La grâce commune est une doctrine fondamentale pour notre vision du monde. Elle nous aide à comprendre que le monde n’est pas aussi mauvais qu’il devrait l’être après la chute. La chute a tout atteint, mais pas complètement. C’est la raison pour laquelle nous pouvons encore admirer la beauté d’un coucher de soleil ou nous délecter du parfum d’une rose. C’est ce qui explique également pourquoi il demeure en l’homme naturel un certain sens du bien et du mal, ou encore pourquoi Dieu a béni ceux qui le rejettent en leur accordant de nombreux talents.
J’aime la définition simple du théologien Wayne Grudem :
La grâce commune est la grâce au nom de laquelle Dieu accorde aux humains d’innombrables bénédictions qui ne font pas partie du salut.
Quand on parle de grâce divine, on parle de Dieu qui fait du bien à ceux qui méritent sa colère. On distingue la grâce spéciale, par laquelle Dieu sauve ses élus, de la grâce commune qui s’étend à tous les hommes.
Quand on parle de grâce commune, c’est généralement pour désigner trois choses :
Cette grâce universelle de Dieu a deux implications majeures que nous retrouvons dans le Nouveau Testament : une implication liée à notre éthique (aimer comme Dieu aime) et une implication liée à notre évangélisation (appeler à la repentance).
Écoutez ce que dit Jésus dans le Sermon sur la montagne :
Vous avez appris qu’il a été dit : “Tu aimeras ton prochain et tu détesteras ton ennemi.” Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent, afin d’être les fils de votre Père céleste. En effet, il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les collecteurs d’impôts n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les membres des autres peuples n’agissent-ils pas de même ? Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Matthieu 5.43-48
Jésus s’oppose à un enseignement commun de l’époque. La Bible n’enseignait pas de haïr son ennemi, mais dans le contexte de l'occupation romaine, certains l'enseignaient (à Qumran par exemple).
Jésus appelle ses disciples à avoir une éthique qui dépasse celle de ceux que les pharisiens méprisaient : les publicains et les païens. À l'époque, le prochain était compris comme étant celui qui fait partie de la communauté israélite (Lé 19.18). Pour autant, la loi enseignait déjà une miséricorde qui devait s’étendre jusqu’aux ennemis (Ex 23.4-5 ; Pr 25.21).
Mais Jésus montre que l'amour du prochain va au-delà du membre de la communauté et s'applique à l'étranger (cf. Lc 10.30-37), mais aussi à l'ennemi (vv. 44-47).
Jésus va encore plus loin que ce qu'il a dit avant (v. 39) : non seulement nous ne devons pas nous venger et accepter l'offense, mais nous devons également chercher le bien et prier pour ceux qui nous persécutent. Il prépare ainsi ses disciples à ce qui les attend et en donnera le témoignage ultime lors de la passion, alors qu’il meurt pour ses ennemis (Rm 5.10).
Dans les Actes, Étienne est le premier des martyrs à témoigner de cette éthique du royaume, quand il prie pour ceux qui sont en train de le lapider (Ac 7.60).
Aimer ses ennemis, c’est ressembler au Père qui fait du bien à tous. Comme le Père fait du bien à tous les hommes, même ceux qui méritent sa colère (en réalité tous la méritent) et font ouvertement le mal (les méchants), nous devons en faire de même. C'est un enseignement que l'on retrouve ailleurs dans le Nouveau Testament : pour ressembler au Père, nous devons aimer comme il aime (Ép 5.1-2 ; 1Jn 4.7-12 ; 1P 1.13-25).
L’éthique du royaume tranche avec notre culture séculière. C'est l'amour et la recherche du bien de l'autre, même du méchant, qui sont la norme du royaume. Chez les disciples, c’est la grâce qui doit régner.
Dans les passages suivants, Paul fait le lien entre grâce commune et grâce spéciale, en soulignant comment la grâce commune doit servir de tremplin vers la grâce spéciale.
Dans l’épître aux Romains, il écrit :
Ou méprises-tu les richesses de sa bonté, de son support et de sa patience, sans reconnaître que la bonté de Dieu te pousse à la repentance ?
Romains 2.4
À Lystre, Paul entend dissiper un malentendu suite à un miracle :
Les apôtres Barnabas et Paul l’apprirent, déchirèrent leurs vêtements et se précipitèrent au milieu de la foule, en criant aux hommes : Pourquoi faites-vous cela ? Nous sommes, nous aussi, des hommes de même nature que vous, et nous vous annonçons, comme une bonne nouvelle, qu’il vous faut vous détourner de ces vanités et vous convertir au Dieu vivant qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve. Dans les générations passées, il a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu’il n’ait cessé de rendre témoignage de ce qu’il est par ses bienfaits, en vous donnant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous comblant de nourriture et de bonheur dans le cœur.
Actes 14.14-17
Dans ces deux passages, Paul souligne la patience de Dieu, temps pendant lequel il est possible de se repentir (Hé 9.27). Un jour, la patience de Dieu sera à son terme, quand il reviendra pour juger la terre (2P 3.8-10).
À Lystre, Paul souligne que la vie vient de Dieu. Les pluies et les saisons fertiles sont le fruit de la grâce de Dieu, qui comble tous les hommes de nourriture et de bonheur. C’est aussi ce qu’il souligne à Athènes :
C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être.
Actes 17.28
Mais il ajoute :
Sans tenir compte des temps d’ignorance, Dieu annonce maintenant à tous les êtres humains, partout où ils se trouvent, qu’ils doivent changer d’attitude, parce qu’il a fixé un jour où il jugera le monde avec justice par l’homme qu’il a désigné. Il en a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant.
Actes 17.30-31
Nous devons souligner la grâce commune de Dieu. Mais nous devons également prévenir qu’un jour elle prendra fin, en appelant les hommes à se tourner vers Christ par la foi.
Si tu lis ces lignes sans avoir encore placé ta foi en Christ, ne tarde pas. Chaque respiration est une grâce… mais elle peut être la dernière.
La grâce commune est donc un appel à admirer la bonté de Dieu, à imiter son amour envers tous, et à ne pas mépriser sa patience.