J’ai mis beaucoup de temps à écrire cet article. Je ne veux pas qu’il soit perçu comme méprisant vis-à-vis des prédicateurs qui servent la Parole de Dieu, dont j’ai beaucoup à apprendre. Je veux également vous prévenir que j’écris à cause du manque que j’ai d’abord constaté dans mon homilétique en la comparant avec celle des prédicateurs dans les Écritures.
Je sais qu’un tel article peut m’exposer à de la caricature. Selon vos présupposés quant à la définition et au rôle de la prédication, vous ne serez pas du tout d’accord avec moi.
Je vous partage donc humblement ce qui n’est qu’un avis, considérant que je suis le premier et le seul prédicateur que je vise ouvertement.
Selon moi, l’ingrédient manquant à la majorité (immense?) des prédications est: L’URGENCE. Je me suis longtemps demandé si c’était le bon mot. Mais finalement, ça l’est.
« L’urgence » c’est l’ingrédient manquant parce que:
Prenons la question sous un autre angle. Est-ce que les membres de votre Église locale se disent: « Si je ne vais pas à l’Église ce dimanche, je vais assurément rater quelque chose d’indispensable à ma croissance spirituelle! »
Si vous n’avez pas quelque chose d’urgent à communiquer à l’Église, restez assis et laissez la prédication à un autre.
Pourquoi est-ce que je pense cela?
L’Église est le corps de Christ. La prédication est l’un des moyens de grâce que Christ utilise pour lui rappeler sa présence et lui communiquer ses bénédictions:
Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. – Jn 8.31-32
Celui qui accueille en son cœur la Parole de Dieu prêchée accueille le Christ qui s’y révèle (cf. Mt 10.40, Col 1.25-29).
Les prophètes étaient des prédicateurs de l’urgence. À l’image de Jean-Baptiste, le plus grand d’entre eux: »Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Mt 3.2). Bref, c’est urgent!
L’urgence transpirait dans tous les aspects du ministère de Jésus, car son message et sa mission étaient ce qu’il y a de plus important au monde (Mc 1.38; Jn 9.4-5; etc.). Il a donc formé les apôtres dans cette perspective (Lc 8.1-3; Lc 9.1-5; Lc 9.60) et à leur tour ils ont prêché l’urgence de l’obéissance (Ac 2.38-40; Ac 26.18, Ép 5.14-16; etc.).
Si nous croyons en la mort et la résurrection de Jésus-Christ,
Si nous croyons que le retour de Christ nous surprendra,
Si nous croyons que sans l’Évangile, personne ne peut être sauvé,
Si nous croyons que l’enfer est réel,
Si nous croyons que nous sommes dans un monde brisé, malade à l’agonie,
Si nous croyons que les standards de sainteté ne sont pas en option,
Si nous croyons que dans chaque église nous avons en face de nous des personnes qui sont tristes, découragées, dans l’épreuve ou empêtrées dans le péché,
Si nous croyons que la Bible est le message de Dieu et rien de moins,
Si nous croyons que la connaissance de Dieu nous presse à l’aimer et à aimer notre prochain,
Si nous croyons que rien n’est impossible à Dieu,
Si nous croyons que Satan est enragé contre l’Église,
Si nous croyons que la seule espérance est en l’Évangile de Jésus-Christ: pourquoi prêcherions-nous avec nonchalance?
Je n’ai pas de réponse!
Pourquoi tant de prédications ont un plan structuré à la perfection, un (joli) PowerPoint, mais ne sont, au final, que de la paraphrase informative?
Pourquoi comportent-elles toujours les mêmes applications qui n’encourageraient même pas un mourant à saisir le remède qui lui est tendu?
Sommes-nous tellement anesthésiés par notre confort et notre sécurité que nous ne voyons pas l’urgence à ce que les changements se produisent le plus tôt et le plus durablement possible?
Oublions-nous que le Dieu saint est réellement présent et que sa Parole est efficace?
Est-ce que souvent nous mettons l’accent seulement sur l’information, la description?
Notre foi est-elle trop conceptuelle et dépourvue de l’obéissance comme moyen de comprendre?
Laissons-nous la place à l’Esprit Saint d’œuvrer durant la prédication et les cultes?
Avons-nous peur de fâcher une partie de l’auditoire?
Je n’ai pas les réponses. Je n’en sais rien. Peut-être un peu de tout cela, ou un peu de ci et un peu de ça. En tout cas, nous ne sommes pas animés par cette passion qu’avait Spurgeon:
Si les pécheurs doivent être condamnés en enfer, qu’ils soient au moins obligés de sauter par-dessus nos corps morts pour y arriver. Et s’ils périssent, qu’ils périssent avec nos bras autour de leurs genoux, les ayant implorés de rester avec nous. Si l’enfer doit être rempli, qu’il soit rempli des dents de nos efforts, et qu’aucun ne parte sans être averti ni sans être l’objet de nos prières. – The Wailing of Risca
La plupart des applications de nos prédications coulent à dix mille lieux sous les standards de notre doctrine. Les doctrines bibliques ne sont pas des abstractions. Elles nous sont révélées pour que nous vivions par elles.
Elles provoquent l’adoration, l’espérance, la repentance, le pardon, le témoignage. Elles nous révèlent la laideur du péché, notre dépendance et notre besoin de Dieu.
Malheureusement, combien de prédications se concluent par des questions aussi molles que génériques et en décalage complet avec l’importance de la doctrine qui vient d’être d’enseigner?
Comme si les prédicateurs faisaient des copiés/collés des mêmes applications. Je caricature? En tout cas, j’aimerais en être convaincu.
« Chers frères et sœurs, ne devrions-nous pas… » ou « Et vous, si ce matin vous ressentez que vous avez besoin de… je vous encourage à…. »
Nous devons, bon sang! Nous avons tous besoin, qu’on le ressente ou pas! C’est urgent! On ne partage pas notre avis sur le beau temps et on n’invite pas les Hommes à profiter d’un bon d’achat chez Leader Price!
La centralité de Christ est souvent abordée. Ici, je veux souligner l’importance de prédications centrées sur le modèle de Christ en tant que prédicateur. Nous voulons volontiers centrer notre doctrine, mais nous oublions qu’il faut également faire de lui notre guide et notre modèle. Dans son office de prophète, il est le prédicateur suprême. Il s’agit donc de chercher à ressembler à Christ alors que nous prêchons.
Jésus le prédicateur était animé de compassion.
Personnellement, quand je réfléchis à des applications qui découlent du texte, j’ai naturellement tendance à revenir toujours sur les mêmes, sur mes « dadas ».
J’ai trop longtemps écarté la prière du processus même de préparation de la prédication. Je priais avant de préparer, avant de prêcher. Mais j’ai remarqué que supplier Dieu pour moi-même, pour mon auditoire tout au long de ma préparation change mes applications. En effet, je ne prie pas en disant à Dieu: « Ne serait-il pas bon d’envisager que tu puisses… » Au contraire, j’implore: « Seigneur! agis maintenant, pour ta gloire fais-nous la grâce de…! »
Nous ne pouvons pas nous contenter d’explications techniques sur le texte ou la doctrine. Car nous ne cherchons pas juste à connaître des choses sur Dieu, mais à connaitre Dieu lui-même et ainsi à brûler d’amour pour lui, pour la gloire de sa grâce réunie en Église.
La prédication ne sert pas à simplement à analyser et expliquer. Elle doit nous pousser à mettre en pratique la Parole de Dieu, par la puissance de l’Esprit pour notre sanctification (Mt 7. 21-25 ; Ja 1.22-25).
N’oublions pas que Christ est présent lorsque nous prêchons et qu’il sauve. Ainsi, la prédication de l’urgence affirme: « Saisissez la grâce de Dieu maintenant! »
Comme le rappelle si bien Brian Chapell:
La grâce ne peut être ni suscitée ni maintenue par des moyens humains… Si l’on se contente de demander aux gens d’imiter la piété d’un autre sans leur rappeler que la vraie sainteté doit provenir de la dépendance à l’égard de Dieu, alors on les incite soit à désespérer de toute possibilité de transformation spirituelle, soit à en nier la nécessité.
Ainsi, la prédication de l’urgence vise à magnifier la révélation pour aboutir à de réelles applications à la gloire de Dieu, son adoration, l’obéissance et la repentance, la sainteté et la foi, le salut et l’amour du prochain.
L’intégrité face à la Parole de Dieu est primordiale pour les prédicateurs. Si l’on n’ose pas dire ce qui découle d’elle à l’Église parce qu’on a peur de n’être pas apprécié par certains, cela nous disqualifie (2 Ti 4.1-5). Christ ne cherchait pas à plaire, mais à sauver en prêchant la vérité avec amour.
Il convient encore de préciser ce que n’est pas la prédication de l’urgence:
Il ne s’agit pas de faire des effets de manche, de voix et de chercher à se donner un charisme emprunté et à sa propre mise en scène.
Il ne s’agit pas d’utiliser la formule « attention c’est urgent, c’est une question de vie ou de mort » tout au long de la prédication.
Il ne s’agit pas de crier ou d’utiliser un ton sentencieux.
Il ne s’agit pas de ne pas démontrer de la douceur et du calme.
Il ne s’agit pas non plus créer une urgence qui se fonde sur la peur ou toute autre manipulation.
Au contraire. Elle vise à nous effacer pour servir le texte. À le laisser nous imposer les applications qui découlent de la puissante vérité et à laisser le texte nous imposer la manière: on ne peut pas prêcher sur le même ton Esaïe 53, le Psaume 145 ou Romains 1.
Je le rappelle, il s’agit de chercher à ressembler à Christ alors que nous prêchons.
Il ne s’agit pas de faire des appels publics à la repentance ou à faire lever la main. Il ne s’agit pas de créer de la précipitation, voire de l’affolement. Il s’agit de faire comprendre aux personnes que ce que la Bible dit est très important et que si l’on prend la Bible au mot, alors elle doit nous pousser à l’engagement, l’adoration, la repentance, la patience, etc.
À Paul, l’apôtre, de conclure:
Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que votre foi ne soit pas (fondée) sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu. – 1 Co 2.4–5
webinaire
Comment prêcher Christ à partir de l’Ancien Testament?
Ce replay du webinaire Dominique Angers a été enregistré le 20 novembre 2019.
Orateurs
D. Angers