Nous vivons une époque où des ingénieurs sont payés pour rendre les sites et les apps les plus addictifs possibles. L’Église n’échappe pas à ce défi, nous sommes tous concernés. il y a des dépendances peut-être plus classiques comme l’alcool ou la cigarette, mais d’autres qui sont plus invisibles: la boulimie, la pornographie, la masturbation, le sucre… En tant que responsables d’Église, nous avons la charge de prendre la mesure de ces problématiques qui ne s’arrêtent pas aux linteaux des portes de nos maisons ou de nos Églises.
Elles investissent le cœur des chrétiens et minent leur chemin vers la sanctification. Cependant, nous devons nous rappeler que si nous ne sommes pas le sauveur de nos frères, nous devons les accompagner avec sagesse.
Notre cœur est fait pour adorer et il va se mettre en quête de trouver quelque chose qui pourra soulager son besoin de sécurité, de reconnaissance ou de prospérité. La dépendance n’est jamais une explication en soi et n’a pas de raison d’être sans les affections de notre cœur. Il est indispensable de travailler le cœur de la personne, même s’il est tentant de rester à la surface, tellement les conséquences de la dépendance sont importantes. Mais ce serait négliger l’ampleur du péché. Celui-ci est le fruit d’une tentation du cœur et de la réponse de la volonté.
Prenons un exemple simple, comme la cigarette. Peut-être qu’au départ, c’est simplement récréatif au même titre que l’alcool. Cela peut être normatif, pour s’intégrer dans un milieu social, et je ne crois pas que ces deux raisons soient un problème dans l’absolu. Cependant, lorsque la personne devient accro à la nicotine ou alcoolique, alors il faut réfléchir à la bascule, il faut déterminer les raisons qui poussent son cœur à rechercher son plaisir dans ces produits. Bien sûr que la dépendance provoque une influence forte du corps, mais il n’y a jamais que cela. Ça peut être la crainte de se faire rejeter par les autres si elle ne consomme pas ou, au contraire, la recherche d’une reconnaissance sociale, une démonstration d’une certaine prospérité ou tout simplement la volonté d’étouffer une souffrance plus profonde. Les possibilités sont nombreuses, mais les raisons sont à trouver.
Comme je l’ai dit précédemment, la consommation d’un produit légal (ce qui exclut la plupart des drogues comme le cannabis en France ou la cocaïne) et non immoral (ce qui exclut la pornographie entre autres) n’est pas un mal en soi. Il est par conséquent important, là aussi, de s’arrêter sur l’évaluation et la perception subjective de la consommation. Nous pouvons assez facilement considérer la dépendance liée à la cigarette (et encore…) et à l’alcool, mais comment appréhender une dépendance au sucre, aux écrans, ou finalement à presque n’importe quoi?
Là encore, cela se résume à entrer dans la vision du monde de la personne accompagnée et de ce qui pourrait remplacer Dieu dans les trois thématiques que j’ai pu mentionner (sécurité, reconnaissance et prospérité).
Prenons l’exemple d’un polo Lacoste: il peut être un objet du quotidien pour une personne ayant des revenus lui permettant d’acheter ce type de vêtements d’une manière régulière. Pour d’autres, il peut véritablement être une quête de reconnaissance sociale et une quête effrénée pouvant le conduire à accumuler les heures supplémentaires jusqu’à épuisement, ou encore à s’endetter gravement.
Nous avons parfois la perception de certaines personnes ne pouvant pas lâcher leur smartphone. Alors que pour certains, il représente un outil particulièrement utile, pour d’autres, c’est l’objet qui leur permet, là encore, de développer une idole qui leur procure certains bénéfices au point que s’en éloigner provoque un malaise, une sensation d’incomplétude.
Ces deux points sont là pour mettre en évidence le lien particulier entre les idoles du cœur et la manière dont, petit à petit, notre cerveau se modèle pour servir ces idoles et créer des schémas et des processus qui nous dirigent naturellement. Nous avons vu à quel point il est primordial de sonder et de travailler avec la vision du monde de la personne afin de pouvoir toucher son cœur.
Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l’homme.
Marc 7.21
Les dépendances peuvent parfois créer de telles influences (du corps notamment) qu’il est extrêmement difficile de s’en extraire. Le secours médical est parfois obligatoire. La personne est alors contrainte à une cure ou à des décisions qui sont lourdes de conséquences, mais indispensables, dans le processus d’aide.
C’est parfois une véritable lutte et une discipline de fer. Mais c’est un ordre de Dieu et la puissance de la prière est sans commune mesure. Sachant notre impuissance face au changement et à l’absence de contrôle que nous avons auprès de ceux que nous accompagnons, nous devons manifester la plus grande dépendance vis-à-vis de celui qui a la puissance et le contrôle. Cela nous permet également de travailler notre humilité et de réprimer notre orgueil. C’est une expression de notre vie de disciple et c’est purement et simplement indispensable dans notre ministère. Pourquoi est-ce le premier point? Car c’est de loin celui que l’on oublie le plus facilement, même si lorsqu’on l’énonce, on se dit: « ben ouais, c’est évident. » En pratique, force est de constater que non.
La tentation est forte et séduisante et fait appel à notre déchéance. D’une manière très pragmatique, plus l’objet de la tentation est loin, moins la tentation est forte. L’abstinence est parfois la seule option possible, la destruction de l’objet également. Nous oublions souvent l’époque où nous pouvions vivre sans internet, sur notre téléphone, sans réseaux sociaux, ou encore sans Netflix ou Amazon Prime. Nous passions de bons moments sans devoir avaler des litres de boissons alcoolisées ou sans drogues stimulantes. Ce ne sont que de simples exemples. Mais vous comprenez que toutes nos dépendances sont avant tout des habitudes de vies qui, petit à petit, sont devenues de grandes influences et ont remplacé la vérité par des mensonges. Dieu est le seul en qui nous pouvons trouver une satisfaction pérenne et complète, tout le reste n’est qu’illusion.
Dans le passage très connu du sermon sur la montagne, en Mt 5.27-29, nous observons comment Jésus part de la loi mosaïque pour aller encore plus loin dans la loi morale. Il met en valeur l’état du cœur qui est naturellement excité par les tentations extérieures et la nécessité de prendre des dispositions parfois extrêmement tranchées.
Même en tant que psychologue, je prendrais des dispositions sérieuses selon les personnes qui viendraient à ma rencontre. Un héroïnomane décompense d’une manière extrêmement violente; quelqu’un sujet à des troubles alimentaires peut aller d’un extrême à l’autre très rapidement. Les enjeux sont parfois conséquents, voire vitaux pour la santé de la personne. Nous ne connaissons pas le cœur de la personne ni ses réactions possibles. La grâce commune de Dieu nous permet d’avoir à notre disposition de nombreux spécialistes qui peuvent aider la personne et accompagner ses symptômes. Évidemment, il est assez rare de juxtaposer cette aide séculière avec un accompagnement biblique, mais ce n’est pas une raison pour écarter les soins médicaux. Dans le cas de souffrances psychiques et physiologiques, l’approche médicale séculière devrait être considérée et examinée à la lumière des Écritures. Tout comme il existe des médicaments pour accompagner les personnes atteintes de cancer ou tout simplement d’une sinusite, il serait dommage de se priver de certains bienfaits de la médecine contemporaine tant qu’elle ne compromet pas l’intégrité spirituelle de la personne.
webinaire
Bien ou mal? L’éthique biblique dans un monde compliqué
Ce replay du webinaire du Dr. Vincent Rébeillé-Borgella et de Florent Varak a été enregistré le 27 janvier 2017.
Orateurs
F. Varak et V. Rébeillé-Borgella