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Podcast 180 : que penser du conflit entre Paul et Barnabas ?
La question est posée : "Bonjour, je me pose des questions sur le passage des Actes 15. 36-41. J’aimerais donc avoir votre avis à travers un podcast de" un pasteur vous répond ": que penser de ce conflit entre Paul et Barnabas ? Alors que le mot division fait souvent référence à quelque chose de négatif, est-ce que finalement Dieu peut se servir d’une division pour sa glorification ? De plus, est-ce que des informations sont disponibles sur les fruits portés par la mission de Barnabas d’un côté, et Paul de l’autre ? Si les fruits sont réels, pourrait-on penser que cette division a définitivement servi la cause de l’Eternel ? Merci par avance et que le Seigneur vous bénisse !"
A cette super question – et on va lire le texte incriminé que tu cites – et qui finalement… Je suis très reconnaissant que le Saint-Esprit ait bien voulu nous l’intégrer, l’insérer dans l’Ecriture, parce que ce sont des situations que l’on rencontre assez fréquemment dans le ministère ; et s’il n’y avait rien de cette nature dans le livre des Actes, on aurait l’impression d’être vraiment nuls par rapport à nos prédécesseurs, et ça donne un certain réalisme aux situations du livre des Actes, en comparaison avec les situations que nous pouvons rencontrer.
Voilà ce que nous dit le verset 37 en Actes 15 : "Barnabas voulait prendre aussi avec eux Jean, surnommé Marc, mais Paul estima ne pas devoir prendre avec eux celui qui s’était détourné d’eux depuis la Pamphylie, et qui ne les avaient pas accompagnés dans leurs œuvres. Le dissentiment fut si aigre que finalement ils se séparèrent : Barnabas prit Marc avec lui et s’embarqua pour Chypre. Paul choisit Silas et partit, recommandé par les frères à la grâce du Seigneur. Il traversa la Syrie et la Cilicie en affermissant les églises." (Fin de citation)
Alors écoute, c’est un des événements les plus tristes que nous ayons dans le livre des Actes : Paul et Barnabas cessent leur collaboration ; et c’étaient tellement des piliers de l’oeuvre missionnaire… c’est vraiment tragique, et c’est aussi gênant de voir de tels conflits !
Je sais que ça n’existe que dans certains pays barbares, n’est ce pas, les conflits entre pasteurs et missionnaires, ou entre anciens, ou entre diacres, entre les responsables d’écoles du dimanche, ou même entre les membres. En France c’est exceptionnel, ça n’arrive quasiment jamais, bien entendu ! Alors, comme c’est embarrassant, parce que tu te souviens que Jésus a prié pour que ses disciples soient un comme lui-même est un avec son Père, et que c’est pas toujours une réalité ; les églises ont rarement de quoi se vanter pour leur unité ; ça arrive, il y a des périodes qui sont des périodes d’unité formidable, je crois que c’est ce qu’on vit dans notre église par la grâce de Dieu en ce moment, c’est un tel cadeau, une telle grâce et bénédiction ; et puis je sais que ça ne va pas durer ! Mais donc c’est tellement embarrassant qu’on cherche certaines explications.
Alors certaines des explications sont un peu optimistes, par exemple c’est bien, puisque ça permet à deux équipes missionnaires de partir plutôt qu’une, et c’est souvent comme ça que j’ai entendu l’ histoire de Paul et Barnabas. Voilà, finalement les conflits ça permet à des églises de commencer, parce que souvent il ya des gens qui partent d’une église pour commencer une autre église, alors ça multiplie les églises ; sauf que c’est souvent… c’est très rare que ces églises arrivent à fleurir, parce que quand on part sur un mauvais esprit de tension, c’est compliqué de parler de grâce et de pardon, et que parce que c’est quelque chose qu’on n’a précisément pas vécu, dans le cadre de ce que l’on a vécu.
Il en a qui sont optimistes d’une autre manière : ça permet de révéler ceux qui sont dignes de confiance, c’est exactement ainsi ce que Paul dit aux Corinthiens : il faut bien qu’il ait des divisions parmi vous pour qu’on sache ceux qui sont dignes de confiance, enfin je paraphrase, je ne sais plus comment c’est formulé, mais c’est un peu la grande idée, parce que dans un conflit les coeurs se révèlent. Tu mets des gens sous pression et on voit ceux qui tiennent la pression avec humilité, avec grâce, avec douceur, et puis ceux qui disent n’importe quoi, ou qui s’emportent, ou qui même font appel à des souvenirs des années en arrière : ‘ouais tu m’as dit ça, tu m’as pas regardé dans les yeux ce jour là…’ donc ça révèle beaucoup ceux qui sont dignes de confiance, il y en a qui estiment : ben voilà ça permet de voir les choses sous un autre angle.
Il y en a d’autres qui abordent ce conflit avec condescendance et ils se disent "voilà Paul c’est pas un homme facile, comme il ne pardonne pas…" On regarde Paul avec un peu de haut, en disant "il aurait quand même pu laisser passer cet événement et être un petit peu plus sympathique, il aurait dû manifester plus de patience".
Alors comment regarder ce qui se passe ? Peut-être qu’on en tirera des instructions pour nous-mêmes qui sommes confrontés comme à des difficultés dans la vie de l’église, parce que nous sommes pécheurs vivant au milieu de pécheurs, et donc ça crée des frictions, et ça c’est la réalité, hélas, hélas. René Pache affirme un peu rapidement "Dans ses épîtres, Paul parle amicalement de Barnabas." C’est là une situation que je te tire du nouveau dictionnaire biblique. Alors c’est vrai mais c’est incomplet, parce que si on considère les dates des versets qui sont cités, il cite 1 Corinthiens 9. 6, Galates 2. 10, 9. 13, Colossiens 4. 10, on réalise que Barnabas disparaît des radars, de Paul, en tant que missionnaire, après cet événement. On n’entend plus parler de Barnabas après Actes 15, donc pour répondre à ta question, on ne sait absolument pas ce qui s’est passé dans la suite de la vie de Barnabas, de cette deuxième mission il n’y a aucune information que j’ai pu trouver à ce sujet.
De plus, seuls Paul et Silas sont recommandés par les frères à la grâce du Seigneur. Donc la deuxième équipe ?… la Bible ne dit rien de la recommandation des frères, est-ce que ça veut dire que l’église a pris ses distances en disant "écoutez vous partez, mais vous partez de façon autonome, et nous, nous renvoyons Paul et Silas, eux on a confiance, mais pas vous" ? En tout cas c’est un argument tiré du silence de l’Ecriture, mais le flot de la pensée nous oriente vers cette piste, donc Barnabas disparaît du Nouveau Testament ; sauf erreur de ma part il n’y a aucune description de son action, ni dans le reste du Nouveau Testament, ni dans la tradition de l’Eglise. Alors qu’est ce qu’il s’est passé ?
Alors probablement qu’il y a évidemment cette différence de perspective, c’est celle qui est mis en exergue dans l’explication quant à Marc. Marc les a lâchés, et dans la perspective de Paul, c’est qu’il n’est pas fiable, Paul en est convaincu. Mais pour rendre la chose plus complexe, Marc est un cousin de Barnabas, alors mélanger les considérations familiales -ou professionnelles, et … enfin pardon, les considérations familiales au ministère – ou les considérations familiales, d’ailleurs, au travail, c’est toujours délicat ! Je connais des églises qui se sont brisées parce que des situations de discipline auraient été nécessaires, mais parce que c’était une famille proche de la famille des responsables ça ne s’est pas fait ; ça a cassé l’église. Je connais des missions qui se sont divisées sur les questions de préférences familiales, et dans certaines églises où le communautarisme… où l’aspect tribal est important, il y a des gens que l’on préfère nommer comme diacres ou comme anciens parce qu’ils font partie d’une tribu, et indépendamment de leurs compétences, et les autres tribus se sentent lésées, et il y a des divisions. Alors il faut vraiment être impartial autant que faire se peut dans les questions d’église, pour que les questions familiales ne pèsent pas ou ne jouent pas, quitte à jouer l’abstention quand ça touche quelqu’un de notre famille. On peut après tout – les juges de la société séculière se récusent lorsqu’il s’agit de quelqu’un qu’ils connaissent – je crois que parfois dans une église on doit savoir se récuser, quand il faut juger et trancher sur un membre de la famille.
Peut-être il y avait également un certain ressentiment de Barnabas, parce que leur collaboration avait débuté avec Barnabas comme leader ; en Actes chapitre 13 nous lisons que "Pendant qu’ils célébraient le culte du Seigneur et qu’il jeûnaient, le Saint-Esprit dit : Mettez moi à part Barnabas et Saul (Saul qui devient Paul) pour l’oeuvre à laquelle je les ai appelés. après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains et ils les laissèrent partir" Ils les laissèrent partir, tu as remarqué que ça commence avec Barnabas et Saul, alors ça a dû vraiment toucher Barnabas : Paul, c’est son protégé, c’est lui qui est allé le chercher, c’est lui qui vient l’aider pour le travail d’Antioche, et là soudainement, lui il devient le chef de l’équipe missionnaire avec Saul (ou Paul) comme second.
Mais seulement, très vite, le Saint-Esprit révèle que c’est Paul qui est apôtre, et c’est lui qui réalise le miracle de l’aveuglement d’Elymas- tu découvriras ça dans le livre des Actes, je ne vais pas revenir là-dessus – mais à ce moment là l’équipe est décrite à partir de Actes 13. 13 de cette manière : "De Paphos, Paul et ses compagnons firent voile…", tu as remarqué, Paul devient premier, alors est-ce que c’est le fait de passer de numéro 1 à numéro 2 qui finalement est resté en travers de la gorge ? Parce que ça prend une véritable humilité de réussir un tel passage. Peut-être que pour ce second voyage missionnaire, cette hiérarchie fonctionnelle reste comme une amertume sur le coeur de Barnabas et il dit : il m’énerve à vouloir toujours tout décider. Je mets des mots dans la situation, mais ça nous invite à réfléchir à ce que peut être un leadership qui est équilibré ; et moi j’encourage les leaders quels qu’ils soient à avoir des zones où ils sont numéro 2, et des zones où ils exercent leur leadership de numéro 1, parce que le leadership est toujours une question de fonction, c’est jamais une question d’identité. Dans notre identité, la seule chose que nous sommes, ce sont des enfants de Dieu, c’est tout. Notre leadership est une fonction que l’on exerce et que l’on doit exercer dans l’humilité commune, un service à Christ qui nous est temporairement prêté et qui peut nous être retiré à tout moment, et donc si notre identité dépend de notre fonction, on va être plongé dans les méandres de la tristesse le jour où ça nous est retiré, alors que si on le perçoit comme quelque chose qui nous est prêté pour un temps, c’est pas un problème, et apprendre à jouer les numéro 2 c’est extrêmement utile pour apprendre à être un bon numéro 1. Donc de façon très pratique et concrète, moi j’encourage tous ceux qui sont dans l’église et qui ont une responsabilité, de se placer dans un endroit où ils ne sont pas le numéro 1, et de se placer … et d’assumer leur responsabilité numéro 1 si c’est ce à quoi Dieu les appelle, dans une commission, dans un groupe, de façon à le faire pour la grâce- pour la gloire de Christ. Alors peut-être que Barnabas a confondu le rang qu’il a en tant qu’enfant de Dieu, avec la fonction qu’il avait dans une équipe missionnaire.
Il ya beaucoup à apprendre, et notamment dans nos pays, sur le rôle du followship. On parle beaucoup de leadership. Le leadership, c’est l’art d’être un leader, et on parle jamais de followship, c’est à dire l’art d’être un numéro 2 – d’ailleurs il y a je crois, une chercheuse ou un prof de Harvard, donc une grande université américaine, qui a écrit un livre sur le followship ; je vais le lire, je ne l’ai pas acheté, mais il faut je le retrouve d’ailleurs, je ne sais pas exactement quel est le titre ; mais on m’a raconté que ça n’avait pas été un grand succès : tout le monde veut être des leaders, personne ne veut être de bons numéros 2, et pourtant moi je peux attester que dans tout ce que je sais faire, où on me dit ou on me prête un rôle de numéro 1 – entre guillemets parce que c’est une fonction encore une fois, je ne suis capable de l’exercer que parce qu’il y a des gens autour de moi qui ont vraiment fait équipe avec moi, et qui m’aident à combler les faiblesses qui sont les miennes, sans eux je serais incapable d’exercer le moindre ministère ! il y a toujours une complémentarité dans les équipes qui est fructueuse.
Un autre facteur qui a peut-être joué dans ce conflit, c’est que Barnabas a donné tout ses biens à l’Eglise –c’est Actes 4. 36-37 : il a vendu son champ, il a donné son capital, et peut-être que c’était une terre d’ailleurs de Chypre ou bien une terre en Israël – peut-être qu’il ne devait pas la posséder d’ailleurs puisqu’il était lévite, mais bref tout ce qu’on sait c’est qu’il la vend, et qu’il en donne le fruit de la vente. Alors c’est très spéculatif ce que je vais dire, mais peut-être qu’il y avait dans son coeur cette idée : j’ai tellement donné que je mérite. Tu as déjà vu ça dans une église ? Les gens qui disent : j’ai tellement donné financièrement que je mérite… une place à la table de direction, et que si l’église ne prend pas le chemin que je veux moi, donateur généreux de l’église, je ne donnerai plus, où je change d’église, une menace et une manipulation totalement indigne d’un enfant de Dieu. Si vous voyez quelqu’un faire ce genre de chantage, il n’est absolument pas sa place dans le leadership, il doit immédiatement quitter les lieux, c’est un homme dangereux. Mais il n’y a pas simplement des questions de considérations financières, il y a des gens qui disent, mais attends j’ai tellement donné de mon temps que l’on doit m’écouter ; non absolument pas, tu n’as pas donné à l’église pour qu’on t’écoute, tu as donné à l’église pour que Christ soit mieux glorifié et servi, et personne ne te doit rien. Le service doit être fondamentalement reconnu comme quelque chose que l’on exerce pour Christ et pour plaire à Christ, pas pour que les hommes nous reconnaissent… Est-ce que Barnabas avait cela ? Moi je me suis amusé à regarder…à voir dans mon coeur un petit peu de ça, un truc totalement mais tellement secondaire, c’est ridicule et ça a duré une fraction de seconde, mais je rentrais d’un lieu où j’avais acheté … ou on m’avait donné, je ne sais plus, quelques paquets de chocolat et puis je rentre à l’église, je donne à quelques amis une plaquette comme ça de chocolat – je crois que c’était du chocolat suisse qui est presque le meilleur du monde ! Bref, je ne vais pas faire la guerre entre les Belges et les Suisses, mais je donne une plaquette, et une personne a pris cette plaquette et s’est immédiatement tournée vers quelqu’un qui est un petit peu découragé, dit : tiens, ça c’est pour toi, alors une fraction de seconde je me suis dit : eh ! je lui donne quelque chose et elle le donne à quelqu’un d’autre … et en fait je me suis dit ah non non… quand tu donnes, tu donnes ; après c’est l’acte de donner qui est joyeux ; ce que la personne en fait, qu’elle donne à quelqu’un d’autre, qu’elle le revende, qu’elle en fasse des profits, qu’elle l’utilise ou pas, ça ne te regarde plus ! Il y a vraiment à faire attention à ne pas garder une attache, et une volonté de garder le contrôle sur les choses que nous faisons.
Alors écoute, si Barnabas était un enfant de Dieu, ce que je crois, nous lui demanderons sa version des faits quand on sera sur la nouvelle terre, on verra à quelle adresse il est, on ira frapper à sa porte, et on aura les précisions que ce podcast n’est pas capable de donner ! En tout cas le texte semble sous-entendre que seuls Paul et Silas reçoivent la bénédiction de l’Eglise. La suite de l’histoire permet de confirmer que le Saint Esprit a vraiment pris plaisir à oeuvrer au travers de l’apôtre Paul, et qu’il y a eu une belle bénédiction sur l’engagement de Paul.
Alors c’est sur cette belle note de la bénédiction de Dieu sur le ministère de Paul et de Silas que se termine Actes 15, qui avait commencé quand même avec un gros conflit, quelque chose qui était assez sérieux, et finalement je me dis les leaders doivent être très attentionnés pour être de bons gestionnaires des crises qui immanquablement vont secouer l’église, pour être respectueux les uns des autres, pour garder leur place, ne pas vouloir déborder sur la place des autres, ne pas vouloir prendre la place des autres, et pouvoir constituer des équipes complémentaires, et éviter ce genre de tragédies ; alors il y a toujours des conflits, il y en a dans les églises. Dans les vingt ans que j’ai ou j’ai été un des anciens d’une assemblée en exerçant un travail pastoral, une fonction pastorale, on a vu beaucoup de choses pas toujours très joyeuses, des choses dont parfois j’étais le premier responsable, et je l’avoue je suis un très mauvais leader parfois, et j’ai créé des conflits inutiles ; et en même temps d’autres fois, ce n’était pas du tout mon cas, mais en tout cas, je n’étais pas je pense, la cause de ces choses là, et bon c’est vrai que ça fait partie de la vie, j’ai vu que parfois quand des gens partaient ça donnait une bouffée d’air frais, puisqu’il en est tellement de complications, tellement de douleurs, que quand ils étaient partis, l’église respirait : saison de vie de l’église où on a eu le départ d’une trentaine de personnes, ce qui n’était pas négligeable ; à ce moment-là on faisait 180 peut-être, mais cette année-là, on a eu une vingtaine de conversions, une douzaine de baptêmes, et l’esprit de l’église était entièrement renouvelé. Alors voilà les conflits auront toujours lieu, malheur à ceux qui les créent, quelque part ! Et essayons de refléter ce que ce que Christ a voulu refléter dans sa communauté, c’est qu’elle reflète l’unité qu’il y a dans la trinité, et que les assemblées soient un peu à son image : savoir aimer et assurer des services différents selon les appels que Dieu donne à chacun. J’espère avoir répondu à ta question.