La théologie, vous trouvez ça "vieux et superflu"!?

Théologie Biblique

Ces dernières années, des millions de personnes ont regardé L’art du rangement (Tidying Up), une émission sur Netflix consacrée au rangement. L’art du rangement est devenu un véritable succès, et sa star japonaise, Marie Kondo, est devenue une influenceuse de premier plan. En plus de cette émission très populaire, elle a écrit un livre à succès, son cours en ligne est très prisé, et elle a des millions d'abonnés sur les réseaux sociaux. Mais qu'est-ce qui attire les foules?

Le secret de sa célébrité est sa méthode "KonMari", qui consiste à organiser son "chez-soi" et à se débarrasser de beaucoup choses. La recommandation qu'elle adresse à ceux qui laissent le désordre les submerger est simple: Il faut se débarrasser de tout ce qui n’est pas "source de joie".

Pour Kondo, il ne s'agit pas d'un conseil anodin. Au cours de son émission, elle encourage les participants à être intraitables et à ne garder que ce qui leur procure du bonheur. Même les habits que vous aimez, si vous ne les portez pas, vous devez les jeter. En ce qui concerne les livres, il ne faut conserver que le strict minimum. Vous avez des objets chargés de souvenirs? Gardez seulement ceux qui vous procurent une émotion durable. Tout ce qui “ne suscite pas de joie” doit disparaître.

On peut facilement deviner pourquoi un tel message séduit ceux qui sont désordonnés ou mal organisés. Des milliers de personnes ont trouvé le message de Kondo libérateur. Qui d'entre nous n'a pas besoin qu'on lui rappelle de temps en temps que les biens matériels ne se suffisent pas à eux-mêmes? À bas le désordre!

Il est à la fois étonnant et affligeant de constater que de nombreux chrétiens, surtout dans les pays occidentaux riches, considèrent la théologie ou la doctrine comme Marie Kondo considère le désordre. Il n'est pas rare d'entendre des membres de l'Église parler de la discipline théologique comme d’une vieille paire de chaussures usée, ou d'une pile de livres encombrants: "Ça ne sert à rien de parler de l'élection, de la justification ou de l'inerrance de l'Écriture. Bien sûr, ça peut intéresser les prédicateurs ou les spécialistes, mais pour tous les autres, ce n'est que source de conflits."

On retrouve cette attitude dans de nombreux domaines, comme les sermons qui consacrent deux minutes à parler d’un passage de l'Écriture et vingt à parler de finances, de mariage, ou d'estime de soi, ou encore dans les groupes d'études bibliques qui vont balayer rapidement les questions difficiles au sujet de l'Écriture, pour se concentrer uniquement sur la question posée aux participants: “Qu'est-ce que ce verset signifie pour toi?”

Il est quand même assez rare d’entendre, de la part d’un membre d'une Église, que le fait de parler de théologie ou de l'étudier soit une mauvaise chose (mais cela peut arriver!). En revanche, si beaucoup de chrétiens ne considèrent pas particulièrement la doctrine biblique comme mauvaise ou nuisible, ils pensent en revanche qu'elle est superflue. En effet, pour de nombreux évangéliques, la doctrine biblique –c’est-à-dire l'enseignement de l'Écriture dans sa globalité, au-delà du strict nécessaire pour le salut– encombre inutilement les esprits. Elle n'aurait rien de mauvais en soi, mais elle ne “suscite pas la joie”.

Alors, que faire alors de tout ce qui ne suscite pas la joie?

Les convictions à préserver

Pourtant, nous savons bien que ce en quoi nous croyons a de l'importance. Peut-être avons-nous tendance à sous-estimer la portée de la doctrine, mais combien de fois affichons-nous nos convictions en matière de politique ou d’actualité sur nos profils Facebook et Twitter? En effet, ceux qui s'opposent farouchement à l'idée que des chrétiens aient des convictions basées sur la Bible affichent leurs propres convictions politiques ou sociales avec toute la passion d'un théologien aguerri.

Ainsi, notre comportement dans d'autres domaines de la vie trahit l'importance de nos convictions et de celles des autres. La question n'est donc pas vraiment de savoir “si nos croyances ont de l'importance”, mais plutôt de savoir “lesquelles en ont”.

Doctrine ou pragmatisme

Il serait tentant de supposer qu'une conviction politique revêt plus d’importance qu'une conviction théologique. En effet, les implications de la politique dans notre société sont plus évidentes à saisir que celles de la théologie. Si quelqu'un se trompe sur un candidat politique ou à propos d'une loi, nous allons engager la discussion, car les enjeux nous semblent plus graves. Si le mauvais candidat est élu, il ou elle mettra en œuvre des décisions qui favoriseront l'injustice ou l'immoralité. Il est facile d'imaginer ce que des opinions politiques défavorables auraient comme conséquences sur nos communautés. C'est pour cela que nous nous exprimons, votons et prenons position.

En revanche, beaucoup de gens pensent que la doctrine biblique a peu d'impact sur la vie quotidienne. La théologie semble purement intellectuelle. Si la question de la divinité de Jésus peut sembler fondamentale, les thèmes de l'inerrance des Écritures, de la dépravation de l'homme ou de la justification par la foi seule, peuvent sembler vagues, théoriques, voire désuets. Croire que le livre de Job est divinement inspiré vous permet-il d'être plus compétent dans votre travail ou dans votre couple? Qu'est-ce que cela peut bien faire face à la pauvreté, la faim et la solitude si vous ne pensez pas que Jésus est le seul chemin vers le ciel? Ce monde n'a-t-il pas des problèmes plus urgents que d'essayer de "contrôler" les opinions des gens sur la sexualité ou le genre?

Dans la vie d'un chrétien et d'une Église, l'absence de doctrine est souvent remplacée par du pragmatisme. Il peut être difficile de voir la place de la doctrine dans notre vie quotidienne parce que nous la mesurons en termes d'efficacité, de facilité et de stress. Mais la Bible nous appelle à une vision beaucoup plus large: elle nous appelle à connaître la vérité. Ce que nous croyons est essentiel parce que nous avons été créés par un Dieu réel et trinitaire qui nous a révélé la vérité sur lui-même et sur nous-même. Ne pas connaître la vérité révélée par notre Créateur, c'est ne pas être pleinement humain.

C. S. Lewis l'a très bien compris. Dans son essai "Homme ou lapin", Lewis se demande si quelqu'un peut vivre une vie satisfaisante sans être chrétien. Au début de l'essai, Lewis admet que la question même est tendancieuse parce qu'elle implique que la connaissance de la vérité est distincte d'une vie "satisfaisante".

Ce qui distingue l'homme des autres animaux, c'est qu'il veut connaître les choses, il veut découvrir la réalité qui l’entoure pour le seul plaisir de comprendre. Si ce désir disparaît complètement chez quelqu'un, je pense qu'il a perdu son humanité. D'ailleurs, je ne crois pas qu'aucun d'entre vous ait vraiment perdu ce désir. En revanche, il est probable que des prédicateurs insensés vous aient dit combien le christianisme vous aiderait et combien il serait bon pour la société. Ils ont même été jusqu’à vous faire oublier que le christianisme n'est pas un médicament breveté. Le christianisme prétend rendre compte des faits, vous dire ce qu'est réellement l'univers. Son récit de la création peut être vrai ou faux. Mais une fois la question posée, votre curiosité vous pousse à vouloir connaître la réponse. Si le christianisme n'est pas vrai, aucun honnête homme ne voudra y croire, même s'il peut être utile; s'il est vrai, tout honnête homme voudra y croire, même s'il ne lui est d'aucune aide.1

Comprendre cela est fondamental. Ce que nous croyons au sujet de Dieu, de la Bible, du salut et de notre monde n'est pas déterminant pour nous rendre plus heureux ou plus performant, mais ça l’est à cause de Dieu. Il y a de bonnes et de mauvaises réponses aux plus grandes questions de l'univers parce qu'il y a un vrai Dieu souverain qui s'est révélé et a fait connaître ce qu’est la vérité. Nous devons savoir ce qu'il a dit.

Cela ne sous-entend pas que nous comprendrons parfaitement chaque doctrine, ni que chaque conversation théologique a la même valeur, ni qu'il n'y aura jamais de place pour des désaccords ou de zones d'ombre. Dieu est un orateur parfait, mais nous sommes des auditeurs imparfaits. Néanmoins, nous pouvons vraiment le connaître, lui et sa vérité révélée. Nous pouvons étudier sa parole et sa création et penser davantage comme lui. Nous existons en partie pour cela.

Nous pouvons voir la doctrine biblique comme un fatras à mettre de côté si elle n'est pas source de joie. Mais ce n'est pas vrai. La doctrine n'est pas le désordre qui rend la maison étouffante, c'est le mobilier qui fait d'une maison un vrai foyer: la table autour de laquelle nous partageons des repas avec nos proches, les sièges sur lesquels nous racontons et écoutons des histoires, le lit chaud dans lequel nous dormons en sécurité. Si nous voyons la doctrine comme un bazar, c'est uniquement parce que nous ne la connaissons pas assez bien.

En plongeant dans la doctrine biblique, les vérités qu'elle révèle deviennent précieuses et indispensables.


1. C. S. Lewis, "Man or Rabbit", dans God in the Dock: Essays on Theology and Ethics (Grand Rapids, MI: Eerdmans, 1970), 108.

Samuel D. James

Samuel D. James est rédacteur en chef adjoint pour la maison d'édition Crossway Books. Il écrit régulièrement pour les sites First Things, The Gospel Coalition, et tient son propre blog. Samuel et sa femme Emily vivent à Louisville, dans le Kentucky (USA), avec leurs deux enfants.

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