Ils ont mentionné:
- Le Commentaire de Romerowski
- Le Commentaire de Longman
- Le livre de Gibson
- Le livre de Sinclair Ferguson
Dans cet épisode, Raph et Matt répondent aux questions suivantes:
- Pourquoi on aime ce livre?
- Pourquoi son titre aurait-il pu être “Memento Mori”?
- Quel est le thème du livre? Quels sont les accents du livre?
- Quelques pistes pour bien comprendre l’Ecclésiaste?
- Qu’est-ce que ça t’apporte dans ta façon de vivre?
Ce travail de synthèse est fait par un auditeur attentionné. Il ne retranscrit pas les propos exacts de l’épisode, mais vise à présenter le contenu.
Le livre de l’Ecclésiaste est un livre riche en enseignements, et bien en lien avec la thématique de Memento Mori qui est de prendre la fin comme point de départ.
Pourquoi on aime ce livre?
Par rapport aux autres livres de la Bible, il a une saveur particulière car il sonne un peu « décalé ». Il est à la fois très réaliste, et peut sembler cynique selon certains. Mais par-dessus tout, il est extrêmement contemporain. Il peut être actuel à un tel point qu’il en devient troublant. Il est également très beau dans sa structure, sa formulation. C’est un livre très agréable à lire et les maximes nous font beaucoup réfléchir. Chaque mot a beaucoup de sens.
Il est également beau au regard de la Bible dans le dévoilement du plan général de la Bible. Il est aussi très pertinent dans notre contexte culturel. On peut très facilement s’identifier à l’auteur dans cette quête de bonheur, de sens, au travers de toutes sortes de choses que lui proposait le monde. L’auteur est quelqu’un qui a tout vu et tout connu et qui nous délivre les conclusions qu’il en tire.
Quel est le thème du livre? Quels sont les accents du livre?
Le thème du livre de l’Ecclésiaste peut être pris sous différents angles. Il s’agit d’une part du questionnement d’un grand roi sur la quête de la sagesse. Il explique qu’il la cherche à travers tout ce que le monde offre: les sciences, la philosophie, la folie, les déviances et les débauches sous toutes leurs formes. D’autre part, c’est la présentation des conclusions de cette recherche: tout est vanité, tout est vapeur, tout disparaît, rien ne dure, rien ne satisfait sous le soleil, et l’homme ne peut trouver ce qu’il cherche dans toutes ses quêtes, aussi grandes soient-elles.
En arrière-plan de tout cela, il y a la question plus générale du sens de la vie, la question: « À quoi bon? » La question de la mort revient aussi, notamment dans la conclusion qui est très Memento Mori.
L’auteur nous rappelle que tous, les sages comme les fous, les puissants comme les indigents, finissent par subir le même sort et par mourir. Il relativise beaucoup de choses et c’est pour cela que certains le présentent comme un cynique. Mais même s’il montre que tout est passager, certaines choses sont préférables à d’autres. Et s’il nous manque certaines choses, à savoir la sagesse de vivre dans la crainte de Dieu et la communion à Dieu, les choses les plus grandes nous décevront; alors qu’en vivant dans la présence de Dieu, des choses simples du quotidien peuvent nous réjouir lorsqu’on les voit venant de la main de Dieu.
Beaucoup de gens qui ont tout vu et tout connu en tirent un certain orgueil alors que l’auteur de l’Ecclésiaste, ayant plus vu et connu que n’importe qui, n’en tire aucun orgueil. Au contraire, il conseille de ne pas l’imiter et de ne pas faire les mêmes erreurs que lui car on n’en tirera rien et on mourra comme lui.
Il y a donc un renversement de valeur assez flagrant. Ce qui nous semble important est futile, et ce qui nous semble futile est important car Dieu le magnifie. Il montre les grandes choses telles qu’elles sont vraiment et les petites choses telles qu’elles sont vraiment, à savoir un don venant de Dieu que l’on peut apprécier.
L’auteur se présente aussi comme un roi, figure de sagesse. Or, se présenter en tant que roi signifiait également mettre en avant sa sagesse. Mais l’auteur de l’Ecclésiaste dit que même lui, éminent en sagesse et recherchant la sagesse avec tout ce qu’il avait, n’a pas réussi à la saisir. A combien plus forte raison, pourrions-nous l’obtenir?
Quelques pistes pour bien comprendre l’Ecclésiaste?
On peut parfois mal interpréter le livre de l’Ecclésiaste en ne se concentrant que sur le côté négatif. D’ailleurs, il n’existe pas de commentaire unanime sur l’auteur de l’Ecclésiaste et sur sa théologie. Certains comme Longman distingue 2 auteurs: celui qui écrit le corpus, dont la théologie serait pessimiste et non orthodoxe, et l’auteur cadre qui aurait écrit l’introduction et la conclusion et qui a, lui, une théologie orthodoxe.
Le Qohèleth, le titre que l’auteur se donne, est la façon dont il se présente. C’est un argument d’autorité. Il ne se présente pas comme un roi mais comme un maître qui instruit. L’auteur tire des enseignements sur sa quête de sagesse. Il expose son enquête sur les fausses pistes qu’il a suivies afin que le lecteur ne perde pas son temps et puisse trouver et vivre d’une façon meilleure que la sienne. Ce n’est donc pas un livre déprimant mais un livre qui veut donner de bons conseils pour une vie qui honore Dieu.
Une autre chose importante est de ne pas isoler les sections en dehors de leur contexte et d’oublier la trame principale du livre que l’on a expliquée un peu plus haut. Comme les autres livres de sagesse, il faut lire les passages dans le contexte plus large du livre. C’est un principe d’herméneutique de base mais qui est d’autant plus marqué dans ces livres-là. N’oublions pas aussi l’intention de l’auteur, ce qu’il a voulu transmettre en nous léguant ce livre, pourquoi il a voulu que l’on ait cet enseignement.
Le thème de la vanité est une autre clé de lecture qu’il faut bien saisir. La vanité n’est pas quelque chose qui ne sert à rien mais qui disparaît, qui est éphémère. Si l’on néglige ce thème, on peut avoir l’impression que les impasses nous mènent à des trous alors que les impasses nous montrent des choses vraies: la recherche de la sagesse dans le manger et le boire est une vanité car la nourriture terrestre ne pourra jamais nous combler complètement, mais Dieu nous a donné ces ressources pour nous réjouir sous le soleil, dans ce monde déchu. On a donc un vrai bonheur, relatif, mais qui demeure réel. Ce livre croise les visions du monde et montre que si Dieu est présent dans notre vision du monde, cela change tout. Ces leçons nous montrent que même dans les grands projets que l’auteur a pu faire, ce n’est finalement que de la vanité.
Une autre clé de lecture à considérer est la conclusion du livre:
L’Ecclésiaste s’est efforcé de trouver des paroles agréables; et ce qui a été écrit avec droiture, ce sont des paroles de vérité. Les paroles des sages sont comme des aiguillons; et, rassemblées en un recueil, elles sont comme des clous plantés, données par un seul maître. Du reste, mon fils, tire instruction de ces choses; on ne finirait pas, si l’on voulait faire un grand nombre de livres, et beaucoup d’étude est une fatigue pour le corps. Écoutons la fin du discours: Crains Dieu et observe ses commandements. C’est là ce que doit faire tout homme. Car Dieu amènera toute œuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal. (Ec 12.10-14)
Tout comme la dynamique de Memento Mori, il faut lire l’Ecclésiaste en prenant la fin comme point de départ.
David Gibson a écrit un livre qui étudie le livre de l’Ecclésiaste: Living life backward dont le sous-titre est Comment l’Ecclésiaste nous enseigne à vivre à la lumière de la fin. Le livre de l’Ecclésiaste a donc bien une vision eschatologique de la vie.
Quelques accents néotestamentaires de l’Ecclésiaste:
On retrouve la question de la vanité dans Rm 8.20: « En effet la création a été soumise à l’inconsistance. » Ce passage nous invite à vivre dans le présent et à supporter les souffrances du monde présent à la lumière de la délivrance à venir, qui est certaine et qui nous donne l’espérance de la libération.
La croix nous rachète de la vanité de ce monde. Les chrétiens peuvent faire l’expérience d’un sens profond précisément là où le Qohèleth se sentait le plus oppressé. Jésus a redonné un sens à la sagesse, au travail, à l’amour et à la vie. Après tout en affrontant la mort, Jésus a vaincu la plus grande peur du Qohèleth. Il a montré que pour les croyants, la mort n’est pas la fin de tout sens mais l’entrée dans la présence même de Dieu.
– Longman
La croix est toujours l’anti-vanité. En prenant la figure un peu salomonique du roi qu’était Qohèleth, on peut voir que même la sagesse donnée par Dieu n’est pas suffisante pour nous permettre de vivre selon ses standards et s’affranchir du péché. Pour cela nous avons besoin de son Fils, de la grâce, que Christ vienne mourir sur la croix et qu’il puisse manifester SA sagesse dans notre vie. Quand bien même on aurait toute la sagesse du monde, la sagesse d’un homme déchu ne peut pas comprendre le monde et ne permet pas de vivre dans le monde, car le péché nous en empêche. Même si Dieu nous fait don d’une immense sagesse, à l’image de Salomon, cette sagesse ne peut détruire le péché: il faut une implication de Dieu lui-même par le sacrifice et l’expiation.
Les réponses à nos questions n’enlèveront jamais l’absurdité de la vie sous le soleil. Connaître le vrai sens de la vie ne nous apportera pas le bonheur, à part si le sens de la vie est de vivre dans la crainte de Dieu avec l’œuvre de Christ au centre.
Quand on compare le roi que devait incarner Salomon au milieu de son peuple et la vie de Jésus, on voit que Jésus a vécu une vie aux antipodes de celle de l’Ecclésiaste, dans une simplicité pure. Il n’a pas multiplié les expériences pour trouver la sagesse et le sens de la vie. Contrairement à nous, il était sans péché, il a vécu une humanité sans tâche. Et sa conclusion est une reformulation de l’Ecclésiaste à savoir que sa nourriture est de faire la volonté du Père. En vivant pleinement le vrai sens de la vie, qui est de vivre selon la volonté du Père et à sa gloire, Jésus a été l’homme le plus heureux et le plus satisfait qui n’ait jamais marché sur terre.
Qu’est-ce que ça t’apporte dans ta façon de vivre?
Une première chose est que l’Ecclésiaste nous enlève nos illusions et nous apporte une vision réaliste. Un sujet qui revient souvent dans la vie chrétienne est la question de la frustration: constater qu’il y a certaines choses qui ne peuvent être réparées, redressées, mais qui doivent être vécues parfois dans les larmes mais aussi l’espérance que Dieu nous en délivrera. Mais sous le soleil, cette frustration est bien réelle. La vie est parfois belle, parfois moche et souvent frustrante. L’ecclésiaste enseigne qu’il est normal d’être frustré, de trouver le monde vanité parce que c’est un monde déchu.
Intégrer cette réalité que nous vivons dans un monde de frustration, c’est aussi un cadeau que Dieu nous fait, à savoir que l’on ne peut pas être pleinement satisfait ici-bas. Et notamment lorsque l’on voit les stars qui semblent avoir une vie de rêve et qui finissent par le suicide. Même les hommes qui ont vécu les plus grandes expériences connaissent les plus grandes failles.
Dieu nous fait un cadeau de ne pas trouver, dans ce monde actuel livré au péché, la pleine satisfaction. Cela pointe vers une perspective eschatologique en affirmant que nous ne pouvons être satisfaits par ces choses parce que ce ne sont pas ces choses qui peuvent nous combler. Seule la présence de Dieu, pleine et entière dans une vie délivrée de nos péchés et de ses conséquences, peut pleinement nous satisfaire. Notre satisfaction n’est pas dans l’absence du péché, mais dans la présence de Dieu. Ces 2 choses vont ensemble mais ce n’est pas parce qu’on est débarrassé du péché que l’on est heureux, mais parce que l’on est en présence de Dieu.
Merci à Victor Hui pour son travail de synthèse.