Donc, j’étais en train de parler à Timothy Keller cette semaine quand le sujet de la sexualité a été abordé… Non, attendez, ce n’est pas exactement ça.
Laissez-moi le reformuler pour ne pas mentir. J’avais réussi à obtenir un billet pour la Conférence Nationale 2013 "The Gospel Coalition" et à assister à l’intervention du Dr Keller sur le sujet du Réveil. Il nous a donné un bref récapitulatif du contenu de son nouveau livre, Center Church: Doing Balanced, Gospel-Centered Ministry in Your City, pour ceux qui n’étaient pas encore tombés dessus.
En bref, selon lui, le Réveil est une intensification de l’opération ordinaire du Saint-Esprit dans la conviction, l’assurance, la régénération et la sanctification. Il dit:
Vous verrez des chrétiens endormis se réveiller, des soi-disant "chrétiens" se convertir, et des personnes particulièrement fermées à l’Évangile se convertir de manière extraordinaire.
Les signes d’un Réveil incluent:
Bien sûr, c’était plus complet, mais pour ceux d’entre vous qui sont réellement intéressés, je vous suggère de vous procurer le livre. C’est vraiment quelque chose à ne pas manquer.
En fait, il se trouve que je faisais partie des quelques chanceux qui ont pu poser des questions à Keller après la session (à distance… via un micro). Puisqu’il est probablement l’observateur le plus fin et cultivé dans le pastorat aujourd’hui, je lui ai demandé, en bafouillant, s’il pouvait identifier deux ou trois obstacles majeurs auxquels notre culture actuelle doit faire face concernant le réveil ou le renouveau spirituel visible dans l’Église, particulièrement en ce qui concerne la repentance.
S’appuyant sur son expérience dans un Manhattan urbain et à la pointe de la culture, Keller a répondu que l’un des plus grands obstacles à la repentance nécessaire au réveil dans l’Église est le simple fait que presque tous les célibataires en dehors de l’Église et une majorité dans l’Église couchent ensemble. En d’autres termes, la bonne vieille fornication.
Initialement, certains s’étonneront certainement: “Vraiment? Presque tout le monde en dehors de l’Église? Et la majorité de ceux dans l’Église?” Ouais.
Au cas où quelqu’un penserait que Keller cède à la tendance d’une exagération typique qu’on retrouve chez certains prédicateurs, ce qu’il déclare peut être attesté par les toutes dernières recherches sociologiques. Même si nous ne nous laissons pas duper par de mauvaises statistiques, ce que ça reflète n’est pas fameux. Par exemple, dans Premarital Sex in America: How Young Americans Meet, Mate, and Think about Marrying, Mark Regnerus et Jeremy Uecker relatent l’histoire déconcertante qu’environ 90% des jeunes américains auraient des rapports sexuels avant de se marier, et une majorité des évangéliques ont certainement déjà, à un moment, eu des relations sexuelles en dehors du cadre du mariage, même s’ils sont actuellement repentants.
D’autres ne sont même pas surpris devant la pure ampleur de la fornication, mais demanderont pourtant: “Le sexe? Sérieusement? C’est ça le gros fléau? Et qu’est-ce qu’on doit dire des objections intellectuelles de la part de la science, ou de la philosophie post-moderne, ou l’histoire de la violence de l’église, ou le consumérisme et la soif de posséder?”
Tous ces autres problèmes sont réelles, absolument, mais demandez juste à chacun de mes collègues pasteurs et ils vous diront la même chose. Comme C.S Lewis l’a écrit dans Voilà pourquoi je suis chrétien plusieurs années plus tôt, l’éthique sexuelle dictée dans la Bible est plus susceptible de détourner les gens de l’Évangile que certains enseignements chrétiens considérés comme dérangeants. Beaucoup d’étudiants universitaires et de jeunes adultes refusent de se tourner vers Dieu, ou du moins pas le type de Dieu sévère que nous retrouvons dans la Bible, parce qu’Il a des opinions sur la sexualité que nous trouvons restrictives.
Culturellement parlant, c’est exactement au point où nous en sommes.
Keller a illustré ce point en parlant d’une tactique, selon lui presque trop cruelle pour s’en servir, qu’un vieux collègue pasteur adoptait lorsque les étudiants étaient de retour de l’université. Il a pris l’habitude de leur proposer un rendez-vous autour d’un café pour discuter de ce qu’ils vivaient. Lorsqu’ils en arrivaient à parler de leur vie spirituelle, ils se mettaient souvent à soupirer et à exprimer leurs difficultés et leurs doutes sous prétexte d’avoir assisté à quelques cours de philosophie, ou peut-être à un cours ou deux de sciences, et de quelle manière cela avait commencé ébranler les fondements. À ce stade, il les regarde et pose une seule question: “Alors avec qui couches-tu?” Choqués, leur visage se décomposait inévitablement et ils répondaient quelque chose comme: “Comment le sais-tu?”, ou bien une vraie conversation s'ensuit. Keller a relevé qu’il est facile de parier que lorsqu’un gamin revient à la maison avec des interrogations concernant l’évolution ou la philosophie, ou quelque chose du genre, le plus gros problème est une conscience troublée. Honnêtement, en étant moi-même millénaire et directeur d’université, je l’ai observé chez un certain nombre de mes amis et étudiants. Sans la moindre surprise, la Bible commence à devenir bien plus “douteuse” pour eux, dès qu’ils ont eu des rapports sexuels.
Et ça a du sens, non? Quand tu t’es engagé dans une conduite que tu sais mauvaise grâce à ton éducation, mais tout de même bien divertissante, puissamment asservissante, tu veux te trouver des raisons pour remettre en question tes convictions morales passées. Comme Keller l’a souligné, Aldous Huxley a confessé mémorablement dans son livre La fin et les moyens qu’il ne voulait pas qu’il y ait un Dieu et un sens à la vie parce que cela interférait avec sa liberté sexuelle. Alors que la plupart de nos contemporains n’ont pas traité le sujet aussi philosophiquement que Huxley, ils en sont spirituellement au même niveau.
Le sexe illicite est une idole dans notre génération que nous ne pouvons pas ignorer, mais qui doit être détrônée si nous voulons voir l’adoration du véritable Dieu remplir le Temple de son Église.
Si l’Église évangélique, et même l’Église en général, envisage un renouveau spirituel sérieux, particulièrement parmi les générations plus jeunes comme les Milléniums, Keller affirme que nous devons nous tenir prêt à parler de sexualité, non pas pour les juger, mais avec confiance, les appeler à la repentance. Les gens ont besoin d’être humilié, mais nous n’avons pas besoin de les frapper sur la tête avec la Bible. Premièrement, parce que ce n’est pas pastoralement efficace, particulièrement avec les consciences sensibles (ou celles dures comme la pierre). Secondement, c’est exactement à quoi s’attendent les gens culturellement: des chrétiens cruels, pleins de jugements et prudes.
Plutôt, Keller dit que nous devons présenter une solution alternative, un regard magnifique sur la sexualité, mais différent de celui qui est offert dans les récits culturels dominants. Un regard qui affirme les bienfaits de la sexualité, mais qui présente la sexualité dans un cadre voulu par Dieu qui lui insuffle son sens et sa valeur. Pour faire cela, nous devons marcher sur une corde raide: les chrétiens doivent surmonter leurs craintes et apprendre à parler clairement de la sexualité, sans aller trop loin et tomber dans quelque chose de trop explicite et inconfortable. Je pense que beaucoup d’entre nous qui avons participé à un groupe de jeunes au cours de ces 10 dernières années, peuvent se remémorer cette fameuse conversation à propos de la sexualité, qui s’est avérée être un peu trop embarrassante lors de la lecture des cantiques de Salomon. Non, nous devons témoigner avec sagesse et conviction de la vision biblique de la sexualité.
La lutte principale du grand évêque Augustin d’Hippone était le sexe. Dans ses Confessions, il a écrit que sa plus grande prière en pleine bataille spirituelle était: “Seigneur, accorde-moi la chasteté, mais ne me la donne pas tout de suite.” Avant sa conversion, il témoigne qu’il était fermement attaché aux chaines de la luxure et de la "concupiscence". Et pourtant, par la grâce de Dieu, l’appel puissant à la repentance de l’évêque Ambrose, l’exemple de ses amis, la lecture et la conformité aux paroles de l’Évangile dans Romains, l’ont appelé à être libéré de ses chaines. Il est devenu l’un des théologiens et hommes d’Église les plus fructueux et influents de l’Église universelle.
Nous ne savons pas à qui Dieu nous appelle de présenter l’appel de l’Évangile à une sainte sexualité. Le défi lancé par Keller à l’Église est d’humblement, mais vigoureusement appeler les Augustins assis dans nos églises et les cafés de nos villes, enchainés par le péché sexuel, à s’en détourner, s’en repentir par la puissance l’Esprit, à se tourner et à se repentir par le pouvoir du Saint-Esprit vers la vraie liberté de l’Évangile. Seulement lorsque les chrétiens seront assez courageux (et sages) pour s’occuper de nos problèmes avec la sexualité, verrons-nous “des chrétiens endormis se réveiller, des soi-disant "chrétiens" se convertir, et des personnes fermées à l’Évangile se convertir de manière extraordinaire”, en d’autres termes: le réveil.
Merci à Laura Farell pour la traduction. Retrouvez la version originale de l’article sur Patheos.
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Découvre ce replay du webinaire de Nicolas Frei a été enregistré le 7 mai 2020.
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N. Frei