Nous avons tous entendu parler de l’Évangile de la prospérité. Mais sommes-nous capables de définir cette hérésie? Un petit livre très important vient d’être publié par le CNEF sur ce sujet.
La commission théologique du CNEF a étudié les écrits des théologiens de la prospérité et a publié ses résultats après qu’ils ont été approuvés à l’unanimité de l’assemblée générale. Le livre s’intitule: La théologie de la prospérité. Ça se lit très facilement et c’est très intéressant (60 pages). Un PDF est disponible gratuitement ici ou encore ici.
Le livre est formé de trois parties. Dans un premier temps, les auteurs résument les principales doctrines des théologiens de la prospérité (TDP). Ils définissent la théologie de la prospérité de la manière suivante:
La prospérité est promise au croyant au même titre que le salut. Avec le salut, elle forme comme une corde à trois brins: pardon des péchés, santé, richesse. Il s’y ajoute parfois, une quatrième composante: libération des influences démoniaques.
Dans une deuxième partie, les auteurs critiquent cette théologie. Dans une troisième et dernière partie, ils proposent une réflexion et une exégèse des principaux textes chers aux TDP. Cette troisième partie fut vraiment la plus intéressante. En annexe est proposée une sélection de citations de théologiens de la prospérité.
Une absence se fait remarquer: aucun nom de prédicateur francophone n’est cité. Plusieurs anglophones sont cités dont Joyce Meyer, Kenneth et Gloria Copeland, Kenneth Hagin, Benny Hinn, Fred Price, Guillermo Maldonado et le fameux Joel Osteen. Mais aucun français n’est mentionné. Est-ce que la théologie de la prospérité n’existerait pas chez nous?
Les auteurs expliquent cette absence par le manque de sources écrites françaises. Selon eux, il n’y aurait pas d’ouvrages publiés par des auteurs français défendant la théologie de la prospérité.
L’absence s’explique aussi par la définition qu’ont adoptée les auteurs. Le comité théologique du CNEF a uniquement étudié la théologie de la prospérité «hard-core». Celle qui ajoute deux choses au salut en Jésus-Christ:
C’est justement cette forme que l’on retrouve beaucoup plus facilement en francophonie. Exemple dans un message de Joel Osteen sur le Top Chrétien: “Vous êtes destinés à la bénédiction”.
Je cite Osteen parce que le CNEF cite son nom. Sinon, de manière générale, je suis d’accord avec la réponse de John Piper à la question: “Faut-il dénoncer et citer les noms des personnes qui prêchent un Évangile de prospérité?”
Celui qui aime lire des exégèses courtes se régalera de la 3ᵉ partie du livre: Repères et réflexions sur la prospérité. De nombreux textes utilisés par la TDP sont étudiés dans leur contexte et le sens le plus probable est donné. Disons simplement que les théologiens de la prospérité ne sont pas convaincants en interprétation de textes. J’ai particulièrement aimé la simplicité de l’exégèse de 3 Jean 2, texte très utilisé par les TDP pour justifier que la prospérité est composée des trois éléments: richesse, santé physique, santé spirituelle (p.34).
Toute personne qui veut progresser dans ses capacités de discernement appréciera ce livre. La théologie de la prospérité se retrouve autour de nous dans beaucoup de formes diluées. Il y a la théologie de la prospérité hard-core qui affirme «à la fois que Dieu accorde la prospérité physique (la guérison) et qu’il donne la prospérité matérielle comme fruit du salut et de la prière de foi.» Mais des formes diluées affirmant uniquement la guérison ou la prospérité matérielle comme fruit du salut sont très présentes. À chacun d’apprendre à «combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes (Jude 3)».
Peut-être encore plus étonnant, c’est de réaliser que, nous aussi, nous aimons une forme d’Évangile de la prospérité. C’est le théologien RC Sproul qui fait remarquer que tous les chrétiens aiment ce faux évangile. La preuve? Pourquoi se met-on en colère quand Dieu nous enlève la santé ou un être aimé? (MA à John Piper pour cette réflexion et à David Charrier pour le lien de la vidéo.)
Il est trop tôt pour le savoir. Mais j’espère qu’on verra le livre produire un effet auprès des éditeurs et librairies membres (fondateur parfois!) du CNEF qui publient, distribuent ou vendent des livres des auteurs mentionnés dans La Théologie de la prospérité.
J’ai eu de nombreuses discussions avec des libraires qui vendent tout et n’importe quoi sans discernement. Je n’ai jamais eu de réaction du genre: «Ah bon? Sa théologie est fausse?». Le libraire n’est pas dupe, il sait que le livre n’est pas bon. Mais il le vend pour des raisons commerciales et parfois, dit-il, parce que s’il ne le vend pas, le client ira ailleurs.
On peut aussi prier que les sites chrétiens fassent preuve de plus de discernement et cessent de publier les enseignements de ces prédicateurs.
Je me permets quand même quelques remarques. C’est après tout le but d’une recension de raconter le bon et le moins bon. Le livret étant court, on est parfois insatisfait par le traitement de certaines doctrines. C’est le principal reproche que je ferais. À mon avis, le livre est de 10 pages trop court.
Par exemple, sur la rédemption accomplie par Jésus à la croix, le CNEF fait remarquer combien la croix est comprise différemment par la TDP. Mais cela est résumé en un paragraphe. J’aurais souhaité en savoir plus. Selon la TDP (p.14):
Jésus-Christ est devenu pécheur à la croix, c’est-à-dire une créature satanique. Il a subi la mort spirituelle en enfer, pendant les trois jours séparant sa mort à la croix de la résurrection. Il a ensuite vécu la nouvelle naissance. Le salut n’a pas été acquis à la croix, qui a été une défaite. C’est en subissant la mort spirituelle en enfer et en étant régénéré que Jésus-Christ nous ouvre l’accès au salut.
Idem pour mention de la tentation de Jésus dans le désert comme preuve que même Jésus a refusé d’instrumentaliser Dieu avec une «parole de foi». J’aurais souhaité une phrase explicative.
Enfin, dans la partie qui contredit la théologie de la prospérité, le CNEF cite l’exemple de Jésus (p.33) qui malgré une vie parfaite a souffert, a été confronté à des difficultés et des frustrations. Cela est juste, mais l’argument aurait été d’autant plus fort s’ils avaient cité l’exemple des apôtres qui ont tous souffert, et nombre d’entre eux qui sont morts. En effet, on pourrait toujours répondre que Jésus a vécu avant sa résurrection qui a aboli la maladie et la souffrance. Mais l’argument des apôtres et des disciples (je pense à Jacques et Étienne morts en martyrs, ainsi que Paul, Pierre et Jean qui se réjouissent de leurs chaînes) est indiscutable.