Les évangéliques aiment les bonnes histoires. Nous sommes toujours partants pour "donner nos témoignages", "faire part de nos expériences", raconter notre "cheminement spirituel".
Insister sur l’expérience personnelle est l’une des forces du mouvement évangélique. Nous concevons la conversion comme allant bien au-delà d’un simple acquiescement des enseignements du christianisme, bien au-dessus du simple respect des rites et rituels de l’Église. Rien d’étonnant donc que partager des histoires soit l’une des principales marques de notre identité et notre activité évangéliques.
Cependant, ici se cache un danger subtil. À force d’insister sur les expériences et les témoignages de conversion, nous pouvons, involontairement, laisser penser aux gens que l’évangélisation n’est rien de plus que partager son expérience.
Nous comprenons l’ordre “allez et faites des disciples” comme si c’était “allez et partagez votre histoire”. Mais ce n’est pas la même chose.
Lorsque nous parlons du "Grand Mandat Missionnaire" de Matthieu 28, la majorité d’entre nous commence par le verbe "allez". Après tout, le commandement de Jésus-Christ n’est-il pas, globalement parlant, d’aller dans le monde entier et de faire des disciples de toutes les nations, les baptisant et les enseignants?
Cependant, la version de Matthieu de cette scène d’envoi ne commence pas par "allez". Le mandat lui-même commence et termine par deux déclarations concernant Jésus-Christ: la première est au sujet de son autorité, la seconde à propos de sa présence encourageante.
Le fil de ce passage se déroule ainsi:
La version de l’Évangile selon Luc conduit à cette même vérité, mais de façon différente. Luc met l’accent sur l’Évangile qui parcourt la terre au nom de Jésus.
D’après Luc, le nom de Jésus est la source de toute autorité. Dans le livre des Actes, cet élément n’est pas autant mis en évidence dans la scène d’envoi que dans le reste du récit, où le thème du "nom de Jésus" comme porteur de pouvoir et d’autorité devient un point majeur de la narration.
Luc et Matthieu imprègnent tous deux de vérités christologiques leur récit du mandat missionnaire. Comment les apôtres témoignaient-ils de la vérité sous l’autorité de Jésus? Remarquons trois choses:
Un manque de synchronisation de ces éléments dans notre démarche, entravera sérieusement notre efficacité à accomplir la mission que Jésus nous confie.
Par exemple, certains chrétiens peuvent tellement s’attacher au second aspect (ce que nous faisons) qu’ils perdent toute annonce verbale de l’Évangile (ce que Christ a fait).
Pour donner un autre exemple, les chrétiens mettent tellement l’accent sur leur expérience de conversion qu’ils manquent de proclamer clairement la vie et l’œuvre de Christ.
Regardons ce second aspect de plus près.
Le sens du mot "témoins" en Luc 24 et en Actes 1, ainsi que tout au long du récit du livre des Actes, fait référence à ceux qui ont assisté au ministère du Seigneur et l’ont raconté à d’autres. Le témoignage des disciples était centré sur la vie et l’œuvre de Christ, qu’on voit le plus clairement dans sa mort et sa résurrection.
Ainsi, il apparaît que le cœur de la prédication apostolique en Actes n’est pas l’expérience de conversion des disciples, mais l’œuvre de Christ qui rend la conversion nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous devons nous assurer que notre témoignage de l’œuvre de Christ soit avant tout focalisé sur ce qu’Il a fait dans l’histoire, et non simplement sur ce qu’Il a fait dans notre vie.
Cela étant dit, il y a une place pour les témoignages de conversion personnelle. Après tout, Paul cita sa propre expérience pour justifier la singularité de son apostolat. La femme samaritaine courut en ville raconter sa discussion avec Jésus. L’aveugle-né, après avoir guéri par Jésus, alla dire à tout le monde ce qui lui était arrivé.
Je ne dis absolument pas que nous devrions arrêter de donner nos témoignages personnels! Ils sont très puissants.
Nous devrions travailler toutefois à ce que ces témoignages soutiennent et appuient une claire présentation de l’Évangile au lieu de la remplacer. Ce que Jésus a fait pour moi doit toujours être lié à ce que Jésus a fait tout court.
Une grande insistance sur notre propre expérience avec Christ peut, même involontairement, diminuer l’importance des évènements historiques sur lesquelles la foi chrétienne tient debout, au risque de s’écrouler.
Un évangéliste qui parle seulement de son expérience personnelle avec Jésus serait surpris de rencontrer dans l’Islam, le Bouddhisme ou l’Hindouisme d’autres personnes qui parlent autant sincèrement de leurs propres expériences. Ce désir profond de raconter ce qu’on a vécu personnellement peut être retracé aux bases du multiculturalisme, qui conduit à une présentation neutre de l’Évangile qui perd dès lors son enracinement dans la réalité historique.
Le rôle de l’expérience personnelle dans le témoignage de l’œuvre de Christ devrait être celui d’une preuve supplémentaire de la puissance de l’Évangile. Ce n’est pas l’Évangile en lui-même, mais plutôt un témoignage de sa puissance.
Ton témoignage n’est pas l’Évangile, mais un témoignage de sa puissance.
En résumé, les présentations de l’Évangile qui incluent les témoignages personnels doivent veiller à pointer vers l’Évangile lui-même (la bonne nouvelle de la mort et la résurrection de Jésus) et non simplement sur notre vécu personnel d’une vie transformée. Un changement de cœur est une démonstration supplémentaire de l’Évangile et doit être utilisé dans l’évangélisation personnelle, à condition que l’accent est mis sur l’œuvre objective de Christ à la croix.
webinaire
Islam: Comment témoigner auprès des musulmans
Découvre ce replay du webinaire de Rémi Gomez enregistré le 28 octobre 2020 sur les moyens de témoigner auprès des musulmans tout en défendant notre foi chrétienne.
Orateurs
R. Gomez