, il est la bonne nouvelle. Il ne fait pas qu’annoncer le chemin, il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes; il ne fait pas que dire la vérité, il est la vérité de Dieu; il ne fait pas qu’annoncer la vie éternelle, il est la vie.

      Le théologien Jonathan Pennington explique:

      Dans son œuvre soigneusement élaborée et réfléchie, Matthieu s'attache à montrer que Jésus est le modèle de ce qu'il nous recommande dans les Béatitudes. Jésus est humble et pauvre en esprit (11, 28-29; 21, 5), il pleure et s'afflige (23, 37), il a faim et soif en attendant la manifestation du royaume de Dieu (9, 38), il a le cœur pur (4, 10), il est miséricordieux (12, 1-21; 14, 13-21; 15, 32-39; 20, 30-34) et il apporte la paix (28, 10). Et même si le sens premier des Béatitudes s'avère être l'accent mis sur la souffrance injuste et la persécution pour la justice, Jésus en est le meilleur exemple.

      Pennington, p. 149

      Écouter et regarder Jésus, c’est voir ce que Dieu attend de l’homme. Jésus est le Fils de Dieu, le reflet de sa gloire et l’empreinte de sa personne (1.3). Obéir aux paroles de Jésus et imiter son exemple, c’est retrouver notre place d’humains créés à l’image de Dieu et manifester ce pour quoi nous avons été créés.

      Le Fils a accompli la purification des péchés (Hé 1.3): Christ notre prêtre

      Dans sa grâce, Dieu a instauré le service des prêtres pour encadrer la relation d’alliance d’un peuple pécheur avec un Dieu saint. Les prêtres étaient les médiateurs entre Dieu et les hommes: ils représentaient Dieu auprès du peuple, et le peuple auprès de Dieu.

      Dans le service du Tabernacle, le prêtre portait, littéralement sur son vêtement (Ex 28.12, 21, 29-30), le peuple devant Dieu. Quand il entrait dans le Tabernacle, le prêtre rappelait le souvenir du peuple à Dieu. Le prêtre avait une fonction d’intercession.

      Le prêtre avait aussi une fonction d’expiation (Hé 5.1). Quotidiennement, il devait offrir des sacrifices pour expier (couvrir) les fautes du peuple. Les membres du peuple ne pouvaient pas s’approcher directement de Dieu, il fallait que les prêtres s’approchent de Dieu en leur nom. Mais même les prêtres n’avaient qu’un accès limité à la présence de Dieu. Seul le grand-prêtre, et seulement une fois par an (le jour du grand pardon), pouvait entrer dans le lieu très saint. Ce lieu entièrement couvert d’or symbolisait la présence glorieuse de Dieu parmi son peuple. L’arche de l’alliance était considérée comme le trône de Dieu, l’endroit depuis lequel il régnait (És 37.16). S’approcher de l’arche de l’alliance, c’était faire l’expérience la plus extraordinaire qui soit: s’approcher du roi de gloire.

      Mais problème: les prêtres étaient pécheurs. Leurs sacrifices étaient imparfaits et seulement temporaires. Le sacerdoce, le système de prêtrise, ne pouvait pas régler le problème du péché du peuple. L’épître aux Hébreux explique que les sacrificateurs se sont succédé “parce que la mort les empêchait d’être permanent” (Hé 7.23). Il fallait un prêtre parfait (Hé 7.11), qui présente un sacrifice parfait, pour ôter le péché du peuple une fois pour toutes et rétablir complètement et définitivement la relation entre le peuple et Dieu.

      L’épître aux Hébreux nous présente ce prêtre parfait. C’est Jésus-Christ.

      26 C’est bien un tel grand-prêtre qu’il nous fallait: saint, irréprochable, sans souillure, séparé des pécheurs et plus élevé que le ciel. 27 Il n’a pas besoin, comme les autres grands-prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple, car il a accompli ce service une fois pour toutes en s’offrant lui-même en sacrifice.

      Hébreux 7.26-27 (S21)

      L’auteur, plus loin, dit que Jésus “est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang. C’est ainsi qu’il (nous) a obtenu une rédemption éternelle” (Hé 9.12); “il a aboli le péché par son sacrifice” (Hé 9.26);”par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés” (Hé 10.14).

      Jésus a vécu la vie que nous aurions dû vivre et il est mort de la mort que nous aurions dû subir. Par son obéissance parfaite, Jésus a mérité la vie éternelle qu’il nous donne. Parce que Jésus a obéi parfaitement au Père, il peut se présenter comme sacrifice parfait. Par sa mort substitutive à la croix, Jésus nous obtient le pardon de Dieu. En Christ, deux transferts sont opérés: Christ paye pour notre culpabilité et il nous donne sa justice.

      21 En effet, celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu.

      2 Corinthiens 5.21 (S21)

      Jésus est l’Agneau de Dieu, qui meurt à la place de son peuple (És 53.6, 12; Jn 1.29; 2Co 5.21; Ga 3.13; Hé 9.28; 1P 2.24). Il a été désigné par Dieu comme le moyen d’expiation pour tous ceux qui ont la foi en lui (Rm 3.25).

      Ainsi, ce que les prêtres ne pouvaient pas faire, Jésus l’a fait. Ce que les prêtres ne pouvaient pas nous obtenir, Jésus nous l’a obtenu.

      Jésus est à la fois le sacrifice parfait, qui expie (couvre) nos péchés et apaise la colère de Dieu, et le prêtre parfait, qui intercède pour le peuple auprès de Dieu.

      Parce que Jésus est le prêtre parfait, nous pouvons nous approcher de Dieu avec confiance. C’est la nouvelle la plus extraordinaire qui soit. Nous avons été créés par Dieu et pour Dieu, pour goûter à la joie et au repos qui se trouve dans sa présence. Mais le péché a rompu ce lien vital avec Dieu et a fait de nous des étrangers et des ennemis de Dieu.

      Mais à la croix, Jésus a déchiré le voile qui nous séparait de Dieu (Mt 27.50-51). Nous pouvons nous approcher de Dieu par l’intermédiaire de Jésus. Nous avons un libre accès à Dieu par le sang de Jésus (Hé 10.19). Enfin, en Christ, nous pouvons à nouveau goûter à la présence de Dieu.

      Le christianisme n’est pas un cadre de vie qui nous permet d’avoir une bonne morale. C’est la bonne nouvelle que Christ s’est offert à notre place pour que nous ayons une relation vivante avec le Dieu de l’univers.

      Le Fils s’est assis à la droite de la majesté divine (Hé 1.3): Christ notre roi

      Tout l’Ancien Testament pointe vers un roi qui viendra rétablir le règne de Dieu, le Messie. Les Psaumes annoncent que Dieu enverra son Fils régner sur les nations et renverser les ennemis de Dieu (Ps 2); un descendant de David (2S 7.12-13), à qui appartiendra un règne sans fin (És 9.5-7). Dès sa naissance, Jésus est présenté comme le roi envoyé par Dieu (Mt 2.1-6), le Fils de David promis (Mt 1.17). Au début de son ministère, Jésus annonce que le royaume de Dieu est proche (Mt 4.17). Après sa résurrection, les apôtres parlent de Jésus comme du Seigneur (Ac 2.36).

      Le roi est enfin arrivé!

      Dans un sens, Jésus règne sur toute la création (Col 1.16; Ép 1.21-22). En tant que Fils, Dieu lui a donné l’autorité sur toutes choses (Mt 28.18). Il est le souverain des rois de la terre (Ap 1.5), le roi des rois et Seigneur des seigneurs (Ap 19.16). Jésus règne sur tout, mais son règne n’est pas encore pleinement manifeste (Hé 2.8). Par sa parole, il maintient toutes choses et les conduit vers le but que le Père a fixé (voir chapitre 3 sur la providence).

      D’une manière plus particulière, Jésus règne sur les sujets de son royaume. Ce royaume est spirituel. Ceux qui sont sauvés l’intègrent par l’intervention de l’Esprit de Dieu qui nous fait naître d’eau et d’Esprit (Jn 3.5). C’est cela être chrétien: reconnaître Jésus comme Seigneur et se soumettre à son règne en obéissant à sa parole.

      Le royaume de Dieu s’étend par la proclamation de la bonne nouvelle que Jésus est Seigneur et par la formation de disciples qui vivent selon les normes du royaume de Christ. La royauté de Christ n’est pas une notion abstraite et lointaine. Au contraire, c’est l’affirmation principale de notre vision du monde. La chute a pour slogan le cri de l’homme rebelle qui déclare: “Je suis Seigneur.” Mais l’homme racheté, sauvé par la grâce de Dieu, reconnaît avec humilité et joie: “Jésus est Seigneur.”

      Conclusion

      Les trois offices de Christ éclairent notre vision du monde.

      1. Dans un monde marqué par le mensonge, Jésus, notre prophète, nous révèle la volonté de Dieu et nous enseigne la vérité.
      2. Dans un monde séparé de Dieu, Jésus, notre prêtre, a offert sa vie pour que nous soyons réconciliés avec lui et que nous retrouvions le chemin de sa présence.
      3. Dans un monde en rébellion, Jésus, notre roi, règne avec autorité et nous conduit à vivre selon la volonté de Dieu.

      En Christ, nous voyons ce que Dieu attend de nous, nous recevons le pardon qui nous permet de revenir à lui, et nous apprenons à marcher humblement sous son règne. En Christ, nous retrouvons notre vraie place dans le monde.

      Pour aller plus loin:


      Matthieu Giralt

      Matthieu Giralt est cofondateur du site ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils. Il est l’auteur du livre Voir comme Dieu voit avec BLF Éditions.

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