1001 raisons d’intégrer la souffrance à notre discipulat

SouffranceDiscipulat/Mentorat

Nous rêvons tous que la génération de disciples qui nous suit:

  • ait une plus grande confiance dans la Parole de Dieu
  • soit toujours plus persévérante
  • sache éviter les pièges de menteurs qui tentent de détourner son amour pour le Seigneur vers un amour pour elle-même
  • explique encore mieux l’Évangile que nous à ses contemporains
  • apprécie encore plus profondément l’œuvre du Seigneur à la croix
  • soit mieux équipée pour une vie de disciple saine

Tous ces objectifs ne pourront malheureusement jamais être atteints si nous n’abordons pas le sujet de la souffrance.

Parmi les 1001 existantes, voilà 5 raisons pour lesquelles j’accorde une grande importance au sujet de la souffrance dans ma formation de ces jeunes disciples:

  1. parce que c’est l’exemple du Seigneur Jésus avec les Douze
  2. parce qu’actuellement, la mode est plutôt au triomphalisme
  3. parce que la souffrance est un thème qui parcourt toute la Bible
  4. parce que la souffrance culmine à la croix
  5. parce que Dieu utilise la souffrance pour notre croissance

1. PARCE QUE C’EST L’EXEMPLE DU SEIGNEUR JÉSUS AVEC LES DOUZE

  • Si j’accorde autant d’importance au fait d’aborder le sujet de la souffrance avec les disciples que je forme c’est, premièrement, parce que Jésus et ceux qui l’ont suivi faisaient de même.

À plusieurs reprises à travers les Évangiles (Lc 6.22,23; Mt 10.38; 24.9,10; Lc 21.16,17; …), on observe le Seigneur aborder le sujet avec ses propres disciples, en partie parce que l’Évangile contient une part d’hostilité (Jn 15.18-16.4).

Ce qui me frappe toujours, c’est que Jésus a choisi la franchise plutôt que la dissimulation. Le jour où les disciples ont effectivement rencontré la souffrance de l’opposition, ils ont pu se réjouir de la vérité de ses propos plutôt que d’être déçus par ses dissimulations. Et si Jésus avait raison sur la souffrance, cela voulait dire qu’il avait aussi raison à propos de son retour proche et de tout le reste!
Jésus n’était pas un calculateur, il a usé de la vérité à propos de la souffrance pour affermir ses disciples (Jn 16.1).

Je n’oublie jamais que, parmi les jeunes disciples que le Seigneur nous donne d’accompagner, il y a nos enfants. En les voyant rentrer bouleversés des conséquences de leur jeune foi à l’école, la question est: va-t-on leur cacher cette réalité de la vie de disciple, et les voir un jour déçus? Ou en faire des disciples affermis?

  • Si j’accorde autant d’importance au fait d’aborder le sujet de la souffrance avec les disciples que je forme c’est parce que c’était la méthode de l’apôtre Paul et de ses équipes.

Par la suite, les disciples de Jésus l’ont imité (1 Pi 4.12,13; 2 Tim 3.10-12;…): dans Actes 13 par exemple, l’Esprit Saint lui-même demande à l’Église d’Antioche de mettre à part Barnabas et Paul pour une « œuvre » bien spéciale (Ac 13.2). Une mission accomplie en Ac 14.26.

Cette « œuvre » se trouve donc décrite entre ces 2 mentions, et voici en quoi elle consiste: Paul, lui même souffrant car poursuivi par ses détracteurs (Ac 14.6), prêche l’Évangile dans les villes de Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres, Derbé. Il y voit des Églises naître (conséquence normale) et prend soin de repasser par ces villes en faisant un détour monumental pour affermir les nouveaux disciples. Voici le contenu de son exhortation :

Ac 14.22

Ils fortifiaient les disciples et les encourageaient à demeurer fermes dans la foi. Car, leur disaient-ils, c’est au travers de beaucoup de souffrances qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu.

Autre précédent criant dans la 2e lettre de Paul à Timothée.
Lui-même emprisonné, Paul exhorte Timothée à souffrir avec lui: « Souffre avec moi pour l’Évangile » (2 Tim 1.8) et particulièrement dans la section où il l’appelle à faire des disciples (2 Tim 2.2): « Souffre avec moi » (2 Tim 2.3)! Paul martèle cet appel avec 5 exemples frappants de résistance à la souffrance: le soldat, l’athlète, le laboureur, Jésus-Christ et lui-même. Reste-t-il une possibilité de prendre un autre chemin?

2. PARCE QU’ACTUELLEMENT, LA MODE EST PLUTÔT AU TRIOMPHALISME

Si j’accorde autant d’importance au fait d’aborder le sujet de la souffrance avec les disciples que je forme c’est, deuxièmement, parce que notre contexte s’y oppose: on est trop rapidement passé des recommandations du Seigneur aux promesses des charlatans de « trouver la vraie joie ». Et bien souvent, cette joie se trouve à l’opposé du sujet de la souffrance.

J’utilise souvent l’exemple de ce que j’appelle « l’herméneutique de Satan » avec ceux que je forme: dans Mt 4.5,6; le diable tente le Seigneur Jésus en utilisant la Parole de Dieu. Il cite Ps 91.11,12, et nous trouvons cela vicieux, alors que nous encourageons parfois la même herméneutique sur des petites cartes postales achetées dans nos librairies, pour faire des promesses hors contexte!

Il faut être réaliste, et ce n’est pas toujours facile quand on n’a pas une vue large de l’œuvre de Dieu dans l’histoire de notre planète. Le Dr. D.A. Carson, dans son livre Jusques à Quand? Réflexions sur le mal et la souffrance est assez clair à ce sujet:

« D. A. Carson, Jusqu’à quand? Réflexions sur le mal et la souffrance« 

Malgré tous les efforts des adeptes de l’Évangile de la santé et de la prospérité, le fait est que les chrétiens vieillissent et prennent des rides, ils contractent un cancer ou une maladie cardiaque, deviennent sourds et aveugles et meurent un jour. Dans de nombreuses régions du monde, les croyants sont confrontés aux fléaux de la famine et de la guerre et à la pression subtile de la corruption. Cela ne veut pas dire que Dieu n’intervient pas parfois de manière surnaturelle en faveur de ses enfants. Mais le fait est que, pas plus que les autres humains, nous ne pouvons échapper au mal et à la souffrance qui caractérisent le monde déchu dans lequel nous vivons. Si vous doutez de cette affirmation, vous êtes (1) inconscient des problèmes auxquels de nombreux chrétiens sont confrontés quotidiennement dans le monde, (2) encore trop jeune, car pour peu que vous viviez assez longtemps, vous souffrirez comme les autres, (3) bercés d’illusions ou (4) un mélange des trois.

Dans notre passage précédent (Jn 15.20,21), Jésus attire l’attention de ses disciples : « le serviteur n’est jamais supérieur à son maître »; comme on le dirait aujourd’hui, « les chiens ne font pas des chats »: comment un disciple du Seigneur pourrait-il espérer être exempt de ce qui a fait partie intégrante de la vie de son maître?!

3. PARCE QUE LA SOUFFRANCE EST UN THÈME QUI PARCOURT LA BIBLE

Si on a à cœur de leur enseigner tout le conseil de Dieu (Ac 20.27), il va obligatoirement falloir passer par ce sujet qui traverse toute la Bible: la souffrance. Sans quoi il faudra faire une gymnastique textuelle pour éviter le sujet.

Sans parler de la souffrance, on ne pourra jamais expliquer à nos disciples pourquoi la souffrance est le standard du monde déchu dans lequel ils sont plongés (Job 14.1). Ils ne croiront jamais au fait que le Dieu juste de la Bible rend à chacun selon ses œuvres (Ro 2.6), et que la souffrance est une conséquence de son jugement dès l’origine (Ge 3.16).

Sans leur parler de la souffrance, on risque de créer:

  • des disciples qui ne pensent pas que la souffrance est méritée; des hommes et des femmes qui pensent que la normalité, c’est leur pleine santé et qu’ils sont en plein droit d’exiger de la part de Dieu un rétablissement complet et immédiat dès qu’il leur arrive un pépin.
  • des disciples désorientés et finalement cruels qui se posent la question (Jn 9.2), en voyant les autres souffrir,  de savoir s’ils sont vraiment aimés par Dieu? Un Dieu qui est « souverain » d’après leur discours, mais en réalité ne l’est pas entièrement.
  • des disciples qui n’arrivent pas à être reconnaissants pour les dons précieux que leur Père leur fait chaque jour dans sa grande générosité. Des disciples prisonniers de standards dont l’Évangile aurait dû les libérer.

Sans parler de la souffrance, on ne pourra jamais expliquer à nos disciples que la souffrance est « le mégaphone de Dieu » (2 Co1.8,9; Lc 13.4,5). On ne verra jamais l’un d’entre eux avoir un témoignage puissant comme celui du pasteur Piper qui a écrit, au milieu de son cancer, son article: Ne gaspillons pas notre cancer.

Quand ils liront Ap 21.4, aucun ne sera ému de voir que Dieu leur réserve un avenir glorieux dans lequel la souffrance n’aura plus lieu d’être.

Et si le constat nous semble si familier, alors c’est peut-être que déjà nos manquements ont commencé à mettre au monde ce genre de disciples, et qu’il est devenu urgent pour nous de redoubler d’efforts pour aborder le thème de la souffrance dans nos formations de disciples.

Sans parler de la souffrance, c’est l’objet de nos 2 derniers points, nos disciples ne pourront jamais envisager sereinement la vie que Dieu leur a préparée jusqu’à son retour. Sans parler de la souffrance, on ne pourrait jamais leur parler non plus de la croix où elle culmine:

4. PARCE QUE LA SOUFFRANCE CULMINE À LA CROIX

Nulle part dans nos Bibles les auteurs du Nouveau Testament ne s’attardent sur une description détaillée et morbide du supplice de la croix. Ces descriptions n’existent que dans nos prédications qui tentent d’attendrir l’auditoire. Au contraire, les auteurs du Nouveau Testament, comme Jean, sont plutôt minimalistes (Jn 19.17).

Il n’en demeure pas moins que c’est bien à la croix que la souffrance culmine: c’est Dieu lui-même qui souffre et se révèle comme Celui qui est le plus à même de nous comprendre dans nos propres souffrances (Hé 2.18).

Si j’accorde autant d’importance au fait d’aborder le sujet de la souffrance avec les disciples que je forme, c’est parce qu’ils ont un besoin vital de connaître ce Dieu compatissant. Ne pas aborder le sujet avec eux, c’est les condamner à prier, adorer et parler autour d’eux d’un Dieu qu’ils ne connaissent, en réalité, que partiellement.

5. PARCE QUE DIEU VEUT UTILISER LA SOUFFRANCE POUR SA CROISSANCE

Choisir volontairement d’occulter ce sujet de la souffrance dans nos formations de disciples, c’est enfin une catastrophe pour la compréhension de l’enseignement du Nouveau Testament et pour la marche de ces disciples dans la sanctification.

Ils ne comprendront jamais que la souffrance peut être nécessaire (1 Pi 1.6,7a), notamment pour purifier la foi comme l’or (sur ce sujet voir l’excellent livre de John Mc Arthur The Power of Suffering); ils ne connaitront jamais les honneurs, les cadeaux, les sujets de joie et de fierté que les premiers chrétiens ont reçus à travers la souffrance (Ac 5.41; Phil 1.29).

Dans Tactique du Diable, C.S. Lewis a imaginé un échange épistolaire entre un démon expérimenté et son jeune protégé à propos d’un jeune chrétien. Malheureusement, ce merveilleux descriptif ne leur correspondra jamais:

C.S. Lewis, Tactique du Diable« 

Il sera peut-être encore exposé à des souffrances, mais ces êtres-là (en parlant des chrétiens) embrassent carrément ces souffrances. Ils ne les échangeraient contre aucun plaisir terrestre. Toutes les délices des sens, du cœur, de l’esprit avec lesquelles tu pouvais le tenter autrefois, même celles de la vertu, lui apparaissent maintenant comme les charmes écœurants d’une prostituée grossièrement maquillée à un homme qui vient d’apprendre que celle qu’il a aimée toute sa vie et qu’il croyait morte est en vie et se trouve à sa porte. Il est transporté dans un monde où la souffrance et la joie prennent une valeur infinie qui bouleverse toute notre arithmétique. Une fois de plus, nous sommes en présence de l’inexplicable.

À l’opposé, sans aborder le sujet important de la souffrance dans nos formations de disciples, on ne verra jamais l’un d’entre eux se lever pour accepter une mesure supplémentaire de souffrance en devenant responsable, aucun ne voudra se laisser façonner, aucun n’acceptera de « mourir » pour que les autres vivent.

Il faudra nous habituer à ce que les Églises soient remplies de disciples qui n’ont jamais appris la patience (Ja 1.2) et la sainteté (Hé 12.10,11), qui ne compatissent pas (2 Co 1.3,4), qui ne peuvent pas répondre aux questions des gens qui souffrent autour d’eux et qui n’espèrent plus (2 Co 4.17,18; Rm 8.18-24). Qui n’auront jamais laissé Dieu utiliser la souffrance pour les protéger contre leur orgueil (2 Co 12.7-10).

Ce bref portrait de disciples avec qui on aurait, volontairement ou pas, omis d’aborder le thème de la souffrance devrait suffire à nous convaincre d’inverser la tendance.

C’est l’Évangile qui en dépend.

Franck Godin

Disciple de Jésus, Franck le sert à l’Église Protestante Les Deux Rives, à Toulouse. Il est marié à Flavie, ils ont 5 enfants.

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