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Célébrer Pâques les yeux ouverts avec les disciples d'Emmaüs (Luc 24.13-35)

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Publié le

18 avr. 2022

Imaginez prendre conscience pour la toute première fois que Jésus est ressuscité! Revivez ici l’expérience des disciples d’Emmaüs.

Ce dimanche-là, tôt le matin, des femmes se rendent au tombeau de Jésus, qu’elles trouvent vide.

Deux anges leur apparaissent et leur annoncent que Jésus est vivant. Les femmes s’empressent d’annoncer cette nouvelle aux disciples. Mais ces derniers ont du mal à y croire. Pierre court au tombeau et constate à son tour l’absence de Jésus. Il est étonné, mais pas convaincu.

La suite du déroulement de ce dimanche nous est racontée en Luc 24.13-35.

Luc situe le récit des disciples d’Emmaüs dans un cadre précis. Dans son fameux discours inaugural, en Luc 4.16-30, Jésus avait fait la lecture du prophète Ésaïe, dans la synagogue de Nazareth. S’appuyant sur ce texte de l’Ancien Testament, il avait déclaré avoir été envoyé par Dieu pour proclamer « aux aveugles le recouvrement de la vue » (Lc 4.18).

Or, au fil du texte, le lecteur de l’évangile a pris conscience que Jésus ne guérissait pas seulement des aveugles sur le plan physique, mais aussi – et surtout – des aveugles sur le plan spirituel.

Avec l’épisode des disciples d’Emmaüs, le thème de la vision (plus précisément encore celui du retour à la vue) atteint son point culminant. Tout le passage raconte comment deux disciples ont retrouvré la vue.

Verset 16 (en début d’épisode): « Mais leurs yeux étaient incapables de le reconnaître. »

Verset 31 (vers la fin de l’épisode): « Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent. »

Que s’est-il passé entre le verset 16 et le verset 31? Comment les yeux fermés des disciples d’Emmaüs se sont-ils ouverts?

C’est par la résurrection de Jésus que Dieu a ouvert les yeux des disciples d’Emmaüs. Par cette même résurrection, Dieu veut aussi ouvrir nos yeux.

Parcourons le texte en deux grandes étapes.

1. Les disciples aveuglés

L’épisode des disciples d’Emmaüs est plein d’ironie et d’humour pour une raison toute simple: les lecteurs que nous sommes en savent plus que les deux disciples qui se trouvent dans le récit.

Luc joue sur ce savoureux décalage.

Au verset 13, nous apprenons que ce dimanche-là, deux des disciples quittent Jérusalem et se rendent à Emmaüs, un village situé à environ douze km de la ville.

En chemin, ils discutent intensément des événements récents. D’une part, ils ont assisté à l’horrible crucifixion de leur Maître trois jours plus tôt. D’autre part, ce même dimanche, ils ont entendu le témoignage des femmes, qui les a laissés perplexes.

Les deux hommes essaient de digérer tout ce qu’ils viennent de vivre. Selon le verset 15, ils « échangeaient leurs propos et leurs réflexions ». Ils réfléchissent tout haut, à deux, pour essayer de se remettre du coup dur que leur foi fragile vient d’encaisser.

Puis, au verset 15, Jésus s’approche discrètement d’eux et les accompagne. Sauf que les yeux des disciples sont incapables de le reconnaître (verset 16).

Dans ce texte, on compte au moins quatre manifestations flagrantes de l’aveuglement des disciples d’Emmaüs.

Quand Jésus leur demande de quoi ils discutent, au verset 17, ils s’arrêtent. La question les déstabilise. Ils ont une boule dans la gorge, l’estomac noué, « l’air attristé ».

A. Pour les disciples, c’est jour de deuil.

C’est jour de défaite.

Que savons-nous qu’ils ne savent pas? Nous savons que celui qui peut changer leur tristesse en joie est à leurs côtés.

Cela, ils l’ignorent, pour l’instant du moins.

Non seulement les disciples sont tristes, mais à ce moment-là, ils croient halluciner. Non pas qu’ils aient vu un revenant. Leur choc tient au fait qu’il est absolument inconcevable que qui que ce soit ne soit pas au courant de ce qui s’est passé quelques jours plus tôt.

Un peu comme si l’on se rendait au bureau à New York le 12 septembre 2001, le lendemain des attentats, sans avoir la moindre idée de ce qui est arrivé la veille. Comme si de rien n’était.

18L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit: « Es-tu le seul parmi ceux qui séjournent à Jérusalem qui ne sache pas ce qui s’y est passé ces jours-ci? »

19« Quoi donc? » leur demanda-t-il.

« Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth. C’était un prophète qui agissait et parlait avec puissance, devant Dieu et devant tout le peuple. 20Nos chefs des prêtres et nos dirigeants l’ont livré aux Romains pour le faire condamner à mort et clouer sur une croix. »

B. Pour les disciples, Jésus est le seul à ne pas savoir ce qui s’est produit à Jérusalem.

Que savons-nous qu’ils ignorent? Nous savons que Jésus est le seul à vraiment savoir ce qui s’est produit.

Non seulement il le sait intellectuellement, mais il le sait par expérience personnelle. Sa connaissance de la crucifixion n’a rien à voir avec la leur – eux n’en ont été que les spectateurs.

C. Pour les disciples, la crucifixion de Jésus a éliminé tout espoir de délivrance.

21Nous avions espéré qu’il était celui qui devait délivrer Israël. Mais hélas! Voilà déjà trois jours que tout cela est arrivé.

Ici, le lecteur se régale, parce qu’il en sait plus que les pèlerins d’Emmaüs. Les disciples sont déçus parce que Christ n’a pas délivré Israël selon leurs attentes. En réalité, par sa mort sur la croix, Christ a accompli une délivrance qui surpasse de loin celle qu’ils anticipaient, dont Israël ne sera d’ailleurs pas le seul bénéficiaire.

Que savons-nous que les deux disciples ne savent pas? Nous savons que la croix est précisément l’unique source de délivrance.

Comme beaucoup de Juifs de leur époque, les deux disciples d’Emmaüs attendaient une délivrance politique et militaire de la domination des Romains. Or Jésus est mort pour délivrer Juifs et non-Juifs de l’esclavage du péché.

Enfin, dans les versets 22 à 24, l’aveuglement des voyageurs atteint son comble. Plus tôt ce jour-là, ils ont entendu le témoignage des femmes, à qui des anges sont apparus et ont déclaré que Jésus est vivant. Or, quand certains disciples se sont rendus au tombeau pour examiner la question, ils n’ont pas vu Jésus. Tout était conforme à ce que les femmes avaient raconté, certes, mais où était Jésus?

D. Pour les disciples, il est problématique que les autres disciples n’aient pas encore vu Jésus.

Que savons-nous en tant que lecteurs? Nous savons que c’est le Ressuscité qui se trouve en face d’eux.

Qu’importe si les autres disciples n’ont pas encore vu Jésus, puisque les disciples d’Emmaüs sont eux-mêmes en train de le regarder!

Voilà donc quatre manifestations de l’aveuglement des disciples d’Emmaüs.

Petite suggestion: plutôt que de considérer nos deux amis avec la condescendance du lecteur qui connaît la fin de l’histoire, demandons-nous honnêtement si nous sommes parfois aveuglés, nous aussi. En particulier, comment réagissons-nous quand le plan de Dieu se réalise dans notre vie à travers la souffrance, la faiblesse, les apparences d’une défaite cuisante, l’abandon, le découragement?

Après tout, ce que les disciples d’Emmaüs ne pouvaient pas concevoir, c’est que Dieu réalise son plan glorieux à travers les souffrances du Messie. Or si le moment décisif de l’histoire humaine a été marqué par la douleur et l’épreuve, devons-nous nous étonner que notre parcours personnel soit aussi parsemé de périodes sombres, sous la bonne main de Dieu?

En outre, n’oublions pas que l’aveuglement des disciples d’Emmaüs n’est que temporaire. Au verset 31, leurs yeux s’ouvrent.

2. Les disciples éclairés

Par la résurrection, Dieu a ouvert les yeux des disciples – et il veut ouvrir nos yeux aujourd’hui – sur deux réalités extraordinaires.

A. Le Messie devait souffrir avant d’entrer dans sa gloire.

Par définition, la résurrection est une seconde étape. Elle est le passage d’un état à un autre: de la mort à la vie. Jésus est ressuscité d’entre les morts.

Luc met en avant une séquence qui comporte deux étapes: d’abord les souffrances, puis la gloire. Au verset 26, Jésus déclare:

Le Messie ne devait-il pas souffrir toutes ces choses avant d’entrer dans sa gloire?

Ce qui fait la beauté, la puissance et la gloire de la résurrection, c’est précisément qu’elle constitue une seconde étape! Parler de la résurrection, c’est forcément parler de la croix, puisque Jésus n’est pas ressuscité d’entre les vivants! Il est ressuscité d’entre les morts.

D’ailleurs, l’épisode des disciples d’Emmaüs, véritable chef-d’œuvre mettant à l’avant-scène la résurrection du Christ, nous renvoie constamment à la croix (à l’instar du verset 7 du même chapitre, où les anges rappellent que Jésus avait annoncé par avance sa crucifixion et sa résurrection).

D’abord, aux versets 18 à 20, l’accent porte sur ce qui s’est passé quelques jours plus tôt: les chefs des prêtres et les dirigeants juifs ont livré Jésus aux Romains pour le faire condamner à mort et clouer sur une croix.

Ensuite, au verset 21, il est question du troisième jour ou des « trois jours ». « Voilà déjà trois jours que tout cela est arrivé. » Ou plus littéralement (NBS): « C’est aujourd’hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits. » À six reprises dans l’Évangile selon Luc, la résurrection est associée au troisième jour. Luc martèle cette expression: « le troisième jour ». Troisième après quoi? Après le jour de la crucifixion, qui sert de point de référence.

Enfin, aux versets 28 à 30, nous découvrons les circonstances précises dans lesquelles les disciples d’Emmaüs ont reconnu Jésus. Quand les trois voyageurs arrivent à destination, Jésus est invité (avec grande insistance) à se joindre aux deux autres pour le repas du soir.

Autour de la table, Jésus prend le pain et prononce la prière de bénédiction. Puis, il partage le pain et le donne à ses amis. C’est au moment précis où Jésus accomplit ces gestes que les yeux des disciples s’ouvrent (verset 31). Jésus peut maintenant disparaître puisque sa mission est accomplie.

Ces gestes révélateurs, Jésus les avait également posés trois jours plus tôt. Lors du dernier repas avec les apôtres, Jésus a pris du pain. Après avoir remercié Dieu, il l’a partagé en morceaux qu’il a distribués aux apôtres en déclarant: « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. Faites cela en souvenir de moi. » (Lc 22.19)

Ce que Luc nous invite à voir en mettant ces deux textes en relation, c’est que lorsque Jésus partage à nouveau le pain à Emmaüs, les deux disciples comprennent enfin que la croix, loin de constituer un échec, fut une véritable victoire. Une victoire remportée pour eux. « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. »

Les disciples d’Emmaüs – comme tous les autres – s’attendaient à ce que Jésus entre dans la gloire du royaume en une seule étape, d’un seul coup. « Dans le même élan, le Messie nous libère des Romains, établit le royaume pour Israël et détruit tous ses ennemis! » Ils n’avaient pas envisagé l’étape intermédiaire (mais indispensable) de la croix, malgré les prédictions claires de Jésus à ce sujet.

Pourquoi Jésus a-t-il accepté d’être crucifié? Pour que notre délivrance soit beaucoup plus profonde que tout ce que nous aurions pu imaginer. Sur la croix, Jésus a subi le châtiment de nos fautes et il nous a délivrés de la puissance du péché.

Par la résurrection de Jésus, Dieu ouvre aussi nos yeux sur une seconde réalité extraordinaire.

B. Tout l’Ancien Testament annonçait le Messie.

Quand les disciples ont fini de parler du témoignage des femmes, Jésus ne leur dit pas, au verset 25: « Ah! hommes sans intelligence! Vous êtes bien lents à croire tout ce que les femmes vous ont annoncé. » Pourtant, Jésus n’aurait pas eu tort s’il avait parlé ainsi.

Au verset 25, Jésus s’exclame plutôt:

25Ah! hommes sans intelligence! Vous êtes bien lents à croire tout ce que les prophètes ont annoncé. 26Le Messie ne devait-il pas souffrir toutes ces choses avant d’entrer dans sa gloire? 27Alors, commençant par les livres de Moïse et parcourant tous ceux des prophètes, Jésus leur expliqua ce qui se rapportait à lui dans toutes les Écritures.

Nous retrouvons ici l’un des plus grands mystères de toute la Bible. D’une part, avant la Passion et la résurrection (pendant le ministère de Jésus), les disciples n’étaient pas en mesure de saisir pleinement ce que Christ allait expérimenter (leur intelligence était voilée, les prédictions de Jésus concernant sa propre mort leur restaient cachées). D’autre part, tout était déjà annoncé dans l’Ancien Testament. Tout était écrit.

Le « déclic », les disciples d’Emmaüs l’ont vécu quand ils ont saisi deux choses:

  • L’Ancien Testament annonçait un Messie souffrant;
  • Jésus est ce Messie souffrant, qui est maintenant ressuscité.

En un mot, le Ressuscité a enseigné aux disciples comment bien lire l’Ancien Testament. Il ne suffit pas de voir dans l’Écriture uniquement de bons exemples à suivre et de mauvais exemples à ne pas reproduire. L’Ancien Testament est surtout une annonce de Celui qui vient: le Messie-Sauveur.

Lisons-nous l’Ancien Testament avec un tel point focal? Il existe une manière de le savoir.

Quand Jésus disparaît de la scène, les deux disciples se disent l’un à l’autre (verset 32):

[…] N’avons-nous pas senti comme un feu dans notre cœur pendant qu’il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Écritures?

Quand nous lisons l’Ancien Testament, ressentons-nous comme un feu dans notre cœur? Avons-nous envie de nous exclamer: « Merci, Jésus, d’être venu accomplir les promesses de Dieu! Par ta mort, et par ta résurrection! »

N.B. Cet article est une republication. Je l’avais publié une première fois le 27 mars 2018.

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