Le problème avec les citations sur Internet, c’est qu’il est difficile de déterminer si elles sont authentiques ou non.
Abraham Lincoln
Nous partageons ou publions des informations, pas tant parce qu’elles nous paraissent légitimes, mais parce qu’on nous incite à le faire. Quelques fois, nous publions ou relayons des infos parce qu’elles nous paraissent utiles et/ou importantes. Parfois, nous les partageons parce qu’elles revêtent un caractère d’urgence. Mais rarement, nous les vérifions.
Depuis une semaine circule sur Facebook une photo montrant la pendaison d’un homme, la légende expliquant qu’il s’agit de l’exécution du pasteur Youcef Nadarkhani. Youcef est un pasteur qui a été enfermé pour sa foi chrétienne et qui, après des mois de détention, avait fini par être libéré en septembre 2012. L’année dernière, nous avions prié pour lui et sa famille et nous avions suivi avec intérêt les rebondissements de cette triste affaire. Cette photo m’a donc interpellé. Cet homme libéré il y a quelques mois venait-il de mourir?
Je suis assez sceptique en général, particulièrement en ce qui concerne ce que les gens publient ou relaient sur Internet, notamment sur Facebook. Dans ce cas, plusieurs choses me troublaient. D’abord l’information est apparue sur Facebook avant que les institutions et les médias chrétiens, d’habitude impliqués, en parlent. Ensuite, l’homme sur la photo ne ressemble pas à Youcef, dont la photo a été largement diffusée. Donc, j’ai vérifié. En fait, j’ai fait ce que tout le monde devrait faire avant de relayer ou de publier une info.
En fin de compte, l’information s’est révélée être un hoax, un canular. Ce n’est pas la première fois que des rumeurs annonçant la mort de Youcef apparaissent. La dernière fois aussi, l’info était accompagnée d’une photographie que l’on avait associée avec l’exécution présumée de Youcef. Cette fois, je suis d’abord tombé sur un article du Christian Post qui dément cette rumeur, puis sur un communiqué du site ACLJ, source habituelle des infos concernant Youcef.
Pas besoin d’être un expert pour débusquer les canulars. Une simple recherche sur Google suffit. La source de l’information est aussi un bon indice. L’information est-elle relayée par un organe médiatique digne de confiance? Présente-t-elle une explication simpliste à un problème complexe? sont les premières questions que l’on peut se poser. Après, même les journaux ne sont pas à l’abri d’avoir relayé une info sans l’avoir vérifiée – les exemples ne manquent pas – surtout ces derniers temps où la course est à celui qui « informera » le premier. Quand même, croiser les sources et faire valider l’info par une source d’autorité est un bon réflexe. Aussi, signalons Hoaxbuster (chasseurs de canulars) qui est un bon moyen de filtrer les infos, surtout si elles circulent sur les réseaux sociaux.
Le canular n’est pas apparu avec Facebook, ni avec les emails, ni avec l’Internet. Mais compte tenu du développement de ces outils et de leurs usages, on comprend aisément que les canulars aient trouvé là un terrain propice à leur développement. Le canular informatique est apparu en même temps que la possibilité de communiquer de manière informatique et s’est développé proportionnellement au développement des outils de communication. D’abord avec les emails, ensuite avec Facebook ou Twitter. Pascal Froissart, chercheur à Paris VIII étudie la rumeur depuis des années. Il y a déjà plus de dix ans, il avait écrit un article sur les « images rumorales », à lire pour aller plus loin.
Aujourd’hui, c’est une photo d’une femme récemment disparue qui est apparue sur le fil d’actualités d’un ami, alors que je commençais à rédiger cet article. Un clic sur la photo dévoile les informations et un lien vers Le Dauphiné, un journal de l’Est de la France. L’information, cette fois, est –malheureusement– vraie. Le discernement permet de trancher, de séparer. Dans les informations que nous publions, le discernement intervient à plusieurs niveaux: Premièrement, l’information est-elle avérée? Deuxièmement, l’information vaut-elle que je la partage? En somme, est-ce que l’information est vraie et est-ce que cela vaut la peine que je la partage? On peut même se demander si l’information va édifier ceux à qui je la partage.
Avec la fonction partage, que ce soit sur Facebook ou sur les Tumblr, l’information se relaye en un clic. Une espèce de ricochet qui permet à l’information d’être relayée en un temps record, de manière exponentielle. Ce qui permet à des dispositifs comme « Alerte Enlèvement » d’élargir son champ d’action et son efficacité. Le discernement doit alors être une étape entre la lecture de l’information et le partage, agissant comme un filtre. Je pense que la plupart des infos que nous relayons ou partageons ne vaut pas la peine d’être partagée, soit parce qu’elles sont fausses, soit parce qu’elles n’édifient pas (et font souvent le contraire). Le discernement doit nous permettre de séparer l’info qui va s’arrêter devant nous de celle que je vais relancer, comme par ricochet.
Tim Challies, dans son livre The Next Story, explique que nous sommes passés d’un paradigme de la vérité garantie par l’expertise de ceux qui rédigeaient les sources de la connaissance –dictionnaires, encyclopédies- à un nouveau paradigme où la vérité est établie par consensus. Maintenant, l’info n’est pas vraie parce que celui qui parle a une légitimité, mais parce que plusieurs s’accordent sur une même chose. On est passé d’une vérité établie par un tiers, expert, à une vérité établie par la masse, de manière presque démocratique. Attention, je ne dis pas que le modèle wiki n’est pas bon, mais juste que nous pouvons (devrions?) remettre en question ce qui fonde ce que nous tenons pour vrai. J’irai plus loin, aujourd’hui, une info est vraie –inconsciemment– parce qu’elle est largement partagée. On relaie parce que les autres relaient, sans qu’on ait pris le temps de vérifier l’info, comme par réflexe.
Pour nous, c’est Dieu La source de La vérité. Et nous ne devrions pas sous-estimer notre responsabilité dans ce que nous disons ou partageons sur le net. Ce que nous partageons nous engage, au même titre qu’IRL. Il est normal qu’on attende de nous, en tant que chrétien, que ce que nous disions ne soit pas faux, parce que ce que nous disons doit refléter la vérité de Dieu. Je reprends ce que dit Challies:
La vérité n’est pas ce qui est pertinent ou ce qui est populaire, mais ce que Dieu pense.
The next story, p. 174/cite>
Je pense que nous prenons rarement le temps de questionner nos usages et nos comportements en ligne. Cette question du partage ou de la publication d’informations n’est qu’une partie de ce qui caractérise la manière dont nous nous comportons et le rôle que nous avons dans les réseaux, plus spécifiquement dans les réseaux sociaux. Comme pour tout le reste de notre vie, passons notre activité sur l’Internet au crible de la Parole, source de la vérité et norme pour notre vie chrétienne.
La Bible a beaucoup à dire sur notre manière de vivre, même en ce qui concerne nos usages des technologies. Prenons le temps de nous poser les bonnes questions et d’essayer de révéler les principes qui régissent nos comportements, qui souvent se conforment à une manière de faire, sans que nous nous posions trop de questions. Prenons ce qui est bon, rejetons ce qui est mauvais!
PS: Citez vos sources.
Merci à Marie pour la relecture et les liens.
webinaire
Comment avoir une vision biblique du monde et de la culture?
Découvre le replay du webinaire de Raphaël Charrier et Matthieu Giralt (Memento Mori) enregistré le 24 octobre 2018.
Orateurs
M. Giralt et R. Charrier