De nos jours, les chrétiens vivent dans des contextes bien différents de ceux d’il y a 40 ans. En 1970, près de 20% de la population mondiale était agnostique ou athée. Les dernières décennies du 20ème siècle ont été marquées par de profondes mutations sociales et politiques et par des catastrophes environnementales tragiques. En 2010, le nombre de non-religieux ne représente plus que 11,8% de la population mondiale. Par ailleurs, de remarquables innovations technologiques ont bouleversé la manière dont les gens communiquent à travers le monde. Ces mutations incitent les chrétiens à appréhender les gens, avec qui ils vivent et travaillent autrement, ainsi que la manière dont ils interagissent avec eux et les perspectives de coopération future.
Rapport 2013:
Les chercheurs du Center for the Study of Global Christianity du Gordon-Conwell Theological Seminary (South Hamilton, MA, USA) ont rédigé le rapport 2013, Christianity in its Global Context, 1970-2020: Society, Religion, and Mission. Ce rapport offre un aperçu bienvenu du contexte changeant de la chrétienté et des activités des chrétiens depuis 1970, tout en se projetant en 2020. Le rapport complet peut être téléchargé au format PDF [ndt: en anglais].
Christianity in its Global Context rassemble des données sur la répartition démographique des religions du monde, ce qui prouve la recrudescence du fait religieux au XXIe siècle. Il analyse la place du christianisme dans le monde, y compris des églises évangéliques ou pentecôtistes. Il fait des projections pour déterminer dans quelles régions du monde les grandes obédiences chrétiennes se développeront le plus à l’avenir. Le rapport détaille surtout les contextes chrétiens, religieux et sociaux de chacune des 21 régions des Nations Unies et les changements qui se sont produits ou se produiront probablement entre 1970 et 2020. Le rapport détaille aussi plusieurs enjeux liés à la mission et à l’environnement social: le mouvement missionnaire mondial, les populations non atteintes, les migrants interpays, (voir l’article de Darrell Jackson sur la migration européenne et les leçons pour l’Église, [ndt: Imagine a Church without Migrants! A European Perspectiv, en anglais]) et les problèmes sociaux les plus pressants.
Principales conclusions:
Cet article présente les principales conclusions du rapport:
- La population mondiale croyante continue d’augmenter en pourcentage. En 1970, près de 80% de la population mondiale était croyante. En 2010, ce chiffre est passé à environ 88%, et devrait atteindre près de 90% d’ici 2020. Le nombre de personnes adeptes d’une religion progresse surtout à cause de la réapparition du fait religieux en Chine. En outre, en 1970, le christianisme et l’islam représentaient 48,8% de la population mondiale; ce chiffre passera probablement à 57,2% en 2020.
- En 1970, 41,3% des chrétiens au niveau mondial étaient originaires d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine. En 2020, ce chiffre devrait atteindre 64,7%. Entre 1970 et 2020, chacune des six grandes traditions chrétiennes devrait croître plus rapidement que la population générale des pays du Sud. Les dénominations qui connaissent la croissance la plus rapide sur chaque continent du Sud sont les suivantes: Les marginaux (individus qui suivent les doctrines chrétiennes dominantes, sauf à propos de la nature du Christ et du concept de la Trinité) en Amérique latine (5,8 % de croissance par an). Les indépendants en Asie (4,8% par an). Les anglicans en Afrique (4,4% par an). Les orthodoxes en Océanie (2,54% par an). La portée de ce revirement a été clairement établie avec l’élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio de Buenos Aires, en Argentine, en tant que pape François, premier chef latino-américain de l’Église catholique romaine.
- Le mouvement du renouveau charismatique (pentecôtistes, charismatiques et charismatiques indépendants) a connu une croissance près de quatre fois supérieure à celle du christianisme mondial. En 1970, les charismatiques représentaient 5,1% de l’ensemble des chrétiens, mais en 2010, ils en représentaient 25,8% (soit une croissance moyenne de 4,1% par an entre 1970 et 2010). À l’horizon 2020, on s’attend à ce que les mouvements charismatiques croissent presque deux fois plus vite que le christianisme mondial dans son ensemble, et représentent 27,8% des chrétiens.
- En Afrique, la chrétienté continuera de croître de manière proportionnelle à la population d’Afrique. De 143 millions en 1970 (38,7% de la population du continent), l’Afrique comptera probablement 630 millions de chrétiens en 2020 (49,3%). Les catholiques romains et les anglicans y sont en pleine expansion: Les catholiques romains passeront de 44,9 millions (12,2% de la population africaine) en 1970 à 232 millions (17,3%) en 2020. Les anglicans passeront de 7,7 millions (2,1%) en 1970 à 50,8 millions (5,0%) en 2020. En l’an 2000, l’Église anglicane était plus répandue en Afrique qu’en Europe, son berceau d’origine.
- En Asie, entre 2010 et 2020, le christianisme devrait croître plus rapidement que toute autre religion et connaîtra probablement une croissance annuelle moyenne de 2,1%, soit plus du double du taux de croissance de la population générale d’Asie (0,9%). Cette augmentation est due en grande partie à des conversions. En revanche, certains pays, comme l’Afghanistan, enregistrent des fluctuations dues aux mouvements migratoires des nombreux expatriés.
- En Europe, la chrétienté a progressé entre 1970 et 2010, mais elle est aujourd’hui en déclin. Elle est passée de 492 millions (75,0%) en 1970 à 580 millions (78,6%) en 2010, surtout en raison d’une réapparition de la religion en Europe de l’Est après la chute de l’Union soviétique. Cependant, entre 2010 et 2020, la population chrétienne va probablement se stabiliser et la part des chrétiens dans la population totale va diminuer. Les individus abandonnent de plus en plus la foi, surtout au profit de l’agnosticisme et de l’athéisme. De plus, de nombreux pays européens connaissent un vieillissement rapide de leur population et des taux de natalité inférieurs au seuil de remplacement.
- Les évangéliques et les charismatiques connaissent une croissance spectaculaire en Amérique latine. Les évangéliques passeront probablement de 3,2% de la population en 1970 à 9,1% en 2020, tandis que les charismatiques devraient passer de 4,5% en 1970 à 31,1% en 2020. De nombreux catholiques romains de la région deviennent des charismatiques catholiques ou passent à des dénominations évangéliques ou charismatiques.
- En pourcentage, l’agnosticisme est la deuxième croyance en Amérique du Nord, et elle est en croissance. D’ici 2020 et par rapport à 1970, les agnostiques d’Amérique du Nord auront triplé aux États-Unis et multiplié par sept au Canada. Entre 2010 et 2020, l’agnosticisme augmentera presque quatre fois plus vite que le christianisme dans la région (2,17% contre 0,56% par an). La chrétienté est en déclin proportionnellement à la population nord-américaine, passant de 91,2% en 1970 à 76,9% en 2020.
- En Océanie, la répartition de la chrétienté devrait changer à l’horizon 2020. L’anglicanisme et le protestantisme y sont les dénominations les plus anciennes, et en 1970, elles représentaient toutes deux 46,4% de la population. D’ici 2020, ce pourcentage devrait tomber à 32,0%. La part de la population catholique romaine est également en déclin, alors que les indépendants, les marginaux et les orthodoxes sont en passe de progresser, grâce aux efforts des missionnaires et à l’immigration.
- Les pays du Sud envoient un nombre croissant de missionnaires dans d’autres pays. Sur les dix pays qui ont envoyé le plus de missionnaires en 2010, trois font partie des pays du Sud: le Brésil, la Corée du Sud et l’Inde. Le « deuxième top 10 » comprenait six pays du Sud: l’Afrique du Sud, les Philippines, le Mexique, la Chine, la Colombie et le Nigeria. Les missionnaires du Sud se rendent non seulement dans d’autres pays du Sud, mais aussi dans des pays de l’hémisphère Nord, à l’inverse de ce qui s’est produit au cours du 20ème siècle.
- Parmi tous les gens qui vivent dispersés dans le monde, près de la moitié sont des chrétiens et un quart sont des musulmans. Chrétiens et musulmans confondus représentaient 55,3% de la population mondiale en 2010, mais 72,8% de la population vivant en diaspora. La plupart de ces migrants sont des personnes qui se sont déplacées du Sud vers le Nord (voir l’article de Gina Bellofatto sur les migrations et les religions des personnes qui se déplacent [ndt: en anglais]).
- Un des problèmes sociaux majeurs, c’est que les enfants les plus pauvres sont ceux dont la nutrition s’est le moins améliorée, et la faim reste un défi mondial. Entre 2006 et 2009, 850 millions de personnes dans le monde vivaient encore en situation de famine, soit 15,5% de la population mondiale. Même si l’extrême pauvreté a diminué, la malnutrition des enfants est lente à se résorber. Près d’un enfant sur cinq dans le monde souffrait d’insuffisance pondérale en 2010, dont un tiers des enfants d’Asie du Sud.
Pistes de réflexion:
Ces constats montrent qu’il est primordial de donner aux chrétiens les moyens d’être bien informés et de s’engager dans le monde dans lequel ils vivent. Les chrétiens ont plusieurs choix pour répondre à ces défis:
Encourager les échanges avec des gens de milieux religieux différents. Évoluer dans un contexte religieux diversifié favorise les échanges et la compréhension interculturels. Cela permet de rendre « l’autre » plus humain et de développer l’amitié et le respect mutuel vis-à-vis d’autres peuples, cultures, traditions et visions du monde.
Mieux connaître les autres religions du monde. S’ouvrir aux croyants d’autres religions est plus facile quand les missionnaires et ceux qui les envoient ont une meilleure compréhension des religions du monde, y compris de leur histoire, des figures emblématiques, des écrits sacrés, des croyances et des pratiques religieuses. Une telle démarche doit s’appuyer sur une perspective théologique des similitudes et des différences entre christianisme et autres religions.
Former au respect. Le propre du christianisme, c’est de voir les autres comme créés aussi à l’image de Dieu, dignes d’amour et de respect. Être courtois envers les personnes extérieures à l’Église devrait être valorisé autant que de l’être vis-à-vis des personnes de l’Église. Le message chrétien a plus d’impact si l’on fait preuve de respect envers les croyants d’autres religions (voir l’article d’Os Guinness sur la civilité et la Charte mondiale de la conscience [ndt: en anglais]).
Promouvoir l’action sociale, tant au niveau local que mondial. Les occasions de s’engager dans l’action sociale, au niveau local ou mondial (s’attaquer à des problèmes tels que la malnutrition des enfants) ne manquent pas. Les ministères et les organisations locales sont bien placés pour connaître les besoins de leurs propres communautés. Ils disposent généralement de moyens pour mettre en relation les volontaires avec ceux qui œuvrent à l’étranger pour améliorer les conditions de vie des populations. Tout cela favorise le progrès social, environnemental et économique.
Conclusion:
Christianity in its Global Context, 1970-2020: Society, Religion, and Mission démontre que les mutations profondes de la chrétienté et des religions dans le monde se poursuivent au XXIème siècle. Le christianisme continue de croître rapidement dans le Sud, mais, dans de nombreux pays les chrétiens interagissent peu avec les croyants d’autres religions.
L’ensemble de la communauté développée, y compris les chrétiens, continue de lutter pour résoudre les problèmes sociaux et économiques majeurs. Les ressources chrétiennes sont souvent mal déployées et n’atteignent pas toujours ceux qui pourraient en bénéficier le plus, tant en termes de mission que d’action sociale. En même temps, les chrétiens sont plus engagés que jamais dans la transformation spirituelle et sociale de leur environnement. Le défi pour les chrétiens du Nord et du Sud sera d’être plus efficaces dans le cadre d’une mission globale et intégrée.
Note: Les contributeurs à Christianity in its Global Context, 1970-2020 : Society, Religion, and Mission sont Todd M. Johnson, Gina A. Bellofatto, Albert W. Hickman, Bradley A. Coon, Mary E. Krause, et Sujin Park. Le bilan proposé dans ce rapport fait partie d’une enquête en cours menée par des chercheurs du monde entier. Les auteurs sont heureux de recevoir des commentaires sur ce rapport et peuvent les adresser à Gina Bellofatto (gbello@bu.edu).
Merci à Christine Dave pour la traduction de cet article.
Pour aller plus loin: