Comment prêcher l'Évangile selon Marc?

ÉvangilesPrédication et enseignement

Je démarre une nouvelle série d’articles pour enseigner à prêcher divers livres bibliques. Chaque fois je vais avoir l’honneur d’interviewer des prédicateurs expérimentés sur l’un des livres bibliques qu’ils connaissent particulièrement bien. On commence avec le livre biblique qui a probablement le plus impacté ma propre vie et ministère: l’Évangile selon Marc!

J’ai la joie aujourd’hui d’accueillir Étienne Koning pour avoir des conseils sur la façon de prêcher Marc.

Comment prêcher Marc? Interview avec le pasteur Étienne Koning

Stéphane: Bonjour Étienne, peux-tu te présenter s’il te plait?

Étienne Koning: Je suis marié à Laurence depuis 1996, et nous avons 3 enfants: Sarah-Line, 19 ans, qui est en prépa lettres; Ève-Marie, 16 ans, qui est en première; Niels, 12 ans, qui est en 5ème.

Après une licence d’Anglais et ce qu’on appelait à l’époque l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM), j’ai été Prof des Écoles pendant 4 ans. Après cela, j’ai fait des études de théologie à Vaux-Sur-Seine, conclues par une année de stage inoubliable dans une paroisse du centre de Londres.

Depuis 2006, j’ai été pasteur à Mont-de-Marsan (Landes), Moissy-Cramayel (Seine et Marne). Je conduis actuellement l’implantation d’une nouvelle église au centre de Paris, près de la gare Saint-Lazare, dans la rue Saint-Lazare: l’Église Saint-Lazare!

Quand as-tu prêché l’Évangile selon Marc dans ton Église et pourquoi avoir choisi ce livre?

Étienne: J’ai prêché Marc en entier 3 fois, car j’ai décidé de prêcher l’Évangile selon Marc à chaque fois que je débutais dans une nouvelle Église. Il me semble que c’est la meilleure manière de débuter un ministère quelque part, en annonçant clairement la couleur de mon ministère: au centre de mon ministère, c’est la Parole de Dieu, laquelle est centrée sur l’Évangile, dont le centre est Jésus-Christ.

Cette approche n’est pas uniquement à destination de l’Église que le Seigneur me confie — c’est aussi et d’abord l’occasion pour moi d’un recentrage constant de mon ministère de prédication: quoi de mieux pour cela que de se replonger au cœur de la Parole, en « suivant pas à pas la personne de Jésus, comme l’auteur inspiré nous le présente, en laissant, petit à petit le Saint-Esprit faire son œuvre en nous. » Et quoi de mieux pour cela que de prêcher l’Évangile selon Marc d’une manière suivie, petit à petit?

Quel est le message central du livre de Marc?

Étienne: Contrairement à Luc ou Jean qui communiquent clairement à leurs lecteurs leur intention d’auteur (Lc 1,1-4 ; Jn 20,30-31), Marc de son côté ne le fait pas. Mais je pense qu’en travaillant l’ensemble, on peut voir ressortir l’une ou l’autre idée qui pourraient nous aider à résumer le message central.

Au niveau de sa structure, il semble clair que le livre de Marc se divise en 2 grandes parties (je suggérerais les chapitres 1 à 8 et 8 à 16, le chapitre 8 servant de pivot), que Tim Keller résume à mon avis très bien en disant « La Croix du Roi »: aux chapitres 1 à 8, Marc montre comment Jésus est bien le Christ, « le Roi » (le summum étant la confession de Pierre) ; aux chapitres 8 à 16, il montre qu’il est le Roi qui doit souffrir (le summum étant la Crucifixion, et la déclaration du centenier en 15,39).

Ceci dit, j’aime les idées suivantes, qui agrément et/ou précisent:

  1. Mc 1.1 tombe comme une introduction plutôt brutale (1 verset, où tout est présent: Jésus + Christ + Fils de Dieu + Évangile), qui nous pousse à demander à Marc: « c’est massif, prouve-nous que ce que tu nous dit est vrai! » (et Marc répond par son livre);
  2. Marc 1.15 est clairement le programme de Jésus, établi d’entrée — je pense qu’on devrait, en tant que lecteurs, le garder à l’esprit lors de notre lecture de tout l’Évangile, en se demandant: « quel aspect de Marc 1.15 le texte que je lis met-il en avant? »
  3. Marc 10.45 est un sommet: Jésus ne le dit pas seulement pour qu’on le suive comme un exemple, il affirme sa mission de « Roi des rois » (signification de l’expression « Fils de l’Homme », je pense), le but (pour racheter les « beaucoup »), et la manière (en donnant sa vie);
  4. Enfin, du début à la fin de l’Evangile, Marc semble constamment chercher à répondre à la question de l’identité de Jésus, qui est la clé de voûte de la foi chrétienne: « qui est Jésus? », c’est ce qui sous-tend l’affirmation de Marc 1.1 (voir aussi les versets qui suivent), la question constante des gens tout autour, la question-clé des disciples dans la barque lors de la tempête apaisée de Marc 4.35ss, le cœur de la préoccupation de Jésus lorsqu’il la pose explicitement aux disciples en Marc 8.27ss, et bien sûr, l’inscription sur la Croix avec la déclaration du Centenier devant Jésus qui vient de mourir: « cet homme était vraiment le Fils de Dieu »

En combien de temps et de messages as-tu prêché à travers Marc et comment as-tu découpé le livre pour cette série?

Étienne: J’ai pour principe de prendre le temps, mais en faisant attention à ne pas découper Marc en trop petites parties.

La plupart du temps, Marc est assez clair dans sa manière de poser des repères structurels, ce qui nous permet de regrouper les textes en paragraphes cohérents. En général, Marc occupe toute ma première année de ministère, avec de coupures sur les temps-clés de Noël et de Pâques (mini-séries consacrées). Je dirais qu’en 21 ou 22 prédications, c’est possible.

Qu’est-ce qui t’as particulièrement frappé dans l’étude du livre? Et comment as-tu vu Dieu agir dans ton assemblée a travers cette série de prédications?

Étienne: J’aime particulièrement le style de Marc, qui est direct, haletant, clair sur les enjeux. Ce n’est pas pour rien qu’il est l’Évangile le plus court. Son intention est d’aller droit au but.

La chose qui m’a le plus frappé dernièrement, c’est la place de la dureté des cœurs et de l’aveuglement chronique de tout le monde autour de Jésus le concernant, à commencer par… les disciples (cf. Mc 8.11-21) — il faut un miracle pour voir qui est Jésus (cf. Mc 8.22ss + Mc 10.46ss)!

Outre la joie de découvrir les bienfaits de suivre tranquillement, dimanche après dimanche, le « phrasé musical » de Marc, c’est cette conviction que j’ai pu voir le plus chez les frères et sœurs. C’est ce qui nous rend plus dépendants du Seigneur, non seulement pour le voir, mais aussi pour croire, et continuer à croire. C’est ce qui guide notre passion pour les hommes et les femmes qui se perdent autour de nous, sans berger, sans nourriture, sans parole (Mc 6.34), et notre conviction qu’il est urgent de prier pour que le Seigneur ouvre les yeux et les cœurs, faute de quoi, rien ne se passera.

Cela remet bien les choses en place, notamment pour ce qui concerne notre manière de voir l’homme, souvent trop positive, optimiste, d’une manière déplacée: nous naissons non seulement ennemis, pécheurs, révoltés, mais aussi incapables de voir Jésus et notre besoin de Jésus. Nous n’avons pas seulement besoin d’un sauveur pour échapper au jugement qui vient; nous avons besoin d’un sauveur qui nous sauve de notre propre endurcissement et de notre propre aveuglement.

Ceci met d’autant plus en lumière le poison des religions (disputes très présentes chez Marc), qui voudraient nous faire croire qu’en faisant, agissant, en posant des actions, on pourrait se trouver purs et pardonnés devant Dieu (quel mensonge!) — Mais enfin, ceci magnifie d’autant plus la gloire de la grâce que Dieu nous fait en nous donnant Jésus, venu pour ceux qui se savent malades/pécheurs (Mc 2.17), non pas pour être servi, mais pour donner sa vie les racheter (Mc 10.45) !

Quelles étaient certaines des plus grandes difficultés pour toi dans l’étude et la prédication du livre de Marc?

Étienne: Gérer certaines sections qui à la lecture, semblent un peu longues, mais qui constituent un tout cohérent. Cette tension est en fait assez typique de la prédication des Évangiles en général — prendre un texte un peu long peut potentiellement faire un peu peur à l’auditoire (et nous faire courir le risque de tout dire sur tout dans tout le texte, ce que nous n’avons pas besoin de faire !), mais prêcher ce même texte en le découpant en 2 ou 3 prédications peut potentiellement nous faire passer à côté du but de Marc quand il a écrit son propos.

La plus grande difficulté ici, c’est de trouver le juste équilibre, en permettant aux auditeurs de bien comprendre l’enseignement et les enjeux du texte, en les aidant à vérifier cela dans le texte, tout en restant simple, limpide, clair et pratique. Cela demande beaucoup de travail, d’être fidèle mais simple, mais si au résultat notre auditoire grandit dans sa compréhension du texte de Marc et dans une volonté renouvelée de le mettre en pratique 7/7 – 24/24, le jeu en vaut la chandelle!

Quels étaient les commentaires bibliques les plus utiles dans l’étude de Marc?

Étienne: Outre la Bible à la Colombe, qui est ma version de travail de référence (excellente traduction, excellent équilibre entre l’original et le langage d’aujourd’hui!), j’aime toujours avoir la Bible d’étude du Semeur, que je trouve très utile. Mais autrement, je n’ai pas vraiment d’autre commentaire de référence.

Aurais-tu des derniers conseils, surtout pour de jeunes prédicateurs?

Etienne: Oui, voici 7 pensées qui me viennent:

  1. Paris ne s’est pas faite en un jour ! Donc patience et persévérance. Cela prend beaucoup des années pour entrer dans une prédication régulière de la Parole. Porter le joug de la Parole, c’est le laisser faire son œuvre en nous, et faire confiance au Seigneur (et prier pour cela!) qu’il œuvre en nous par ce que nous apprenons à prêcher, semaine après semaine, mois après mois, année après année;
  2. On a besoin de suivre des modèles et chacun a ses modèles: choisissons-les donc bien! Osons écouter des prédications de nos aînés, pour se laisser enseigner nous-mêmes. Il m’arrive régulièrement d’écouter l’une ou l’autre prédication d’un texte que je prépare dans les semaines à venir, de la part quelqu’un qui est plus doué ou plus avancé que moi. Non seulement mon cœur brûle à l’écoute de ces texte, mais le Seigneur s’en sert clairement pour mon édification personnelle et une compréhension accrue du texte que je dois prêcher, dans son contexte;
  3. Si l’on veut toujours mieux comprendre un livre au fil de notre ministère, il est utopique et malsain je pense de chercher à le « maîtriser » — que ce soit plutôt lui, le texte, qui nous maîtrise! Quand on commence, on a tendance à vouloir décrocher la lune, à vouloir être au même niveau de prédication de de compréhension sur tous les livres de la Bible d’une manière égale: cela me semble aussi utopique. Peut-être devrions-nous plutôt nous dire: « sachant que j’ai au mieux 40 ans de ministère de la Parole devant moi, quels serait le top 10 des livres que je voudrais plus approfondir? » — et pour éviter le plus possible des angles morts, posons-nous la question dans le cadre de la théologie biblique, de l’Histoire du Salut: pour avoir, à la fin de mon ministère, proclamé Christ dans toutes les Écritures, quels seraient les 10 livres que je devrais/voudrais plus travailler? Ce serait des livres qu’on travaillerait et sur lesquels on reviendrait plus que sur d’autres, qu’on se permettrait de prêcher au moins 3 ou 4 fois dans tout notre ministère, etc… Cela ne signifie pas du tout qu’on néglige les autres livres, ou qu’on ne les aborde pas (loin de là!) — c’est juste une manière de chercher un travail en profondeur avec les limites qui sont les nôtres;
  4. Attention au perfectionnisme! Nous désirons ardemment être fidèles au texte que nous allons prêcher. Cela a principalement deux conséquences qui peuvent être néfastes: 1) être fidèle à la Parole ne veut pas dire tout commenter sur un texte — juste le message central, avec le mouvement général du texte, et l’application centrale — c’est le fait de ne pas encore bien voir cela qui fait des prédications de jeunes prédicateurs souvent quelque chose de très touffu voire d’indigeste! 2) le fait d’être fidèle à la Parole ne devrait pas conduire à ce que tout notre temps de la semaine passe dans le texte et les commentaires. Nous n’arrivons jamais à la prédication parfaite, et c’est très bien. Dans le cadre d’un travail soigné, sérieux, assidu, il faut aussi lâcher prise à un moment donné, arrêter de travailler et fixer des limites horaires, dans une attitude de prière et de dépendance vis à vis du Père ; le fait de “laisser reposer” notre travail, de l’étaler sur le temps (n’attendons pas le jeudi pour nous y mettre !), d’alterner avec des temps de relecture simple du texte qu’on va prêcher, de temps de prière autour de ce texte, de prière pour nous-mêmes, pour l’auditoire que nous allons avoir en face de nous;
  5. Travaillez avec soin les illustrations: attention à ne pas les multiplier, car trop d’illustration tuent… le texte! S’il y en a dans le texte lui-même, pas forcément besoin d’en ajouter: montrez en quoi elle est utile et pertinente; une illustration qu’on retient en ayant oublié ce qu’elle était sensée illustrer est un échec cuisant; une bonne illustration devrait permettre de mieux comprendre et de retenir la grande vérité qu’elle est sensée illustrer!
  6. Soignez l’application: la Bible, c’est la Parole vivante du Dieu vivant pour la vie de ceux qui l’écoutent! Du coup, une prédication sans application n’est pas une prédication, tout simplement! Mais attention: c’est facile de balancer 2-3 applications évangéliques typiques (prie, aime Jésus, lis ta Bible, etc.!), c’est beaucoup plus dur de trouver quel est le message central du texte, et donc quelle est l’application majeure sur laquelle il faudrait appuyer — cela demande du travail;
  7. Qu’en tout, Christ soit exalté, le pécheur humilié, et la vie sainte, encouragée!

Merci beaucoup Étienne d’avoir pris le temps de nous aider à mieux prêcher Marc!

Série à suivre. D’autres interview arriveront bientôt pour nous aider à mieux prêcher chaque livre de la Bible. N’hésitez pas à le laisser un commentaire pour les livres bibliques qui sont les plus urgents pour toi. Si possible, je vais essayer de publier les entretiens sur ces livres en premier.

Pour aller plus loin sur Marc

Stéphane Kapitaniuk

Pécheur et disciple sauvé par la mort de Jésus à ma place. Mari de Hanna, papa de Noah (8 ans), Théa (3 ans), Marie (1 an). Pasteur de formation et directeur général de BLF Éditions depuis 2021. J’aime bien lancer de nouvelles initiatives. Découvrez BLFKids.com, un projet spécial parents, ainsi que BLFAudio.com, la première librairie chrétienne de livres audio. Avec Hanna, nous avons aussi fondé ChezCarpus.com, la première librairie chrétienne de livres d’occasion. Je propose également plusieurs formations créées pour le logiciel biblique Logos.

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Orateurs

D. Angers