Lucy: La joie du premier jour de l’été

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Lucy Pevensie est l'un des personnages les plus emblématiques de la série des Chroniques de Narnia. Elle a un rôle important dans trois des sept livres et l'histoire est souvent racontée de son point de vue. En tant que personnage principal, Lucy est décrite comme un personnage curieux, attentionné et joyeux. Mais comme tous les enfants Pevensie, Lucy est à l’image de tous les enfants du monde: elle n’est pas vraiment parfaite…

Voir le sommaire et l’introduction de la série: « La Grâce dans Narnia ».

Une foi enfantine

Si vous avez lu l’introduction de cette série, vous comprendrez pourquoi Lewis a choisi la plus jeune des enfants pour découvrir le monde de Narnia. C’est son émerveillement et sa curiosité enfantine qui le lui permettent. Dans L’armoire magique, lors du jeu de cache-cache, elle décide de rester dans une pièce vide, car elle semble être la seule à voir une grande armoire:

— Il n’y a rien ici! observa Peter, et ils ressortirent tous en bande, tous à l’exception de Lucy.

Cette simple phrase fait de Lucy un personnage à part. En effet, c’est elle qui va ouvrir l’histoire. Elle va découvrir dans cette armoire anodine un monde merveilleux. Très vite, elle va se lier d’amitié avec M. Tumnus et revient dans notre monde pour raconter sa découverte à ses frères et sœurs.

Cette curiosité et cette candide innocence lui permettront de voir Aslan quand les autres ne pourront pas le voir. Dans Le Prince Caspian, alors que les enfants essaient de trouver leur chemin vers le camp du prince Caspian, ils arrivent au bord d’un précipice infranchissable. Ils ne savent plus quoi faire, mais Lucy affirme avoir vu Aslan:

— Où penses-tu l’avoir vu? demanda Susan.

— Ne parle pas comme une grande personne, dit Lucy, en tapant du pied. Je ne pense pas l’avoir vu. Je l’ai vu.

Finalement, ils se heurtent à un groupe de troupes ennemies et doivent revenir sur leurs pas. Cette nuit-là, une fois de plus, Aslan apparaît à Lucy, et elle doit essayer de persuader les autres de la suivre, comme elle suit Aslan.

À travers Lucy, C.S Lewis va plus loin que la distinction entre les adultes et les enfants (le scepticisme et la foi). Il montre que même parmi les croyants, la foi est un combat quotidien. Les enfants Pevensie et Trompillon ne voient pas Aslan, car ils sont trop occupés à trouver des solutions par eux-mêmes. Lorsqu’il s’agit de savoir s’il vaut mieux monter ou descendre, les autres (sauf Edmund) se laissent convaincre par Trompillon qui dit:

— Nous descendons, dit le nain. Je ne sais rien d’Aslan. Mais je sais que si nous tournons à gauche, et que nous suivons la gorge en montant, cela peut nous entraîner tout le jour, avant que nous ne trouvions un endroit où nous pourrons la traverser. Tandis que si nous tournons à droite, et que nous descendons, nous sommes obligés d’atteindre la Grande Rivière dans quelques heures environ. Et s’il y a de vrais lions dans les parages, nous préférons nous éloigner d’eux, plutôt que d’aller à leur rencontre.

Lucy peut voir Aslan tout simplement parce qu’elle y croit. Les autres se laissent envahir par la peur, la fatigue et le scepticisme naturel du cœur humain. Cela ne les empêchera pas de devenir des héros dans le monde de Narnia. Aslan protège aussi bien les autres membres du groupe que Lucy. Jésus ne nous tient pas rigueur de nos passages à vide. Nous sommes parfois comme Lucy et nous sommes parfois comme les autres enfants, mais Dieu nous aime toujours de la même façon.

À travers Lucy, nous apprenons que la Grâce divine s’acquiert par la foi (qui est une chose si simple et tellement naturel chez les jeunes enfants):

Or sans la foi il est impossible de lui être agréable; car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie que Dieu existe, et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent.

Et nous, sommes-nous encore capables de voir Aslan?

Attentive, courageuse et joyeuse

La curiosité et la foi ne sont pas les seules qualités de Lucy. C’est également une enfant attentionnée et soucieuse des autres. Elle est particulièrement patiente avec les échecs de ses camarades. On la voit implorer Aslan de sauver son frère Edmund:

— S’il vous plaît, Aslan, reprit Lucy, peut-on faire quelque chose pour sauver Edmund?

— Tout sera mis en œuvre, répondit-il. Mais cela risque d’être plus difficile que vous ne le pensez.

De même, c’est Lucy qui remarque la douleur d’Eustache transformé en dragon et qui essaye de l’aider avec une partie de son cordial magique pour soulager sa douleur. Plus tôt dans l’histoire, c’est déjà elle qui essaye d’aider Eustache à sortir de son égoïsme. Et dans La Dernière Bataille c’est encore Lucy qui pleure pour le monde qu’elle a tant aimé, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que tout ce qui était bon à Narnia vit maintenant dans le pays d’Aslan. Elle a véritablement le cœur sur la main.

Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.

C’est également une enfant très courageuse. Elle recevra plus tard en tant que reine de Narnia le titre de Lucy la Vaillante. Nous la voyons grandir et évoluer tout au long de la série. Dans Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique, elle dit qu’elle pourrait utiliser le poignard que le Père Noël lui a donné si elle le devait. Dans Le Prince Caspian, elle essaie courageusement de combattre le nain Nikabrik et dans L’Odyssée du Passeur d’Aurore, elle récupère l’arc de Susan pour tirer sur le serpent de mer.

Mais plus que le courage et l’amour des autres, c’est la joie qui caractérise Lucy Pevensie. La première fois que M. Castor prononce le nom d’Aslan, chaque enfant a une réaction différente. Celle de Lucy est magnifique:

Quant à Lucy, elle éprouva ce joyeux sentiment qu’on a en s’éveillant, le matin, lorsqu’on se rappelle soudain que c’est le premier jour des vacances, ou le premier jour de l’été.

Chaque rencontre de Lucy avec Aslan sera caractérisée par la joie. La Grâce est tout simplement la source par excellence d’une joie durable!

Lucy et Susan, Marie et Marthe de Béthanie

En surfant sur les ressources anglophones concernant Narnia, je suis tombé sur cet article, qui compare Lucy et Susan à Marie et Marthe de Béthanie. Cela me semble plutôt pertinent.

Les deux sœurs Marie et Marthe apparaissent deux fois dans la Bible, notamment dans le dixième chapitre de Luc, vers la fin. Dans cette scène, Jésus rend visite à Marie et Marthe chez elles.

Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur, nommée Marie, qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, occupée à divers soins domestiques, survint et dit: Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma sœur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de m’aider. Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée.

Marie reste avec Jésus pendant qu’il parle, écoutant ce qu’il avait à dire. En ce sens, Marie, contrairement à sa sœur, place Jésus avant toute autre chose. Lucy est également plus disposée à écouter Aslan que Susan ne semble l’être. Lucy est celle qui voit le plus Aslan et elle écoute toujours ce qu’il a à dire.

Susan ressemble plutôt à Marthe dans le sens où elle laisse le monde entraver sa relation avec Aslan. Marthe a laissé ses préparatifs la distraire de l’écoute de ce que Jésus avait à dire. De même, dans La dernière bataille, on note que Susan n’est pas présente dans le Nouveau Narnia, car elle a laissé les choses du monde nuire à ses souvenirs et à sa relation avec Aslan:

— Sire, dit Tirian après les avoir tous salués, si j’ai bien lu les chroniques, il devrait y en avoir une autre. Votre Majesté n’a-t-elle pas deux sœurs? Où est la reine Susan?

— Ma sœur Susan, répondit-il brièvement et avec gravité, n’est plus une amie de Narnia.

— Oui, dit Eustache, et chaque fois que vous avez essayé de la faire venir pour parler de Narnia ou faire quoi que ce soit concernant Narnia, elle a dit: « Quelle merveilleuse mémoire vous avez! C’est amusant que vous pensiez encore à tous ces drôles de jeux auxquels nous jouions quand nous étions enfants. »

— Oh! Susan! dit Jill. Tout ce qui l’intéresse à présent, ce sont les bas de Nylon, les rouges à lèvres et les invitations. Elle a toujours été une belle plante trop impatiente de devenir adulte.

Trop impatiente de devenir adulte, c’est-à-dire trop impatiente d’écouter l’égoïsme de son cœur. C’est le passage le plus triste de Narnia. J’imagine que cela a dû être difficile pour Lewis de l’écrire. Il illustre pourtant une réalité fondamentale de la Grâce divine, qui apparaît dans l’épisode de Marie et Marthe. Jésus dit que Marie a choisi la bonne part. L’activité fébrile de Marthe était inspirée autant par son désir de servir Jésus uniquement par amour-propre. Marie, quant à elle, a su interrompre son travail à temps pour recueillir de la bouche de Jésus les paroles de la vie éternelle…

Et pourtant imparfaite

Malgré toutes ses qualités, Lucy n’est pas parfaite. Elle se fait même corriger par Aslan lui-même, peu après l’épisode que j’ai cité en début d’article, alors que Aslan apparaît pour elle seule:

— Oui, c’était vraiment dommage, dit-elle. Je vous ai vu. Ils ne voulaient pas me croire. Ils sont tous si…

De quelque part tout au fond du corps d’Aslan monta le début du commencement d’un grognement.

— Je suis désolée, dit Lucy, qui comprenait certaines de ses humeurs. Je n’avais pas l’intention de commencer à critiquer les autres. Mais ce n’était pas de ma faute, tout de même?

Il y a également un épisode dans L’Odyssée du Passeur d’Aurore où elle montre une faiblesse. Capturée par des créatures invisibles, elle est obligée de lire un sort du livre d’un magicien. Ce sort est de rendre ces créatures inconnues à nouveau visibles. Lucy cherche dans le livre du magicien lorsqu’elle tombe sur un sort plutôt tentant, un sort pour être plus belle:

Puis elle arriva à une page couverte d’une telle débauche d’images qu’on remarquait à peine ce qui y était écrit. À peine… mais elle, elle remarqua les premiers mots. C’était « une incantation infaillible pour conférer à celle qui la prononce une beauté inaccessible au commun des mortels ».

Un peu plus loin, on ressent une pointe de jalousie envers sa sœur Susanne, qui a toujours été la vedette de la famille. Elle s’exclame:

Je vais prononcer cette incantation, se dit Lucy. Je m’en moque. Je vais le faire.

Elle disait « je m’en moque » parce qu’elle avait le sentiment très fort qu’elle ne devait pas le faire.

Elle ne dit jamais le sortilège de beauté (contrairement au film, où elle le prononce), mais elle n’est vraiment pas loin. Aslan va finalement intervenir en la regardant fixement dans un nouveau grognement réprobateur, ce qui va la faire changer d’avis. La tentation n’épargne pas les croyants, mais l’apôtre Paul dit aussi:

Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter.

Conseil pour écrire un conte

Nous organisons actuellement un grand concours de contes sur le thème « Grâce infinie » (avec Yannick Imbert, Louisa Treyborac, André Fillion, Claude Royère). Il est ouvert jusqu’au 31 mars 2023, en partenariat avec BLF Éditions, Éditions ThéoTeX, TPSG et La Réb’. Que diriez-vous de participer?

Lucy peut nous inspirer un conseil d’écriture lorsque nous pensons à nos personnages. Elle a de nombreuses qualités: la foi, la compassion, le courage et la joie… Le comportement de Lucy est une réponse de confiance et d’amour envers Aslan. Elle choisit presque toujours la bonne part, même s’il lui arrive également de chuter. Lorsque nous construisons nos personnages, ne créons pas des héros parfaits. La Grâce nous met sur le chemin de la perfection, mais notre ancienne nature continue de résister.

4 questions à se poser:

  1. Est-ce que les personnages de mon conte sont comme tous les hommes, c’est-à-dire pécheurs?
  2. Comment la foi est-elle présentée?
  3. Les motivations du héros sont-elles l’amour ou la justice?
  4. Est-ce que la joie est présente?

À vos plumes!

La semaine prochaine, nous découvrirons d’autres conseils utiles pour écrire un conte, grâce à un personnage clé: Edmund.

David Mas

David est le fondateur et coordinateur du site Plumes Chrétiennes, un blog collectif dédié à la littérature chrétienne, où de nombreux auteurs viennent proposer des textes poétiques ou de fiction. C’est également un professeur des écoles passionné. Il est marié avec Amandine et ont deux jeunes enfants. Il est membre et responsable de l’Église Protestante Évangélique de Montceau-les-Mines.

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Orateurs

M. Giralt et R. Charrier