Nous sommes tous des immigrés

ProvidenceThéologie Biblique

J'ai récemment entendu l'affirmation suivante: “De nombreux personnages importants de la Bible étaient des immigrés.” Cette affirmation m'a semblé étrange. Je n'avais jamais entendu cette assertion et j'ai donc dû y réfléchir. Naturellement, le terme "immigré" m'a fait penser à mon propre héritage.

Réflexions de minuit

Ces pensées m'ont traversé l'esprit lors d'une récente crise d'insomnie. Après m'être tournée et retournée dans mon lit pendant une heure, je suis allée dans notre salon pour lire ma Bible et prier. Pour une raison que j'ignore, j'ai commencé à remercier Dieu pour ma mère et mon père. J'ai pensé à la façon dont ils avaient quitté leur Colombie natale pour s'installer dans le sud de la Californie. Ils sont partis de zéro dans un pays où ils n'avaient pas de famille directe et où ils parlaient à peine la langue. Leur courage m'a paru d'autant plus remarquable lorsque j'ai pensé au fait qu'ils n'avaient pas de diplôme universitaire ni de relations susceptibles de leur ouvrir des portes. Ils ont appris, se sont adaptés, ont travaillé dur et ont persévéré dans l'adversité. Plus de 50 ans après, ils constituent un exemple de réussite dans la réalisation du rêve américain.

« Je viens d'une longue lignée d’exilés »¹

En réfléchissant à la ténacité et à la force de mes parents, j'ai pensé aux personnages de la Bible qui ont vécu des réalités similaires dans leur contexte historique.

Plus j'y réfléchissais, plus je me rendais compte que beaucoup de nos précurseurs spirituels étaient en fait des immigrés, d'une manière ou d'une autre.

  • Certains étaient des réfugiés contraints de quitter leur demeure à cause de leur désobéissance: Adam et Ève expulsés du jardin, les habitants de la terre à l'époque de la tour de Babel, Moïse après avoir tué l'Égyptien et s'être enfui à Madian (où il nomme son premier-né Gershom, qui sonne comme le mot "immigrant"), et la nation d'Israël pendant l'exil à Babylone.
  • D'autres encore ont été déplacés sans que cela soit leur faute: Joseph en Égypte, Daniel, Shadrach, Meshack et Abednego à Babylone, ainsi que le prophète Ézéchiel, qui a aussi vécu l'exil.
  • D'autres encore ont choisi de quitter leur terre natale en quête de sécurité et de prospérité: Abraham, Isaac, et finalement Jacob et ses douze fils en Égypte, Naomi et Élimélek à Moab, Marie, Joseph et Jésus en Égypte.
  • Dieu a désigné un autre groupe pour quitter son sol natal afin d'accomplir ses desseins: Abraham à Ur, Noé lors du déluge, le reste né en exil retournant à la terre promise, et ceux qui ont été dispersés à cause de la persécution dans le livre des Actes.

Mais surtout, qui d'autre que le Fils de Dieu illustre cette réalité? Notre Sauveur a quitté son trône pour s'installer sur une terre étrangère. Il a renoncé à ses droits, à son confort et à sa gloire. Il est entré dans sa nouvelle patrie par le ventre d'une vierge. De plus, alors qu'il n'était encore qu'un enfant, notre Seigneur a cherché asile dans l'Égypte voisine, alors qu'un roi meurtrier déchaînait sa colère sur Bethléem. Jésus a grandi loin de sa demeure céleste et de son Père, avec lequel il communiquait à distance par la prière. Il a souffert du mal du pays, de la solitude et de l'isolement sans que cela ne soit de sa faute. Il a choisi de devenir l'un des nôtres et de vivre comme nous pour nous sauver.

L'immigration, un thème de la théologie biblique

Si nous retraçons ce thème tout au long de l'histoire de la rédemption, nous constaterons que les immigrés occupent une place particulière dans le cœur de Dieu. Lorsqu'il a appelé les fils de Jacob à sortir d'Égypte et qu'il en a fait une nation, il a codifié la manière dont son peuple élu devait traiter les immigrants. Presque immédiatement après avoir donné les dix commandements, l'Éternel émet le décret suivant:

Tu ne maltraiteras point l’étranger, et tu ne l’opprimeras point; car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte.

Exode 22.21

L'aimer comme soi-même

Le peuple de Dieu devait donc traiter les immigrés avec compassion, précisément parce que lorsqu'ils étaient immigrés en Égypte, ils portaient sur leur dos la lourde botte d'oppression de Pharaon. Ils ne devaient jamais oublier l'humiliation et la dégradation que leurs ancêtres avaient subies. De plus, au-delà de l'ordre négatif de ne pas opprimer (Ex 22.21), le Lévitique élargit cette injonction dans un sens positif:

Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez point. Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. Je suis l’Éternel, votre Dieu.

Lévitique 19.33-34

Avec les veuves et les orphelins, les étrangers, ou bien les immigrés, occupaient une place particulière dans le cœur de Dieu. L'Écriture regroupe souvent ces trois catégories, car elles représentent les plus vulnérables du peuple de Dieu, comme dans Deutéronome 10.18:

Il fait droit à l’orphelin et à la veuve, qui aime l’étranger et lui donne de la nourriture et des vêtements.

Et comment Dieu nourrit-il ces nécessiteux? Grâce à la générosité de son peuple! La Loi ordonne aux agriculteurs de laisser du grain dans leurs champs pour que l'immigré, la veuve et l'orphelin puissent le glaner (Dt 24.19-20) et maudit quiconque pervertit la justice à leur égard (Dt 27.19). Au-delà du Pentateuque, les Psaumes et les prophètes rappellent au peuple de Dieu cet élément essentiel de la fidélité à l'alliance et l'avertissent du jugement qui s'abattra sur la nation si elle opprime l'orphelin, la veuve et l'étranger.²

Les exilés sur cette terre

Si nous passons au Nouveau Testament, nous découvrons un développement plus poussé de ce thème. Hébreux 11.13 décrit les patriarches de la manière suivante:

C’est dans la foi qu’ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.

Hébreux 11.13

Hébreux 11 décrit une foule de saints tout au long de l'histoire de la rédemption en des termes similaires, concluant qu'ils sont tous morts en attendant ce qui leur avait été promis (Hb 11.39), à savoir leur pays éternel.

Ainsi, nous apprenons que même les fils et les filles d'Israël qui habitaient la terre promise attendaient toujours une meilleure patrie, ayant compris qu'ils étaient des pèlerins dans ce monde. Le Nouveau Testament s'appuie sur ce thème. Prenons les paroles de Pierre aux croyants dispersés dans tout l'empire:

Bien-aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme.

1 Pierre 2.11

Ou encore, pensez à la déclaration de Paul à l’Église de Philippes, la ville romaine qui accordait à ses habitants le titre prestigieux de citoyen romain:

Mais nous, nous sommes citoyens des cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ.

Philippiens 3.20

Enfin, dans Jean 17.16, parlant de ses disciples, Jésus dit:

Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.

Jean 17.16

Conclusion: La posture paisible plutôt que la politique

Suis-je partisane de l'ouverture totale des frontières, que ce soit aux États-Unis, au Canada ou en Europe? En aucun cas. Devrions-nous contrôler les personnes qui entrent dans nos pays? Absolument! Bien qu'il s'agisse d'une question politique qui divise profondément, mon souhait n'est pas d'enflammer, mais d'informer. Je laisse aux experts le soin d'élaborer des politiques. En tant qu'enseignante de la Bible, mon devoir est de mettre en lumière ce que les Écritures enseignent et d'inviter les croyants à vivre à la lumière des commandements de Christ. Je propose simplement une attitude d'amour à l'image de Christ envers “l’un de ces plus petits” (Mt 25.40). Ce monde n'est pas notre patrie. Nous en attendons une meilleure dans laquelle règneront la justice et la droiture. En attendant, vivons l'éthique du royaume en tant que ceux qui ont été jadis opprimés sous la botte de notre ennemi le diable. Nous sommes tous des immigrés.

<pid="note1" style="font-size: 0.80em;">1. Cette phrase est tirée d'une chanson de Caedmon's Call, qui fait allusion à ce thème tout au long de l'Écriture.
2. Ps 68.5; Ps 82.3-4; Ps 94.6; Ps 146.9; És 1.17; És 1.23; Jr 7.6; Éz 22.7; Za 7.10; Ml 3.5. Veuillez noter que certains de ces textes parlent des pauvres ou des opprimés et d'autres termes qui sont utilisés indifféremment pour désigner les immigrés.

Angie Velasquez Thornton

En équipe avec son mari Daniel, Angie a servi le Seigneur au Sénégal pendant 10 ans dans la formation des leaders. Installés à Montréal avec leurs 2 filles depuis août 2017, ils servent dans leur Église locale et dans l'AEBEQ. Angie est titulaire d'un MDiv de Moody Theological Seminary. Elle est coanimatrice du podcast Chrétienne avec Aurélie Bricaud, Responsable du ministère féminin de SOLA (TGC Québec), animatrice de sa chaîne YouTube d'enseignement textuel, blogueuse chez TGC Canada et auteure et éditrice du livre Elles ont vu la fidélité de Dieu aux Éditions Clé en partenariat avec TPSG.

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Orateurs

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