Que s'est-il passé entre la mort et la résurrection de Jésus? Qu'a-t-il fait? Où était-il? Après un survol rapide de la compréhension historique, Florent Varak présente les données bibliques qui nous permettent de répondre à ces questions.
Vous voulez poser une question?
Posez votre propre question pour un pasteur en cliquant ici.
Transcription :
« Cette transcription vous est proposée par les bénévoles de Toutpoursagloire.com. Nous cherchons à garder le style oral des épisodes pour ne pas déformer les propos des intervenants. De même, nous rappelons que ces transcriptions sont mises à disposition mais que les paroles de l’auteur (podcast et vidéo) restent la référence. N’hésitez cependant pas à nous signaler toutes erreurs ou incohérences dans cette transcription. Merci d’avance. »
La question est posée: « Cher Florent, merci pour tes podcasts, c’est toujours vraiment enrichissant les thèmes que tu abordes, et ça m’encourage à me tourner vers toi devant l’impasse d’une de mes questions. Je m’interroge sur ce qu’a fait Jésus pendant les 3 jours qui ont séparé sa mort de sa résurrection, et où il se trouvait. Je vois mal comment il a pu prendre les péchés du monde, devenant entièrement péché, et être avec son Père. Et en même temps, comment, en tant que entièrement Dieu, parfait et non peccamineux, il a pu passer du temps dans le séjour des morts… Est-ce que tu aurais des réponses à me donner? Merci d’avance pour ta réponse. »
Ecoute c’est une super question, une question de théologie, de théologie systématique, et de christologie, ça concerne la doctrine de Christ.
Alors il y a une tradition assez ancienne qui enseigne et imagine que Jésus, après sa mort, serait allé en enfer.
Il y a différentes versions de cette perspective:
– Il serait allé en enfer pour proclamer l’Evangile à ceux qui seraient morts avant sa venue sur terre.
– Il serait allé en enfer pour proclamer sa victoire aux démons et aux esprits, qui, comme ça maintenant, savent à quoi s’en tenir.
– Ou bien même il serait allé en enfer pour subir une punition supplémentaire. Il a été puni à notre place, il a pris notre péché, c’est un peu ce que tu soulignes, et il serait allé jusqu’à absorber la condamnation d’une séparation qui se serait prolongée après la mort.
Alors, de ces 3 perspectives qui ne sont pas les miennes, on va essayer de voir ce qu’il en est.
La notion de ce que Jésus serait descendu en enfer nous vient de ce que l’on appelle le « Symbole des apôtres ». Le Symbole des apôtres, que certains attribuent aux apôtres, à tort, parce que, très rapidement dans l’histoire de l’Eglise, les différents évêques et leaders de l’Eglise se sont un peu « écharpés » sur cette notion… Si ce symbole avait été vraiment concocté par les apôtres, il est probable qu’il ait été rapporté dans le livre des Actes, ou qu’on ait une trace plus récente. Toujours est-il que le Symbole des apôtres –donc c’est son titre actuel– est probablement l’une des plus anciennes confessions de foi que nous ayons, une synthèse de l’enseignement de la Bible et notamment du Nouveau Testament, et il se lit ainsi: « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre; et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen. »
Alors tu as bien noté, par rapport à ta question, « il a été enseveli, il est descendu aux enfers. » La version grecque porte katoteros, c’est-à-dire le monde d’en bas. Ca peut être associé au monde des esprits. Mais ce sont quand même des versions postérieures qui ont introduit le terme hades, qui, par les traductions latines, ont donné « enfers ».
Alors Philip Schaaf est un grand historien de l’Eglise, et notamment de l’Eglise primitive, historien maintenant ancien -les choses ont un peu progressé depuis son décès et ses écrits, mais ils font quand même autorité-, c’est un grand nom de l’histoire de l’Eglise. Dans un livre qui est dédié justement au credo du christianisme, il écrit:
« La clause a été expliquée de 3 manières différentes. [Quelle clause? La clause dont on parle: il est descendu aux enfers.]
- Elle est identique à sepultus [c’est Rufinus qui le dit], ou signifie ‘continué dans l’état de mort et sous le pouvoir de la mort’ jusqu’à la résurrection. [C’est la thèse qui est défendue par la confession de foi de Westminster.]
- Elle signifie l’intensité des souffrances du Christ sur la croix, où il a goûté à la douleur de l’enfer pour les pécheurs. [C’était la thèse de Calvin, également que l’on retrouve dans le Catéchisme de Heidelberg.]
- Une véritable manifestation du Christ après sa crucifixion à tous les esprits défunts. En tant que telle, la descente aux enfers fait partie de l’universalité du plan de rédemption, et constitue la transition de l’état d’humiliation à l’état d’exaltation. C’est l’explication historique, selon la croyance de l’Eglise ancienne, mais elle laisse beaucoup de place à la spéculation concernant l’objet et l’effet de cette descente aux enfers. » (Fin de citation)
Nous avons donc cette formulation que Jésus serait mort et qu’il a été enseveli, et qu’il est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts.
Donc c’est de là que vient cette idée que Jésus aurait passé du temps aux enfers. Avant d’aller plus loin, notons que le Symbole dit de Nicée-Constantinople (c’est une augmentation en quelque sorte du Symbole des apôtres, c’est un symbole qui aurait été formulé au 4e siècle après Jésus-Christ) ne contient pas cette phrase: « Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et il monta au ciel. »
Donc la formulation initiale (le Symbole des apôtres) trouve une formulation beaucoup plus réduite au 4ème siècle (le Symbole de Nicée-Constantinople), qui ne laisse pas place à cette expression (« il est descendu aux enfers »).
Maintenant, qu’est-ce que la Bible dit à ce sujet? Alors il y a quelques textes, 4 ou 5, qui peut-être peuvent appuyer cette notion de descente aux enfers.
- Le premier c’est Ac 2.27: « Car tu n’abandonneras pas mon âme dans le séjour des morts, et tu ne laisseras pas ton Saint voir la corruption. » Alors à mon sens, c’est difficile d’imaginer que ce séjour des morts-là corresponde réellement à l’enfer. Il y a là le contraste avec David (Ps 16.10 qui est cité) qui lui est bien mort et enterré. Hades/sheol peut signifier la tombe ou la mort. Et associé à la décomposition du corps, on perçoit que c’est davantage… ce verset dit plus précisément qu’il ne sera pas abandonné aux vers, qu’il ne va pas rester dans ce contexte.
- Un autre texte qui est utilisé, Rm 10.6-7: « Voici comment parle la justice qui vient de la foi: Ne dis pas en ton cœur: Qui montera au ciel? C’est en faire descendre Christ; ou: Qui descendra dans l’abîme? C’est faire remonter Christ d’entre les morts. » Et de nouveau, on a une allusion à l’Ancien Testament ici (Dt 30). Le point de cette citation c’est de souligner que Dieu est proche, qu’on marche par la foi et qu’on n’a pas à poser des questions. Ce n’est en rien une affirmation que Christ serait descendu dans un endroit spécifique, et notamment les enfers.
- Les 2 textes les plus pertinents sur cette question, en tout cas qui donnent du poids à ceux qui croient que Jésus est vraiment descendu aux enfers, c’est Ep 4.8-9, je lis: « C’est pourquoi il est dit: Il est monté dans les hauteurs, il a emmené des captifs, et il a fait des dons aux hommes. Or, que signifie: il est monté, sinon qu’il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre? » Alors tu vois, cette formulation fait penser que peut-être le Symbole des apôtres aurait bien vu, qu’il y a une réelle présence pendant ces quelques temps de Jésus en enfer, dans les régions inférieures de la terre. Il faut bien voir que là encore, c’est une citation, une citation du Psaume 68, et c’est pas une citation facile à comprendre. J’ai travaillé un petit peu ce texte dans le cadre d’un document d’étude, et il y a beaucoup d’interprétations possibles sur la manière dont le texte du psaume en lui-même parle de Dieu par rapport à Israël, et la manière dont Paul en fait l’incorporation. En tout cas, le Psaume 68 est un psaume qui célèbre la victoire du Dieu d’Israël à partir de l’Egypte et jusqu’à Jérusalem. Et Christ, qui représente Israël dans son périple, a également emmené des captifs. Et le théologien Bruce Ware les désigne comme les démons qui s’opposent au peuple de Dieu. Voilà, Dieu a fait d’eux des captifs.
Alors reste maintenant à comprendre ces « régions inférieures de la terre ». A mon sens, c’est tout à fait compatible avec la mise au tombeau. Le terme « enfer » n’est pas du tout dans le texte. Il a été placé dans le tombeau, il a été réduit dans son humiliation à… la mort l’a brisé, lui qui est le Créateur, c’est quelque chose d’extraordinaire, c’est mentionné de façon poétique et grandiose. Par contraste, ce qui apparaissait comme un gigantesque échec est en fait une gigantesque victoire.
- Et puis il y a le texte de 1 P 3.18-20, où nous lisons: « En effet, Christ aussi est mort une seule fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de vous amener à Dieu. Mis à mort selon la chair, il été rendu vivant selon l’Esprit. Par cet Esprit, il est aussi allé prêcher aux esprits en prison, qui avaient été rebelles autrefois, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours où Noé construisait l’arche dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire 8, furent sauvées à travers l’eau. » Là encore c’est un texte assez difficile à comprendre et qui fait l’objet de pas mal d’interprétations: certains comprennent les « esprits en prison » comme la simple description de la prédication de Noé à des pécheurs; d’autres imaginent que c’était la proclamation (après la mort du Christ) aux démons, de la victoire du Christ. Mais en tout cas, il n’est pas dit que Jésus serait allé séjourner dans ce monde après sa mort et sa résurrection. Il faut éviter l’interprétation parfois mise en avant, que le Christ aurait souffert en enfer alors qu’il aurait déjà souffert énormément jusqu’à sa mort.
Donc pour répondre à ta question, qu’est-ce qui s’est passé après la mort de Jésus, et avant sa résurrection? Eh bien en fait, il y a 3 textes qui répondent à ta question.
- Lc 23.43: « aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » Jésus dit ça à celui qui meurt à ses côtés, et qui a conscience qu’il est pécheur, qu’il a besoin de la grâce comme tous les autres êtres humains, et il demande à Jésus qu’il se souvienne de lui dans son règne. Et Jésus lui dit: « ce soir, ce jour, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Alors c’est une affirmation qui montre qu’après la mort de Christ, Jésus est allé directement dans ce jardin temporaire en attendant le jardin éternel qui vient, le paradis éternel qui vient. Jésus est tout de suite passé de la mort à la présence de Dieu le Père dans le paradis.
Alors ça pose la question: est-ce qu’après la mort on dort, ou est-ce que l’on vit? Là encore au sein du christianisme, il y a un certain nombre de perspectives différentes. Je t’encourage à écouter le podcast 133 sur le thème « Est-ce que l’on dort après la mort? », pour te faire une idée et bien comprendre ce texte. Toujours est-il que Jésus promet à cet homme que dès sa mort, il sera avec lui dans le paradis. Donc Jésus n’est pas allé en enfer.
- Jn 19.30, Jésus, qui est sur la fin de cette expiation absolument terrible qu’il subit volontairement pour nous, dit « tout est accompli! » Et dans ce « tout est accompli », il y a la rédemption, l’expiation qui est achevée; le sacrifice de sa vie pour le pardon des péchés de ceux qui croient est terminé. Tout est accompli, ça veut dire qu’il n’y a pas à ajouter à sa souffrance. Sa souffrance est terminée, elle est finie, elle est bornée sur ces événements, et Jésus n’a pas besoin de souffrir davantage en enfer, ni pour nous ni pour quiconque.
- Et enfin, le dernier et ultime cri du Seigneur dans son incarnation, avant sa mort et sa résurrection, se trouve en Lc 23.46: Jésus dit « entre tes mains, je remets mon esprit. » Et il confie son être intérieur à la garde du Père, et il a conscience qu’il s’en va vers lui. Je suis d’accord que ce n’est pas le texte le plus fort en cela, mais c’est un texte quand même qui montre qu’il n’a pas l’intention de parcourir davantage d’étapes, ou d’autres, après sa mort. Après sa mort, il n’y a qu’une chose, c’est qu’il est auprès du Père. Le travail a été réalisé, et il va y avoir une résurrection le troisième jour. Il va ensuite monter, et montrer combien son œuvre a été acceptée par le Père, puisqu’il est exalté au moment de son ascension, il est glorifié, il reprend la gloire qu’il avait laissée avant son incarnation. Et puis maintenant, ce que l’on attend c’est son retour.
Alors j’espère t’avoir éclairé, que pendant ces 3 jours Jésus a renoué une communion absolument parfaite, débarrassée des contraintes de son humanité, vivant dans une situation un petit peu particulière, qui est un peu en quelque sorte la représentation de ce que nous allons vivre après la mort et en attendant notre résurrection. Il est vraiment celui qui nous représente pleinement dans toutes les étapes de la vie, et il est celui qui est mort pour nous. Et bien sûr, ce qu’il faut retenir au-delà de toute spéculation, accord ou désaccord, finalement la tradition ancienne de l’Église doit être respectée, mais la tradition ne fait pas la vérité. La tradition fait un témoignage simplement de la vérité, et c’est à chacun de regarder dans l’Écriture, et de voir les fondements de cette tradition, si elle peut être suivie. Toujours est-il, et c’est ce qu’il faut reconnaître et ça c’est vraiment important, c’est que lorsque Jésus meurt à la croix, il meurt pour payer l’ensemble de nos fautes. Et il est précisé tout au long de l’Ecriture que c’est par la foi, et la foi en Christ seul, la foi en lui seul, que nous pouvons obtenir –même pas obtenir-, que nous recevons de Dieu, non seulement la foi, mais le pardon de nos péchés. C’est-à-dire qu’on ne peut pas obtenir justement de Dieu quoi que ce soit, nous ne pouvons que recevoir le pardon qu’il nous accorde. Et le pardon est possible parce que Dieu le Père, qui était en colère contre nous, a détourné sa colère pour l’orienter sur son propre Fils à notre place. Jésus est mort pour nous, et donc nous pouvons vivre en lui, par lui et avec lui, et nous sommes invités à déposer à ses pieds toute prétention au contrôle de nos vies, et chercher à le suivre pendant le temps de notre séjour sur terre, à recevoir cette réconciliation et cette adoption qui nous permet d’échapper à la colère de Dieu.
Toujours est-il que j’espère avoir répondu à ta question….