Débats Science Vs Foi: mes 4 présupposés théologiques

La chuteCroissance spirituelleDéfense de la foi (évidentialisme)Vision chrétienne du mondeReligions du monde

Grenoble est une technopole et une ville étudiante. À l’ECE Grenoble nous avons donc de nombreux étudiants, des thésards, des profs de faculté et une armée d’ingénieurs. Autant de personnes que les débats science/foi passionnent: comment prouver la résurrection de Jésus? Les démoniaques des Évangiles n’étaient-ils pas de simples malades mentaux? Y a-t-il des explications scientifiques aux miracles? Quel est l’âge de la Terre?

Si ces questions peuvent être passionnantes, elles en troublent certains qui n’arrivent pas à concilier leur foi avec leurs connaissances scientifiques (qu’elles soient humaines, naturelles, fondamentales, etc.).

On répond souvent que la religion et les sciences touchent à deux sphères distinctes (dimensionalisme): la foi c’est le pourquoi des choses, les sciences c’est le comment.

Est-ce une réponse acceptable quand on a un « esprit scientifique » et que l’on est chrétien? Et surtout: est-ce une réponse en accord avec la vision biblique du monde?

J’aime beaucoup les sciences et la théologie, mais je ne suis expert dans aucun de ces deux domaines. Néanmoins, je suis parfois attristé par la façon dont certains chrétiens tapent sur les scientifiques, ou celle dont les chrétiens scientifiques méprisent ceux qui ont, selon eux, « une foi naïve et aveugle ».

Personnellement, quand je commence une discussion science/foi, en tant que chrétien j’ai les 4 présupposés théologiques suivants à l’esprit:

1. Nous sommes tous au bénéfice de la grâce commune

Pour le chrétien comme pour le non-chrétien, la science repose sur l’observation du monde, création de Dieu pour les uns, fruit du hasard pour les autres. Mais dans les deux cas, chacun croit à un monde régi par des lois naturelles.

Si les deux « camps » arrivent à cette conclusion, fondement de tout progrès scientifique et technologique, c’est en vertu de la grâce commune.

Dans le cadre de cet article, cela exprime le fait suivant: malgré la chute, l’homme reste créé à l’image de Dieu et bénéficie encore des bénédictions lui permettant de comprendre et d’exploiter la création.

Oublier ce point implique la chose suivante:

Certains chrétiens n’accordent aucun crédit aux scientifiques et spécialement aux médecins. Parfois on me demande si je ne connaitrais pas un psy chrétien. Je réponds toujours par une question volontairement provocante: « si ta voiture tombe en panne, chercheras-tu un garagiste compétent ou te faudra-t-il en plus qu’il soit chrétien? »

Selon sa grâce, Dieu peut donner des compétences (et une éthique) à tous les hommes pour le bien de chacun.

2. L’intelligence est soumise à la chute

Toutes ces capacités de l’homme sont dérivatives de son statut d’image de Dieu; il a une intelligence, une capacité de connaissance et d’ingénierie.

L’homme dans sa condition originelle vivait au milieu de la création en présence du Créateur. Il interprétait la création selon ce que Dieu lui en disait. Nous avons été créés pour explorer le monde et développer les sciences dans la présence de Dieu.

Notre intelligence a été donnée pour s’exercer dans la présence et la dépendance de Dieu. Dans la Bible, la séparation science/foi n’existe pas.

L’idée qu’il faille les séparer nous vient de la renaissance.

Thomas d’Aquin, grand théologien du XIIIe siècle, aristotélicien, précurseur de l’humanisme, pensait que la chute n’avait pas eu des conséquences sur l’intelligence de l’homme (chute partielle).

De la sorte, selon D’Aquin, l’homme peut par son raisonnement interpréter parfaitement la création et arriver à la conclusion de l’existence de Dieu (théologie naturelle). Malheureusement, plus tard les humanistes sont parvenus par le même raisonnement que la conclusion inverse est aussi possible… bien qu’erronée.

Grâce à Thomas d’Aquin, on donna désormais au monde, et à la place de l’homme dans le monde, une plus grande importance. En revanche, l’aspect négatif de son enseignement fut la tendance à rendre indépendantes, autonomes, les choses individuelles, les particuliers, avec pour conséquence, progressivement, la perte de la signification des particuliers. (F. Schaeffer, La démission de la raison.)

Dans la théologie thomiste, ce n’est donc plus l’Écriture qui est au point de départ de la connaissance de soi, du monde et de Dieu, mais l’homme. Il n’a pas besoin de la révélation spéciale, il se suffit à lui-même pour interpréter la création. Sa connaissance s’obtient par ses sens (il voit, entend, sent, touche) puis elle est analysée par son intelligence, et enfin il tire des conclusions. C’est le: « Je vois que, je sais que, je conclus que. »

C’est cette démarche est coupée du présupposé théiste. Elle admet communément que l’homme doit d’abord acquérir beaucoup de connaissances sur lui-même et sur l’univers, pour ensuite conclure sur la possibilité de l’existence de Dieu.

S’il existe, est-ce le Dieu de la Bible?

Si oui, celle-ci est-elle sans erreurs?

Et si oui, comment se fait-il qu’elle dise des choses qui sont impossibles scientifiquement?

Oublier ce point implique la chose suivante:

Si nous oublions que notre intelligence est soumise à la chute, nous risquons l’orgueil en faisant de nous-mêmes le juge ultime de ce qui est vrai ou pas. Notre intelligence à elle seule nous permet de dire si une chose existe ou pas.

Or, notre intelligence elle aussi est soumise à la chute. Elle ne fonctionne donc pas normalement.

3. La raison n’est pas autonome

Les Réformateurs s’inscriront en faux par rapport à D’Aquin. Ils rappelleront que la chute a eu un impact sur tous les aspects de son identité (dépravation totale). Ils rappelleront également que la dépendance de l’homme face à Dieu est intégrale: l’intelligence de l’homme déchu, elle aussi, est impactée par le péché (effets noétiques).

Ainsi, alors que nous sommes originellement conçus pour comprendre la création dans le cadre de notre relation avec Dieu, désormais privés de sa gloire nous avançons par tâtonnement et ne comprenons pas le monde comme nous le devrions (bien que, comme expliqué dans notre premier point, en vertu de la grâce commune nous pouvons comprendre partiellement le monde qui nous entoure).

On ne peut offrir aucune preuve de l’existence de ce Dieu et de la véracité de sa révélation dans l’Écriture, en faisant appel à quelque chose de l’expérience humaine qui n’ait elle-même reçu sa lumière de Dieu dont elle est censée prouver l’existence et la révélation. (Cornelius Van Til)

Oublier ce point implique la chose suivante:

L’approche libérale de la Bible affirme ceci: il est impossible que Jésus ait littéralement marché sur l’eau, car c’est scientifiquement impossible. Si un chrétien supporte l’idée que la méthode scientifique peut réfuter une donnée biblique, il fait de lui-même le point de départ de la connaissance et non la Bible.

Comme l’affirme encore Van Til:

Les lois sont des généralisations des méthodes divines de travail avec les faits. Dieu peut, en tout temps, prendre un fait et le placer dans une nouvelle relation avec la loi créée. C’est dire qu’il n’y a aucune raison dans les faits ou lois mêmes pour laquelle ce fait ne devrait pas se produire.

Ce que l’apologète affirme, c’est que les lois mécaniques de la nature sont inférieures aux lois téléologiques: la création, l’espace et le temps sont soumis à la volonté de Dieu.

4. L’athéisme est une rébellion

L’homme tire son existence, son identité et ses capacités de Dieu. Il a été créé par lui et pour lui. Du point de vue biblique, l’athéisme n’est pas neutre, il est contre Dieu. Croire en l’autonomie de notre raison et lui conférer une l’autorité pour affirmer que Dieu n’existe pas, est de l’antithéisme.

On affirme trop hâtivement la neutralité de la démarche du scientifique, par opposition à la partialité de l’homme de foi.

Yannick Imbert affirme une chose intéressante sur ce sujet:

Que vous soyez convaincu que Dieu n’existe pas, ou que vous soyez indécis (agnostique), vous n’allez jamais vivre comme si Dieu existait.

Cependant, tout scientifique doit reconnaitre une chose:

La méthode expérimentale planifiée ne peut se concevoir que dans une seule sorte de monde: un monde ni enchanté, ni magique, où tout et n’importe quoi ne peut pas arriver comme chez les fées; un monde réglé et qui obéit à des lois, en enfermer pour autant l’homme dans ces lois; un monde dont le système de lois n’est pas fermé sur lui-même, sans quoi l’homme ne serait, comme les autres éléments du tout, qu’un rouage dans la machine, incapable de prendre la distance que la recherche scientifique suppose…

Pour ce faire, il faut à la fois une ordonnance intelligible du monde (si c’est le chaos, une science ne peut se constituer), et une liberté de l’homme doué d’intelligence à l’égard de ce système auquel il appartient…

Ces conditions ne sont réunies que dans le cadre d’une vision du monde biblique: avec un Dieu au-dessus de sa création, qu’a a institué des régularités dans ses lois, et placé sur la terre avec une vocation d’être son image, douée des facultés voulues pour répondre à cette vocation. (H. Blocher, La foi et la raison)

Malheureusement, le scientifique athée cherchera à faire reposer la science sur un autre présupposé que celui de l’existence du Dieu créateur. Il ne sera donc pas impartial: Pour lui, la découverte de la vérité n’est possible que grâce à son raisonnement, alors que pour le chrétien elle est soumise à la révélation.

Notre capacité à comprendre la comprendre (la création) ne peut être l’autorité ultime. Nous avons besoin que Dieu lui-même éclaire notre intelligence au travers de la révélation de sa Parole. La révélation spéciale est supérieure à la révélation naturelle.

Comme le rappelle Raymond Perron:

L’Écriture ne partage pas son autorité avec la nature ou la conscience. Bien que la nature véhicule la révélation de Dieu, elle se doit d’être interprétée par l’Écriture.

Quand nous parlons d’autorité de la Bible, nous voulons affirmer qu’elle fait autorité dans tout ce qu’elle aborde, directement ou non.

Ainsi, si l’Écriture nous révèle que Jésus a marché sur l’eau alors que la science nous révèle que cela est impossible, nous nous recommandons à l’autorité de la Parole.

C’est en vertu de la révélation divine que nous connaissons notre misère intellectuelle, non par le biais de notre expérimentation. Pour faire la lumière sur la condition de l’homme, la source première d’information demeure la Bible; la raison, l’histoire ou l’expérience personnelle doivent de même être considérées à la lumière de l’Écriture sainte. (Raymond Perron, Plaidoyer pour la foi chrétienne)

Ma conclusion: La foi précède la science!

Pour un athée, la raison humaine précède la science. Mais pour un chrétien, c’est la foi qui la précède, c’est elle qui la fonde et la rend possible. C’est parce que Dieu nous a créés pour dominer la création (mandat culturel) que nous pouvons même affirmer que la démarche scientifique est une vocation d’origine divine.

Dans cette aventure, nous devons nous rappeler que nous ne sommes pas dans un état normal de compréhension du monde, car la chute et l’absence de la glorieuse présence divine nous le rendent opaque.

Rien n’a de sens en dehors de la foi chrétienne, en dehors du sens que Dieu lui-même donne à notre monde. (Yannick Imbert, Croire, expliquer, vivre)

Nous pouvons donc remercier Dieu pour sa Parole qui nous éclaire. Elle nous révèle qui il est et nous pousse à investiguer notre environnement.

La foi dans le Christ qui se révèle lui-même dans l’Écriture est le commencement et non pas la conclusion de la sagesse. (Cornelius Van Til)

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Raphaël Charrier

À 17 ans, Raphaël s’engage dans l’armée dont il est renvoyé moins de deux ans après. Il reprend alors l’école et obtient le bac à 23 ans. C’est à ce moment qu’il découvre la personne et l’œuvre de Jésus-Christ et place sa foi en lui pour être sauvé. Il poursuit ses études et devient Éducateur Spécialisé. Il s’oriente ensuite vers des études de théologie à l’Institut Biblique de Genève, puis à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-Sur-Seine, afin de se consacrer au service de l’Évangile.

Raphaël a été pasteur de l'Église Chrétienne Évangélique de Grenoble pendant 9 ans. Il sert désormais l'Église comme enseignant. Il est marié à Marion et ils ont deux enfants. Il est auteur du livre Vivre pour Jésus, qui a pour objectif d'aider les chrétiens à poser les bons fondements de la vie chrétienne, et coauteur de L'Évangile.net: 7 signes, une ressource d'évangélisation basée sur l'Évangile selon Jean.

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L. Rychen et R. Anzenberger