Redoine Faïd est en cavale suite à son évasion spectaculaire. Les français ne parlent que de ça… avec une fascination qui est très étrange. Pourquoi? Raph et Matt se posent la question dans ce court épisode bonus.
Synthèse MM bonus
Ce travail de synthèse est fait par un auditeur attentionné. Il ne retranscrit pas les propos exacts de l’épisode, mais vise à présenter le contenu.
Cet épisode est consacré au cas de Redoine Faïd, une évasion spectaculaire digne des films et qui nous interroge un peu. Cet épisode est une réaction rapide à chaud de cet évènement, et surtout de son traitement médiatique.
Pourquoi une telle fascination pour cette évasion?
Sans trop y penser, on se dit qu’il y a un côté cool dans le fait de s’échapper de cette manière, en particulier le côté spectaculaire. On se dit qu’il est très fort. L’évasion, c’est dire que l’on est plus fort que le système et qu’une personne est plus forte que tout le système. Cela va presque « forcer le respect ». Après réflexion, cela ne doit pas être notre pensée. Cela fait penser au film Les Évadés ou bien à la série Prison Break. Il y a une forme de fascination où l’on n’arrive pas à croire que ce soit possible dans la vie réelle. Mais ce n’est pas une fiction, c’est un hélicoptère qui arrive pour le libérer de la prison. De plus, il s’est déjà évadé et l’on se dit alors que c’est fou qu’il n’ait pas été mis dans un dispositif de sécurité maximale.
Il y a une façon de le traiter dans les médias, en parlant de cette affaire de manière très ambiguë, et la manière dont les gens réagissent à cela est aussi intrigante: on a l’impression que ce sont des critiques de film. Les médias eux-mêmes traitent le sujet comme s’ils commentaient un film de gangster. En France, on aime beaucoup les films de gangster parce que l’on a un rapport complexe à l’autorité du fait de notre histoire. On est le peuple qui a coupé la tête du roi, qui est toujours contre le système, qui râle beaucoup, etc. Le fait que des personnages tels que Redoine Faïd soient des icônes n’est pas étonnant compte tenu notre culture. Cela explique aussi notre fascination pour Mesrine ou les films de bandits. Il y a une sorte d’attirance pour le bandit et un rapport particulier à la police et à la justice. On le remarque aussi avec les polars: les auteurs français sont plus nuancés entre le « méchant » et le « gentil ». Ils sont beaucoup moins caricaturaux.
Cependant il y a aussi des choses graves qui se sont passées (une policière avait été tuée sous les balles dans une des poursuites) et si cela était arrivé à un membre de notre famille, on n’aurait jamais eu cette réaction de fascination pour cette évasion. Mais on a du mal à se rendre compte que c’est réel parce que cela ressemble tellement à de la fiction. Seulement, la fiction s’inspire souvent de la réalité. Puis on se concentre sur la personnalité du criminel en faisant venir des psychologues, des sociologues, etc. Et quand on voit le parcours du personnage, on comprend difficilement sa situation et c’est moins caricatural que dans certains films.
Cela souligne une réalité: celle que l’être humain est complexe, morcelé en lui-même à cause du péché et qu’il veut parfois sincèrement s’en sortir mais qu’il retombe très facilement dans ses travers. On est loin d’être capable de juger et de sonder le cœur de l’homme qui est tortueux par-dessus tout. Cela met en lumière cette complexité chez nous.
Cela révèle aussi notre rapport au mal: quand il est enrobé et scénarisé, cela nous force d’une certaine façon à le romantiser. Alors qu’objectivement et théologiquement, il n’y a rien qui devrait nous réjouir au regard de Dieu dans cette situation.
Le point de vue eschatologique
Que peut-on relever par rapport à la perspective Memento Mori?
Le premier point est lié au jugement de Dieu. Il y a beaucoup d’histoires d’évasion qui nous entraînent et attirent notre sympathie car ce sont des cas de mauvais jugement et de personnes innocentes, et on veut être avec la personne quand elle doit s’échapper. Rappelons-nous que le jugement de Dieu est parfait, que les justes qui le sont par la foi échapperont à la condamnation de Dieu et qu’il n’y aura aucune erreur de jugement possible. Le revers de la médaille c’est qu’aucun méchant n’échappera à sa peine et qu’aucune évasion ne sera possible après le jugement de Dieu. Le juste ne sera pas condamné injustement et le méchant ne pourra pas échapper à sa peine.
Les évènements de ce type pointent vers le fait que la justice humaine est parfois corrompue, en condamnant parfois des innocents, et aussi limitée parce qu’elle laisse parfois échapper des coupables, lorsqu’elle manque de les condamner à cause d’erreurs de jugement.
Cette vision du jugement parfait et définitif de Dieu doit nous faire réfléchir à la manière dont on lit les évènements et dont on comprend la justice aujourd’hui.
Lorsque l’on pense au film La Grande Évasion, on voit ce modèle de s’échapper d’un mauvais jugement. Mais pour Redoine Faïd, il y a un côté « sexy » où à la base c’est un braqueur de banque et derrière la banque, il y a un système, quelque chose d’impersonnel. Il incarne un peu le Robin des bois moderne. Mais si l’on imagine que c’était un pédophile, les réactions seraient sans doute très différentes.
Cela fait penser à la façon dont on aborde le jugement de Dieu. On aspire à son jugement et au jugement quand on touche à des choses auxquelles on est sensible, comme par exemple faire du mal à un enfant, mais on ne veut pas de ce jugement pour notre petit péché.
Dans le roman La Patience du diable, un policier est dégoûté car il tue un meurtrier. Il dit: « Quand un meurtrier est tué, il n’est pas jugé, il est innocent pour l’éternité. » Il y a cette envie de mettre la personne devant le jugement pour qu’il soit déclaré coupable. Derrière la notion de vie et de mort, il y a la notion de culpabilité et d’innocence qui est très importante. Même si un meurtrier échappe à la justice humaine, il n’échappe pas à la justice de Dieu. Et cela doit pousser vers l’œuvre du salut qui est scandaleuse, qui est celle de la croix.
Voilà comment l’évasion de Redoine Faïd peut nous faire réfléchir sur la notion de justice, d’injustice, de fascination pour le mal dans notre vision du monde, et surtout de l’espérance chrétienne certaine du juste jugement de Dieu.
Merci à Victor Hui pour son travail de synthèse.
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