À chaque début d’année, je fais le bilan de l’année passée et je me demande comment je peux mieux faire dans l’année qui vient. Je sais que j’aurai le même nombre d’heures, mais je veux en tirer profit au maximum.
Je fais mienne la 5ème résolution de Jonathan Edwards:
Résolu, de ne jamais perdre de temps; mais de faire fructifier chaque instant autant que je peux pour le plus grand profit.
Je me demande alors: « Est-ce que je fais ce que je devrais faire? Y’a-t-il des choses que je devrais cesser ou bien entreprendre? Est-ce que j’emploie bien mon temps, pour mon travail, ma famille, mon équilibre personnel? Comment faire mieux? »
Ces questions m’amènent souvent à questionner ma productivité et à rechercher les livres qui pourraient m’y aider.
Quand j’ai vu que Tim Challies, un blogueur que j’aime beaucoup, sortait un livre sur le sujet, je l’ai de suite commandé. Il a été édité en Français par BLF. Voilà ce que j’en ai pensé.
On pourrait diviser le livre en trois parties + bonus:
Nous aimons bien les raccourcis et les recettes prêtes en 5 min. C’est vrai que c’est facile à préparer, mais ça ne tient pas longtemps. C’est pareil pour les questions de productivité. Nous avons besoin d’outils et de conseils pratiques; mais avant cela, nous avons besoin d’une vision, d’un cadre dans lequel inscrire notre productivité.
Avant de répondre à la question: « Comment être plus productif? » nous devons nous demander: « Qu’est-ce que la productivité pour un disciple de Jésus? »
Si nous loupons le but, la mission que Dieu nous donne, nous courrons le risque d’être efficaces dans les mauvaises choses. Comme William Carrey l’aurait dit:
Je n’ai pas peur de l’échec, j’ai peur de réussir dans des choses sans importance.
Challies commence son livre par un petit catéchisme dans lequel il définit notre but: « Glorifier Dieu en faisant du bien aux autres. » (p. 21) et, à partir de ce but, définit la productivité comme « gérer efficacement mes dons, mes talents, mon temps, mon énergie et mon enthousiasme pour le bien des autres et la gloire de Dieu. » Voilà, selon Challies, le vrai sens de la productivité.
Après avoir défini ce qu’est la productivité, l’auteur identifie ce qui peut nous voler notre productivité: la paresse, la surcharge (busyness) et les effets plus généraux de la chute et du péché. Après cela, il rappelle que la productivité concerne tous les aspects de notre vie, pas juste le travail et que la productivité s’attache autant à ce que nous faisons qu’à ce que nous sommes.
Rappelez-vous que rien n’est plus important que votre propre sainteté, votre propre attachement à Dieu. (p. 29)
C’est avec ces bases que l’auteur aborde la seconde partie, la stratégie.
Abraham Lincoln n’aurait pas dit:
Si je disposais de neuf heures pour abattre un arbre, j’en emploierais six pour affûter ma hache.
Mais l’idée est là: mieux on planifie, mieux on réussit. Ou comme reprend Challies:
Si vous échouez à vous préparer, vous vous préparez à échouer. (p. 86)
Mais avant même de choisir ses outils, il faut savoir ce que l’on doit faire. Pour définir nos priorités, il faut d’abord en avoir! C’est là que l’auteur nous conduit dans la définition de nos domaines de responsabilités: travail, famille, Église, personnel… Après avoir défini ces domaines, l’auteur nous demande de formuler nos rôles: dans chaque domaine, quels sont mes rôles.
Par exemple, dans l’Église je suis: disciple, ancien, responsable de groupe de maison, prédicateur, formateur et responsable d’un groupe de jeunes. Enfin, il nous faut définir une « mission » pour chaque domaine de responsabilité. Par exemple, pour ses responsabilités dans l’Église, Challies définit sa mission ainsi:
Enseigner, conduire et servir les gens de mon Église Grace Fellowship Church et les voir grandir et se multiplier.
Avoir défini ces choses nous permet de savoir si nous faisons ce que nous sommes censés faire et nous motiver à remplir nos rôles.
Après avoir terminé ce qu’il appelle “l’audit”, Challies décrit trois outils indispensables à une bonne productivité (p. 51):
La partie pratique se concentre sur l’articulation entre la définition des domaines de responsabilité et des rôles avec les outils. Comment utiliser les trois outils pour qu’ils nous aident à bien remplir nos rôles et notre mission?
Pour Challies, il est très important d’utiliser chaque outil pour ce qu’il est (par exemple on ne rentre pas une tâche dans le calendrier mais dans le gestionnaire de tâches) mais aussi que les outils communiquent entre eux. Les trois chapitres suivants (6-8) traitent chacun de l’emploi de ces outils.
Enfin, les deux derniers chapitres (9-10) expliquent comment utiliser les outils au quotidien et sur la durée, pour que le système mis en place dure et transforme notre manière de faire.
Globalement, j’ai vraiment aimé ce livre. J’ai quelques réserves, mais ce ne sont que les revers de la médaille.
D’abord, j’ai aimé la longueur du livre. En 120 pages, Challies a réussi à traiter le sujet sans qu’on ait l’impression qu’il manque de grosses parties. Bien sûr, un petit livre comme celui-là ne pourra pas rendre les finesses et la profondeur de livre plus volumineux (je pense à l’excellent What’s Best Next, 350 pages, que j’ai lu juste avant). Le livre ne perd pas de temps là où d’autres insistent et parfois nous perdent (perso je me sens un peu perdu quand il faut articuler une « mission de vie »). Challies va droit au but.
Ensuite, j’ai aimé le fait que Challies replace vraiment la productivité dans le cadre plus général de la vie de disciple. La plupart des conseils que nous trouvons en ligne nous disent comment faire plus. Mais Challies nous demande d’abord: « au fond, que devrait-on vraiment faire? » Ce cadre nous aide à « voir comme Dieu voit pour vivre comme Dieu veut. »
Peut-être ce que j’ai le plus aimé est le côté hyper pratique du livre. Challies montre non seulement la philosophie qui sous tend sa productivité mais explique quels outils il utilise, pourquoi et comment les utiliser.
Finalement, c’est cet équilibre entre la théorie et la pratique que j’ai aimé. Peut-être parce que comme moi, Tim Challies est pasteur et blogueur. On retrouve à la fois le côté entrepreneur et le côté pastoral dans ses livres. J’utilisais déjà les mêmes outils (à part ToDoist) à peu près de la même manière. Mais le livre m’a aidé à aller plus loin dans mon organisation et à savoir articuler mieux mes rôles et les outils que j’utilise.
À vrai dire, je n’ai qu’une seule réserve. Mais cette réserve est la faiblesse de la force de ce livre. Parce qu’il est tellement précis dans la description des outils qu’il emploie, l’utilisation en devient presque trop rigide. Le fait de décrire un système déjà bien ficelé pourra donner l’impression à certains que ce moule est trop contraignant.
Mais je pense qu’il est plus facile de rendre abstrait un système plutôt que l’inverse. À partir de la description de Challies, il est plus facile de voir comment on pourrait l’appliquer avec d’autres outils plutôt que de deviner comment appliquer concrètement quelque chose d’abstrait.
Challies pense que tout le monde devait lire son livre. Et je suis d’accord avec lui. Si on en revient à la raison d’être de la productivité (« gérer efficacement mes dons, mes talents, mon temps, mon énergie et mon enthousiasme pour le bien des autres et la gloire de Dieu. »), tout le monde est concerné. Chacun se trouve dans une situation sociale et professionnelle différente, mais tout disciple est appelé à « glorifier Dieu en faisant du bien aux autres. » Cette mission passe par notre emploi du temps.
Il n’y a rien dans la vie qu’on ne puisse pas faire pour la gloire de Dieu. (p. 18)
Nous supposons souvent que notre valeur est en lien avec notre niveau d’activité. (p. 25)
Ce livre va mettre en avant des outils, des systèmes et d’autres éléments importants dans votre marche vers la productivité, mais rappelez-vous que rien n’est plus important que votre propre sainteté, votre propre attachement à Dieu. (p. 29)
Votre premier objectif en termes de productivité, ce n’est pas de faire plus de choses, mais de faire plus de bien. (p. 43)
Pour être productif, il vous faut un système. Vous devez le construire, l’utiliser, le perfectionner et pouvoir en dépendre. (p. 85)
La prière est un élément indispensable dans toute productivité biblique. Elle nous mène à reconnaître que Dieu est souverain sur tous nos projets et cela nous permet de supplier Dieu de nous aider à prendre des décisions sages, qui seront toutes à son honneur. (p. 97)
Article publié le 17 avril 2017. Mis à jour le 9 février 2023.
Ndlr: Ce livre a été réédité en 2023 avec un changement majeur dans le titre. En effet, l’encouragement de Challies n’était pas de faire plus de choses, mais justement moins, afin de les faire mieux. (Re)découvrez Faire moins. Mieux. BLF, 2023.