Ni hédoniste, ni platoniste: l’espérance d’une résurrection en Christ

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Nos sociétés vivent dans la poursuite du plaisir, mais que reste-t-il lorsqu’il faut affronter la mort? Pourquoi parlons-nous soudain d’âme, de ciel, de "grand voyage", comme si le corps n’avait jamais compté? Dans le prolongement de Pâques, cet article offre un bref aperçu de l’espérance renversante qu’offre Jésus: celle de la résurrection!

John Behr est un prêtre orthodoxe souvent confronté à la mort: au chevet de personnes en fin de vie, il côtoie de nombreuses familles endeuillées. De cette expérience naît un constat saisissant sur notre société occidentale moderne:

Aujourd’hui, nous vivons en hédonistes et nous mourons en platonistes1.

Par cette formule, Behr met en lumière un paradoxe frappant:

  • Tout au long de notre vie, nous vivons pour le corps, dans une quête hédoniste de plaisir immédiat: “Carpe Diem”, comme on dit parfois!
  • Mais dès que la mort survient, nous agissons comme si le corps n’était pas la "vraie" personne, comme si celle-ci s’était "libérée" de la prison de son corps. “Elle est mieux là où elle est”, dit-on alors, “Elle nous regarde de là-haut!”

Prenez l’exemple de ces footballeurs qui, après avoir marqué un but, lèvent les doigts vers le ciel. Non plus tant en signe de foi, mais en hommage à un proche disparu. Pensez aussi aux euphémismes que nous utilisons pour éviter de dire "il est mort": “il nous a quittés”, “il est parti pour un grand voyage”, “il veille sur nous”. Des expressions devenues banales, même dans la bouche de ceux qui affirment ne croire ni en Dieu, ni en une quelconque vie après la mort.

Comme le dit John Behr: “Aujourd’hui, nous vivons en hédonistes et nous mourons en platonistes”!

Jésus, quant à lui, ouvre une autre voie, radicalement différente.

Ni hédoniste

D’un côté, Jésus n’est pas un "hédoniste": il enseigne clairement que cette vie présente ne représente pas tout, mais qu’il y a un au-delà.

L’un des enseignements les plus limpides de Jésus sur la vie après la mort se trouve dans Matthieu 22.23-33, dans un échange marquant avec un groupe de Sadducéens. Ces derniers, bien qu’influents sur le plan religieux à l’époque de Jésus, rejetaient catégoriquement l’idée de résurrection (voir aussi Actes 23.8). Dans leur confrontation avec lui, ils tentent de tourner en dérision l’au-delà en évoquant un cas absurde fondé sur la loi du lévirat – cette prescription ancienne selon laquelle un homme devait épouser la veuve de son frère défunt s’il n’avait pas laissé d’enfant (voir Deutéronome 25.5-6). Leur objectif n’est pas sincère: ils cherchent à piéger Jésus, à le discréditer. Mais loin de se laisser déstabiliser, Jésus les reprend avec fermeté:

Vous êtes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Car, à la résurrection, les hommes ne prendront pas de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel. Pour ce qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit: Moi, je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob? Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants.

Matthieu 22.28-33

L’argument que Jésus développe ici est d’une subtilité remarquable. Il sait que les Sadducéens ne reconnaissent comme autorité divine que les cinq premiers livres de la Bible – le Pentateuque. Il va donc puiser dans Exode 3, un texte qu’ils considèrent comme légitime: le passage où Dieu se révèle à Moïse dans le buisson ardent.

Et là, Jésus souligne un détail que beaucoup négligent: Dieu ne dit pas: "J’étais le Dieu d’Abraham…", mais bien: "Je suis". Le verbe est au présent. Pourtant, les patriarches sont morts depuis longtemps à ce moment-là. Cela fait des siècles qu’Abraham, Isaac et Jacob sont morts quand Dieu apparaît à Moïse dans le buisson ardent. Pourtant, il parle d’eux au présent. Et il se présente comme leur Dieu. Or “Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants”. De ce détail grammatical, Jésus tire cette vérité fondamentale: s’il est encore leur Dieu, c’est qu’ils vivent encore d’une certaine manière auprès de lui…

Ni platoniste

Si Jésus n’est pas un "hédoniste", il montre dans ce même passage que son espérance en une vie après la mort n’est pas "platoniste" pour autant. Pour le dire clairement, l’espérance qu’il offre n’est pas simplement celle de "l’immortalité de l’âme". Jésus n’envisage pas pour nous une existence spectrale, où nos âmes désincarnées s’envoleraient "pour le grand voyage".

Certains pourraient s’y tromper en lisant qu’“à la résurrection, nous serons comme les anges de Dieu dans le ciel”. Mais Jésus ne dit pas que nous deviendrons des anges, ni que nous perdrons notre humanité. Il précise simplement que, comme les anges, nous ne nous marierons plus. Pourquoi? Parce que nous ressusciterons dans des corps glorieux, immortels, où il ne sera plus nécessaire de transmettre la vie. Il n’y aura plus besoin de mariage, car il n’y aura plus besoin d’assurer la continuité de l’espèce. L’humanité, une fois rachetée et transfigurée, vivra pour toujours.

Cette parole de Jésus, une fois bien comprise, souligne magnifiquement à la fois la continuité et la discontinuité entre cette vie et celle qui vient.

Il y aura discontinuité: notre condition sera radicalement transformée — nous vivrons pour toujours, incorruptibles, forts, glorieux.

Mais il y aura aussi continuité: ce sera encore nous. Ce corps – le nôtre! – ressuscité et renouvelé; sur cette terre, elle aussi renouvelée. Nous ne serons pas des anonymes dans l’éternité: Abraham reste Abraham, Isaac reste Isaac, Jacob reste Jacob. De même, nous resterons nous-mêmes — et nous nous reconnaîtrons.

C’est une question que beaucoup se posent à juste titre en lisant ce passage: “Est-ce que je reconnaîtrai mon mari, ma femme, mes enfants, dans l’au-delà?” La réponse est claire: oui, nous nous retrouverons. Et la preuve la plus éclatante de cela, c’est Jésus lui-même. Lorsqu’il est ressuscité – le "premier-né d’entre les morts" (1 Corinthiens 15.20; Colossiens 1.18; Apocalypse 1.5) – ses disciples ont fini par le reconnaître. Certes, pas immédiatement. Car son corps était désormais glorifié, transformé par la puissance de Dieu. Mais c’était bien lui. Le même Jésus, vivant, dans un corps transfiguré. Et il en sera ainsi pour nous.

Un avenir fade?

L’espérance de la résurrection dépasse de loin tout ce que nous pouvons concevoir ici-bas. Elle est plus glorieuse, plus belle, plus bouleversante que nos mots ne sauraient l’exprimer. Mais pour en effleurer la grandeur, arrêtons-nous encore sur cette parole étonnante de Jésus: “à la résurrection, les hommes ne prendront pas de femmes, ni les femmes de maris”.

Que penser de cette déclaration de Jésus? Il n’y aura plus de mariage? Plus de romance? Avouons-le, à première vue, ce n’est pas une perspective très enthousiasmante. Certains pourraient même la trouver un peu déprimante: “Comment? Des relations platoniques pour l’éternité? Est-ce vraiment cela, la promesse du ciel?” Faut-il dire adieu à la passion, à l’élan amoureux, à l’intimité sexuelle et au désir? Jésus peut-il vraiment vouloir dire que tout cela disparaîtra? Et si c’était un avenir… fade, qu’il nous promettait, en réalité?

Comme souvent, C. S. Lewis nous aide à penser plus justement avec une image lumineuse. Il écrit:

Penser que la vie dans le monde futur sera fade parce qu’il n’y aura pas de romance ou de sexe, c’est être comme un enfant qui, lorsqu’on lui dit que le sexe est le plus grand plaisir connu des humains, s’imagine que les gens qui s’y adonnent mangent des chocolats en même temps2.

Ce que Lewis veut dire, c’est qu’un jeune enfant considère que le plus grand plaisir au monde, c’est de manger du chocolat ou des bonbons. Il lui est difficile d’imaginer quelque chose de plus réjouissant que cela. Mais nous, adultes, savons bien que les plaisirs de la romance et de l’union amoureuse vont infiniment plus loin que celui de manger des sucreries. Il s’agit d’un plaisir plus profond, plus total: celui de ne faire qu’un avec l’être aimé, de se donner l’un à l’autre dans une intimité pleine et sincère. Être connu et connaître! Quel plaisir pourrait être plus grand?

Et comme nous ne concevons rien de plus intense que cette expérience-là, nous avons du mal à imaginer que l’au-delà puisse offrir quelque chose de plus. Nous pensons donc, à tort, qu’il sera forcément plus fade. Mais voyez-vous que cette manière de penser est justement celle d’un enfant qui, du haut de ses cinq ans, ne peut concevoir qu’il existe des plaisirs plus grands que ceux qu’il connaît déjà? Pourtant, nous, adultes, savons que certains plaisirs sont d’un tout autre ordre.

Un monde d’amour!

Ainsi en est-il de l’amour éternel. L’intimité humaine, aussi belle soit-elle, n’est qu’un écho pâle de l’union parfaite qui nous attend avec Dieu. Ce que Jésus nous promet, ce n’est pas une version diminuée de l’amour, mais son accomplissement ultime. Ce n’est pas l’extinction de la passion, mais son dépassement. La communion que nous vivrons avec notre Créateur, ce face-à-face glorieux, sera si profonde, si bouleversante, qu’elle fera paraître les plus beaux instants d’un mariage heureux comme des ombres en comparaison. Le plus intense des élans amoureux ne sera qu’une goutte d’eau face à la cascade de l’amour divin.

Vouloir encore le mariage quand nous serons unis à notre Époux céleste, c’est comme chercher la lueur d’une allumette alors que nous sommes baignés dans l’éclat du soleil!

L’au-delà sera un monde d’amour. Pas un monde appauvri, mais transfiguré. Un monde où l’amour sera si pur, si total, qu’il rendra le mariage lui-même – pourtant si beau sur terre – superflu. Non pas parce que l’amour sera moindre, mais parce qu’il sera devenu plénitude. Jésus ne nous prépare pas à une vie moins riche, mais à une vie débordante d’un amour parfait.

Une espérance meilleure

Face à une espérance aussi glorieuse, les promesses de l’hédonisme ou du platonisme modernes apparaissent bien fades. Quelle dérision que de courir après des plaisirs immédiats, quand on entrevoit la joie éternelle qui nous attend auprès du Seigneur! Et que vaut cette idée vague du "grand voyage" de l’âme, comparée à la splendeur de la résurrection promise?

Quelle ironie de se contenter de si peu, alors que l’éternité avec le Seigneur nous est offerte!


Joël Favre

Joël est marié à Anne et partage avec elle le beau défi d’élever trois enfants. Diplômé en théologie du London Seminary et titulaire d’un master de recherche de la Faculté Jean Calvin, il exerce actuellement comme pasteur à l’Église Réformée Baptiste de Grenoble. Il intervient aussi en tant que professeur d’éthique à l’Institut Biblique de Bruxelles.

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