Le bonheur: mécanisme évolutionnaire ou preuve de Dieu?

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Je suis en train de lire Dieu: le débat essentiel de Tim Keller, l'un de mes auteurs préférés. Découvrez un bel extrait du livre sur un des sujets les plus importants.

Souvent comparé à C.S. Lewis pour ses livres d’apologétique, Keller écrit bien et conduis régulièrement ses lecteurs hors des sentiers battus pour finalement revenir au christianisme historique et biblique par des chemins de travers surprenants.

Le but ambitieux de « Dieu: le débat essentiel »

Après plus de 30 ans de ministère et de discussions avec des sceptiques à New York, Tim Keller constate que les personnes athées et agnostiques ne savent rarement pourquoi elles croient ce qu’elles croient. Ces personnes sont confiantes que leur croyance est la meilleure, généralement parce qu’elle est « scientifique » ou « rationnelle », mais ne sont pas conscientes de ce sur quoi repose leur vision du monde.

Keller explique:

Qu’ils croient en Dieu ou non, tous construisent leurs positions en passant par un mélange d’expérience, de foi, de raisonnement et d’intuition. […] [J’]entends régulièrement des sceptiques me dire: « J’aurais aimé savoir avant que ce genre de croyance et cette façon de considérer la foi existaient. Cela ne veut pas nécessairement dire que je vais croire aujourd’hui, mais on ne m’avait encore jamais offert autant d’éléments de réflexion à propos de ces questions ».

p. 8-9

Keller résume ainsi le but de son livre:

Grâce à ce livre, je veux offrir aux lecteurs (surtout aux plus sceptiques qui pensent peut-être que la « bonne nouvelle » manque de pertinence culturelle) les mêmes éléments de réflexion. Nous allons comparer les convictions et les arguments du christianisme avec les convictions et les arguments de la vision matérialiste, en nous demandant lesquels donnent le plus de sens à un monde complexe et à l’expérience humaine.

p. 9

Réussit-il à faire cela? À mon humble avis, il le fait très bien. Après une première partie (2 chapitres) où il montre que la croyance religieuse est loin de décroître et que toute vision du monde repose sur un mélange d’expériences, de foi, d’intuitions et de raisonnements, sa deuxième partie partie est vraiment le gros du livre. Il aborde en 8 chapitres, 8 thèmes importants dans notre vision du monde: la souffrance, le bonheur, la liberté, l’identité, l’inclusion, l’espérance, la morale et la justice.

Dans la suite de cet article, je vous partage avec l’autorisation des Éditions CLE un extrait de son chapitre sur le bonheur et l’insatisfaction.

Après avoir montré comment l’athéisme considère la recherche du bonheur (un outil évolutionnaire pour nous faire survivre et progresser), il montre combien cette explication n’est non seulement pas très chaleureuse, mais carrément insatisfaisante intellectuellement. Voici l’extrait de Dieu: le débat essentiel:

Une insatisfaction infinie (Tim Keller)

À dix-neuf ans, Augustin a lu Hortensius, dialogue de Cicéron. Cette œuvre examine le paradoxe qui veut que chacun « cherche à être heureux [mais] la majorité est profondément malheureuse ». Cicéron conclut que l’extrême pénurie de satisfaction chez les hommes est peut-être un jugement de la providence divine pour nos péchés. Il conseille à ses lecteurs de ne pas chercher le bonheur dans la quête du confort matériel, du sexe ou de la prospérité, mais de le trouver plutôt dans la contemplation philosophique.

Cet ouvrage fut véritablement électrisant pour le jeune Augustin.

Découvrir pourquoi la plupart des gens sont tellement insatisfaits et dépourvus de joie est alors devenu l’un des grands projets de sa vie. Il en a conclu que notre insatisfaction avait à la fois une cause fonctionnelle et une source ultime.

La cause fonctionnelle vient de ce que nos amours sont « désordonnées ». Dans la pensée d’Augustin, ce n’est pas ce que nous croyons, pensons ou faisons qui nous façonne profondément, mais ce que nous aimons:

Car quand nous demandons si quelqu’un est une bonne personne, nous ne lui demandons pas ce qu’elle croit ou espère, mais ce qu’elle aime.

Pour Augustin, ce que nous appelons les vertus humaines n’est rien de plus que des formes d’amour. Le courage consiste à aimer le bien-être de notre prochain plus que notre propre sécurité. L’honnêteté revient à aimer les intérêts de notre prochain plus que nos propres intérêts, même quand la vérité ne nous avantage pas. Et dans la mesure où Jésus a lui-même déclaré que toute la loi de Dieu consiste à aimer Dieu et son prochain (Mt 22.36-40), Augustin considère que tout péché est finalement un manque d’amour.

Prenons l’exemple de l’injustice. Vous pouvez dire que vous croyez en l’égalité et la justice sociales et être sincère, mais si vos décisions professionnelles exploitent les autres, c’est parce que, dans votre cœur, vous préférez votre prospérité à celle de votre prochain.

Pour résumer, ce que vous aimez le plus à un moment donné contrôle ce que vous faites au même moment: « Les corps tendent par leur poids vers le lieu qui leur est propre […] Mon poids, c’est mon amour; en quelque endroit que je sois emporté, c’est lui qui m’emporte. » Nous sommes ce que nous aimons.

Mais, pour Augustin, nos problèmes ne découlaient pas uniquement d’un manque d’amour. Il avait également observé que notre cœur aime selon ses propres règles et que nous aimons souvent plus les choses les moins importantes, et moins les choses les plus importantes. Ainsi la tristesse et le désordre de nos vies sont-ils causés par nos amours désordonnées. Un homme bon et intègre « est aussi un homme qui a [bien] ordonné son amour pour ne pas aimer ce qu’il n’est pas bon d’aimer, ou ne pas manquer d’aimer ce qui devrait être aimé, ou ne pas trop aimer ce qui devrait être moins aimé (ou aimer trop peu ce qui devrait être plus aimé) ».

Comment ça marche? Il n’y a rien de mal à aimer son travail, mais si nous aimons notre travail plus que notre famille, nos amours sont désordonnées, au risque de détruire notre famille. Ou si nous aimons l’argent plus que la justice, nous exploiterons nos employés parce que, encore une fois, nos amours sont désordonnées.

En définitive, l’amour le plus désordonné (et la source ultime de notre insatisfaction) consiste à ne pas aimer la première chose en premier, à ne pas aimer Dieu de manière suprême. […] Que nous croyions en Dieu ou pas, puisque nous avons été créés par lui, nous serons toujours en quête de la joie infinie que nous sommes destinés à trouver dans une communion d’amour avec le divin. Nous nous tournons vers les choses de ce monde pour qu’elles nous la donnent, mais « nous péchons quand, négligeant l’ordre, nous fixons notre amour sur la créature et non sur toi, le Créateur ». Même les meilleurs produits de ce monde ne nous satisfont pas parce que nous avons été créés pour connaître un degré de délice et d’épanouissement qu’ils ne peuvent pas nous procurer. […]

On se fait du mal quand on aime quelque chose plus que Dieu. Comment l’expliquer? Si vous aimez vos enfants plus que Dieu, votre besoin de sens et de sécurité dépendra essentiellement d’eux. Vous aurez besoin de trop de choses pour qu’ils réussissent, pour qu’ils soient heureux et pour qu’ils vous aiment.

Le poids de vos attentes les fera fuir ou les écrasera, car ils seront la source ultime de votre bonheur et aucun être humain n’est à la hauteur de la tâche. Si vous aimez votre conjoint ou votre partenaire plus que Dieu, les mêmes choses se produiront. Si vous aimez votre métier et votre carrière plus que Dieu, vous les aimerez nécessairement plus que votre famille, votre communauté, et votre propre santé, ce qui entraînera des ruptures physiques et relationnelles et, bien souvent, une certaine injustice sociale comme nous l’avons vu plus tôt.

Si vous aimez quoi que ce soit plus que Dieu, vous faites du mal à l’objet de votre amour, vous vous faites du mal, vous faites du mal autour de vous, et vous finirez profondément insatisfait et déçu. La plus célèbre expression moderne de la conception augustinienne a été transmise par C.S. Lewis à la fin de son émission de radio:

La naissance ne nous a pas dotés de désirs dont la satisfaction soit impossible. Un bébé a faim: eh bien, la nourriture existe. Un caneton désire nager: eh bien, l’eau est là. Les hommes éprouvent le désir sexuel: eh bien, le sexe est là. Et si je découvre en moi un désir qu’aucune expérience au monde ne puisse satisfaire, l’explication plausible ne serait-elle pas que je suis fait pour un autre monde?

L’analyse augustinienne rend justice à notre expérience alors que, comme nous l’avons vu, l’explication évolutionniste de notre éternelle insatisfaction échoue à la justifier. L’idée que « la plupart des gens sont en gros heureux » banalise cette insatisfaction, mais elle n’a rien de banal. Certains ont, pour ainsi dire, cherché à remplir leur vide intérieur avec des milliards de dollars et des moyens quasi illimités pour satisfaire leurs pulsions et leur appétit. Pourtant, si l’on en croit le témoignage des siècles, même des biens matériels de cette ampleur ne peuvent remplir le vide qui est en nous. Voilà un argument de poids qui prouve que la caverne qui se trouve à l’intérieur de notre âme est bien d’une profondeur infinie.

Dieu, le débat essentiel, Éditions CLE, 2019. p. 123-127


Keller ne s’arrête même pas là dans son raisonnement. Il va plus loin dans ce même chapitre pour montrer comment le bon ordre dans nos amours, va augmenter le plaisir des moindre amours. Fascinant. Si vous souhaitez acheter le livre, vous pouvez bien évidemment l’acheter sur le site des Éditions CLE ou en librairie chrétienne dont ma préférée, le BLF Store (mais je ne suis pas objectif, étant leur directeur!).

Stéphane Kapitaniuk

Pécheur et disciple sauvé par la mort de Jésus à ma place. Mari de Hanna, papa de Noah (8 ans), Théa (3 ans), Marie (1 an). Pasteur de formation et directeur général de BLF Éditions depuis 2021. J’aime bien lancer de nouvelles initiatives. Découvrez BLFKids.com, un projet spécial parents, ainsi que BLFAudio.com, la première librairie chrétienne de livres audio. Avec Hanna, nous avons aussi fondé ChezCarpus.com, la première librairie chrétienne de livres d’occasion. Je propose également plusieurs formations créées pour le logiciel biblique Logos.

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