La question traitée dans l'épisode 57 est la suivante: "Un chrétien peut-il être soldat?" Après avoir fait plusieurs remarques sur le sujet dans l'Ancien et le Nouveau Testament, le pasteur Florent Varak relève 3 positions adoptées par des chrétiens face à l'armée. Pour conclure le podcast, il donne son propre point de vue.
Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible une question à la fois.
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Transcription:
« Cette transcription vous est proposée par les bénévoles de Toutpoursagloire.com. Nous cherchons à garder le style oral des épisodes pour ne pas déformer les propos des intervenants. De même, nous rappelons que ces transcriptions sont une aide mais que les paroles de l’auteur (podcast et vidéo) restent la référence. Cependant, n’hésitez pas à nous signaler toutes erreurs ou incohérences dans cette transcription. Merci d’avance. »
La question est posée: Un chrétien peut-il être soldat au 21e siècle? S’il reçoit un ordre de tuer une personne, juste pour les intérêts politiques des autorités, s’il exécute cet ordre, quelle serait la portée spirituelle de cet acte? Et s’il se fait tuer lors d’une mission de ce genre? Il y a aussi la drogue qu’ils utilisent pour être dans un certain état avant le combat.
Alors c’est vraiment une question intéressante, mais difficile. Et je ne suis pas sûr d’ailleurs que l’on puisse donner une réponse complète, biblique, à cette question. Après examen des données, il me semble qu’elles relèvent de la conscience individuelle, et qu’il est possible, me semble-t-il qu’il y ait plusieurs réponses. C’est-à-dire que l’on puisse avoir des convictions et des avis différents sur cette perspective à partir des données de l’Écriture qui restent compliquées à synthétiser. Je suis content que cette rubrique qu’on m’a demandé d’assurer s’appelle « Un pasteur vous répond », peut-être d’autres pasteurs, d’autres penseurs en éthique chrétienne auront des avis différents. Donc voilà le débat est lancé, je suis conscient que ce n’est pas évident comme notion.
Quelques données qui nous viennent de l’Ancien Testament:
Les 10 commandements prohibent de commettre un meurtre. Mais un « meurtre » c’est ôter la vie d’un innocent par envie, ou par méchanceté, ou par intérêt personnel. Le mot qui est utilisé pour « tuer », notamment pour tuer pendant la guerre, est un autre mot. Donc il faut distinguer le fait de commettre un meurtre, et le fait de tuer, que ce soit dans l’exercice de la justice ou dans le contexte d’une guerre. Dans l’histoire d’Israël, Dieu a parfois jugé les nations ou son peuple par la guerre ; c’est le cas de la conquête de la terre promise, et c’est intéressant de noter, qu’ elle ne pouvait avoir lieu avant que la déchéance morale des Amoréens ait atteint son comble (Genèse 15.16). C’est-à-dire que Dieu n’a permis cette guerre terrible qu’alors que sur ce territoire, il y avait de la prostitution sacrée, les enfants étaient abusés, il y avait des enfants livrés au feu – une pratique assez horrible – et Dieu fait accomplir un jugement de ce peuple en donnant la terre promise aux Juifs.
On remarque également que dans plusieurs passages de la Torah, il y a des régulations sur la manière de mener la guerre, et notamment de proposer à la ville de se rendre avant la bataille, etc., il y a une notion de cadre à la guerre, comme si la guerre était un mal possible, mais toujours un mal, mais quand même un mal possible qui permettait parfois d’empêcher d’autres maux, et on imagine ce que serait l’Europe si le nazisme avait triomphé, et on peut comprendre que certaines guerres sont utiles voire nécessaires pour préserver l’intégrité morale ou humaine d’une civilisation.
Il faut quand même noter – c’est la dernière remarque de l’Ancien Testament que je ferai – que lorsque Dieu emploie les Assyriens pour juger le royaume d’Israël, et lorsque Dieu emploie Nebucadnetsar, le dictateur de Babylone, pour juger le royaume de Juda, ils sont quand même rendus responsables de leurs actes atroces. C’est assez intéressant de lire, si ça t’intéresse tu peux lire Jérémie 51.20-24 où Dieu dit clairement qu’il a utilisé Nebucadnetsar pour accomplir son jugement, mais qu’il rend Nebucadnetsar responsable de ses actes. On retrouve un des thèmes qu’on a souvent abordé dans ce podcast, c’est la souveraineté de Dieu et les moyens dont les hommes accomplissent cette souveraineté, qui en aucun cas, ne les dédouane de leurs responsabilités.
Quand on arrive sur le Nouveau Testament, on trouve des données aussi un peu surprenantes. D’abord, l’ensemble des centeniers mentionnés dans le Nouveau Testament sont présentés de façon favorable. C’est-à-dire qu’ils ne sont jamais présentés comme étant des hommes mauvais, méchants, mais comme des hommes qui, par contraste même avec le peuple d’Israël, ont un cœur, ont une spiritualité, ont une recherche de Dieu, et c’est d’autant plus surprenant qu’ils sont les officiers d’une armée occupante, c’est-à-dire que l’armée romaine occupe la terre d’Israël, ce n’est donc pas une guerre juste selon les termes avec lesquels Augustin pouvait la définir puisque c’est une armée occupante.
Et pourtant on retrouve ce centenier de Matthieu 8, ou encore celui qui confesse Christ après la mort de Christ, alors qu’il est impliqué dans la surveillance de la crucifixion (Matthieu 27.54); on trouve encore Corneille en Actes 10, et puis on a également Sergius Paulus qui était proconsul dans le gouvernement romain de Chypre en Actes 13.7, il était en tant que proconsul celui qui pouvait ordonner l’exécution des criminels, déployer des troupes en guerre lorsque c’était nécessaire, et voilà un homme qui devient chrétien.
Aucune des longues listes de péchés que nous trouvons dans le Nouveau Testament ne mentionne le fait d’être soldat en tant que tel; à aucun moment, l’apôtre Paul ne demande aux soldats de démissionner de leurs fonctions, c’est quand même quelque chose qu’il faut observer.
Je remarque également que dans le Nouveau Testament, il n’y a pas de distinctions entre l’armée et la police, l’armée jouait les deux rôles: à la fois celui de conquérant et celui qui maintient l’ordre. C’est eux dont il est question dans Romains 13 où il est dit que « les gouvernants ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal.
Veux-tu ne pas craindre l’autorité? Fais le bien et tu auras son approbation, car elle est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, sois dans la crainte, car ce n’est pas en vain qu’elle porte l’épée étant au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui pratique le mal. » L’épée dont il est question, ce n’est pas une épée de menace, c’est une épée qui tue, c’est une épée qui associe à un ordre le pouvoir d’ôter la vie à celui qui n’obéit pas. L’apôtre Paul continue « Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement à cause de cette colère, mais encore par motif de conscience ». Donc on voit que l’armée du Nouveau Testament porte l’épée de la part de Dieu pour instaurer un ordre, certes imparfait, mais préférable au chaos de l’anarchie et du non-droit.
Voilà un peu les données que je vois, et en même temps, on trouve aussi dans le Nouveau Testament qu’un disciple de Christ va se caractériser par une certaine douceur: il s’agit d’aimer son ennemi, de prier pour ceux qui nous maltraitent et qui nous persécutent.
Je crois que c’est une attitude générale du disciple, pas nécessairement celui qui est dans une fonction militaire, mais on voit que le chrétien doit être un homme doux, généreux, aimant son ennemi, loin d’un esprit haineux, revanchard et belliqueux.
L’apôtre Paul dit en Romains 12.17-21: « Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous-même, bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit ‘À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur' » (et puis le verset continue).
On est dans cette logique: l’attitude de cœur d’un chrétien doit être une attitude non belliqueuse, bienveillante, qui ne répond pas au quart de tour, mais c’est aussi l’attitude d’un chrétien dans sa vie de tous les jours; il ne s’agit pas de la description d’un soldat ou d’un policier. Je me dis que pour porter une épée, il faut avoir une tête qui est saine et qui est prête à répondre avec force à quelqu’un qui s’oppose à la force, et c’est sûr que c’est compliqué d’être un soldat ou un policier chrétien, mais je ne pense pas que ce soit antinomique, surtout qu’on a des propos qui sont tenus à l’encontre ou à l’égard des hommes qui portent l’épée dans le Nouveau Testament.
Là je fais référence à Jean-Baptiste qui voit des soldats venir à lui en Luc 3.14 et qui lui demandent « Qu’est-ce qu’on doit faire? », tu sais que Jean-Baptiste prêchait la repentance, prêchait la vie alignée sur Dieu, et voilà ce que leur dit Jean-Baptiste « Ne faites violence à personne et ne dénoncez personne à tort, mais contentez-vous de votre solde ». Il est question ici d’extorquer, c’est-à-dire de voler par intimidation ou de piller, « dénoncer à tort » c’est-à-dire, calomnier pour résoudre facilement des enquêtes et empocher des primes, et Jean-Baptiste ne dit pas à ces soldats de démissionner ou de déposer les armes, mais il modère et limite leur activité pour que cette activité se fasse selon un ordre éthique. Ça veut dire qu’un soldat qui est chrétien va devoir réfléchir quand même aux ordres qu’il reçoit. Et cela me semble être peut-être, l’un des éléments à prendre en compte dans la réponse.
Comment faire la synthèse de toutes ces données qui semblent parfois un petit peu en contradiction les unes avec les autres ?
Dans l’Histoire, il faut savoir que les chrétiens ont réagi différemment. La première position que je peux mentionner que l’on retrouve chez certains chrétiens qui ont réfléchi à ces questions, c’est le pacifisme. C’est la position, historiquement, des mennonites, et je crois la position historique qu’a tenu notre Union d’Églises qui est née peu de temps après les mennonites en 1708, et qui ont maintenu pendant des siècles, une position fermement pacifique où un chrétien ne prendrait les armes en aucune circonstance. Elle est cohérente en quelque sorte, elle dit « je préfère aller en prison que de porter une arme et de porter la main sur un être humain créé à l’image de Dieu ». Je crois savoir que c’est la position la plus fréquente, notamment dans les pays musulmans où il y a des chrétiens qui sont confrontés à la guerre, pratiquement des guerres de religion ou autre, et où les chrétiens nés de nouveau ont décidé, que vu que la violence entraîne la violence, et que c’est un cycle infernal, que leur conviction est: en tant que chrétiens, ils ne prendront pas les armes. C’est la position la plus fréquente j’ai cru comprendre. A vérifier.
Deuxièmement, on a l’engagement inverse. Je connais, j’ai rencontré des chrétiens qui disent au contraire que c’est un appel personnel, légitime, et qu’ils participent à l’armée de leur pays et que, lorsque l’ordre de mener bataille est donné, ils font leur travail, ils le font bien et donc qu’ils tuent sans aucun problème de conscience parce que, justement ils estiment que l’ordre de Dieu s’établit au travers des moyens que Dieu a établis, y compris la notion d’État et d’armée, et qu’il établit un droit, certes imparfait, et certes mauvais dans un certain sens, mais ça évite au chaos de s’installer dans le monde. Donc ils participent au combat armé. Je remarque que c’est souvent dans le contexte de pays où les chrétiens ont confiance en leur gouvernement qui est plus ou moins stable et démocratique, et en ce sens ils sont prêts à sacrifier leur vie et à s’engager, sans problème de conscience. Ils utilisent certains des versets que j’ai utilisés, « tu ne commettras pas de meurtre » ce n’est pas la même chose que « tu ne tueras point » dans un contexte de conflit armé.
Et puis, il y a une troisième perspective que l’on retrouve, c’est le soutien logistique, c’est un peu une position entre les deux. C’est une perspective de compromis où le chrétien pourrait manifester son soutien à un État, mais uniquement dans des positions de non-combattant, c’est-à-dire de médecin ou de chauffeur ou d’infirmier, des positions de logistique, mais pas des positions où la personne prendrait une arme pour s’engager aux côtés de l’armée.
Ce n’est vraiment pas évident, je ne sais pas quelles sont tes convictions quand tu entends ces différentes perspectives. Je n’ai pas vérifié, mais il m’a semblé avoir lu un temps qu’au 2e siècle de notre ère, on recommandait aux gens qui se convertissaient, de ne pas devenir des soldats, et on recommandait aux soldats qui devenaient chrétiens s’ils pouvaient rester dans leur profession. C’était un peu une sorte de position là encore, de compromis. Souvent les réflexions éthiques ne sont pas toujours très tranchées.
Moi de mon côté, avec le temps, je crois développer une perspective « consentante ». C’est une perspective qui consent, qui « rend à César ce qui est à César » et qui rend à Dieu ce qui est à Dieu »,c’est-à-dire que dans mon rôle, dans mon appel, je vais militer pour le Royaume de Dieu, c’est-à-dire proclamer l’Évangile, vivre la vie chrétienne du mieux que je peux, prier pour la liberté de culte, partager l’Évangile au plus grand nombre bien sûr ; et je consens à participer au royaume de ce monde dans la limite de ma conscience, je consens à un certain nombre d’activités.
C’est-à-dire que je crois que Dieu va établir des rois (Psaumes 131) selon son bon vouloir, y compris des rois méchants pour accomplir un objectif que je ne peux pas nécessairement percevoir, et je consens être amené dans un conflit armé, je ne prendrais pas de drogues, puisque c’est le propos qui a été tenu en début de ce propos.
Je suis prêt à un certain nombre d’engagements jusqu’aux limites de ma conscience ; Actes 5.29 nous dit que nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, et à un moment donné, si les ordres qui me sont donnés sont des ordres qui violent ma conscience, ça pourrait être par exemple de tuer des civils, de se venger sur des civils, je ne le ferais pas, j’espère avoir le courage à ce moment-là de dire non, quitte à en subir les conséquences qui pourraient être une exécution ou un emprisonnement. Voilà, c’est un peu ma position à l’heure actuelle, peut-être que je changerai. En tout cas, je crois que c’est pour toi une réflexion à mener avec l’ensemble des données que je viens d’exprimer pour que tu te fasses toi-même un avis sur la question.
Tout ce qui ne procède pas de la conviction, de la foi, est péché, et il n’y a que toi pour prendre une décision de ce genre. Je t’encourage aussi à la prudence vis-à-vis de ceux qui ont pris une décision différente de la tienne. Je ne suis pas certain qu’une réponse absolue à cette question soit possible, comme je l’ai indiqué en début de podcast, mais voilà quelques idées pour la route !