Sommes-nous toujours pécheurs? Attention à ne pas aller trop loin

Doctrine du péchéJustificationSanctification

Est-ce que le chrétien né de nouveau est toujours pécheur? Il est possible de mal répondre à cette question en allant plus loin que ce que la Bible enseigne.

Dans un précédent article, je dénonçais le danger d’avoir un discours trop négatif concernant notre péché en tant que chrétien. En Jésus, notre statut a changé. Nous sommes saints aux yeux de Dieu. Le péché n’est plus ce qui nous définit.

Cet article avait pour but de corriger une attitude trop négative dans la vie chrétienne. Une telle attitude nous prive de la joie de nous savoir acceptés et aimés par Dieu, et ne rend pas honneur à la justice que Dieu nous a accordée.

Je reconnais, cependant, le danger d’aller trop loin, en refusant d’admettre que le péché reste présent chez le chrétien. Cet article a pour but de corriger une telle erreur.

Le péché: à l’extérieur ou à l’intérieur?

Il est évident que le chrétien continue à pécher:

Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous.

1 Jean 1.8

Tout en affirmant ceci, il est facile de voir le péché comme de simples actes externes que nous commettons. Le péché est alors vu comme quelque chose qui se trouve à l’extérieur de nous-mêmes. Cependant, la Bible décrit le péché comme quelque chose qui se trouve à l’intérieur de nous, même en tant que chrétien né de nouveau.

Deux passages bibliques me semblent clés pour comprendre cela.

Galates 5.13-26

Dans ce passage, Paul explique que le chrétien vit réellement "par l’Esprit" (Ga 5.25). Sa chair, c’est-à-dire sa nature pécheresse, a réellement été crucifiée (Ga 5.24). Il y a un changement en Christ. Pourtant, le combat fait toujours rage. Voici comment Paul exhorte les Galates:

Je dis donc: Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez point les désirs de la chair. Car la chair a des désirs contraires à l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à la chair; ils sont opposés l’un à l’autre, afin que vous ne fassiez pas ce que vous voudriez.

Galates 5.16-17

Les désirs de la chair restent présents chez le chrétien né de nouveau. C’est ce qui amène justement Paul à encourager les Galates à rejeter ces désirs en marchant par l’Esprit. Si ces désirs n’étaient pas une réalité pour eux, l’exhortation ne serait pas nécessaire!

Nous enseignons donc que le péché est toujours présent dans les croyants jusqu’à ce qu’ils aient quitté ce corps mortel, car le désir qui est contraire au bien est toujours présent dans leur chair1.

Ce désir en nous, qui est contraire au bien, est péché. C’est également ce que montre Jacques 1.

Jacques 1.13-15

Dans ce passage, Jacques montre que les tentations que nous vivons ne viennent pas de Dieu, mais de l’intérieur de nous-mêmes.

Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise: C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal et ne tente lui-même personne. Mais chacun est tenté, parce que sa propre convoitise l’attire et le séduit. Puis la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché; et le péché, parvenu à son terme, engendre la mort.

Jacques 1.13-15

Il faut distinguer deux types de tentations: les tentations externes et les tentations internes. Les tentations externes, c’est ce que Jésus a vécu lorsqu’il a été tenté par Satan (Mt 4). La tentation ne venait pas de l’intérieur de lui-même, mais de l’extérieur. En revanche, les tentations internes sont ce que Jacques décrit ici: c’est une tentation qui vient de l’intérieur de nous-mêmes, de notre propre péché. C’est bien pour cela que cette tentation ne peut pas être attribuée à Dieu (v.13)!

Cette tentation a lieu chez le chrétien lorsque “sa propre convoitise l’attire et le séduit” (v.14). Il est crucial d’observer que la convoitise dont il est question n’est pas neutre. Le verset 15 révèle que lorsque cette convoitise arrive à son terme, elle enfante le péché. Est-ce que cela veut dire que la convoitise n’était pas péché avant?

Non, l’image que Jacques utilise exclut cette possibilité: l’image d’une femme qui enfante. Lorsqu’une femme porte un enfant dans son ventre, c’est bel et bien un être humain qu’elle porte. Et lorsqu’elle enfante, c’est bel et bien un être humain qu’elle enfante. Ce qu’elle enfante ne revêt pas une nouvelle nature, mais garde la nature préalable.

C’est la même chose concernant la convoitise et le péché. Le péché que Jacques mentionne est un péché "dans les actes". Mais la convoitise qui mène à ce péché "dans les actes" porte déjà bel et bien la nature de péché.

Si cette longue explication vous a perdue, retenez ceci: la convoitise qui se trouve en nous, même en tant que chrétiens, est un péché. C’est la présence du péché en nous2.

Le chrétien et le péché: quelle relation pour finir?

Comment mettre ensemble les vérités évoquées dans le précédent article avec celles mises en avant ici? Est-ce qu’affirmer la présence du péché chez le chrétien né de nouveau revient à abandonner la joie de se savoir accepté et aimé par Dieu? Est-ce que cela revient à ne pas rendre honneur à la justice que Christ nous a acquise?

À ce stade, le moyen que je trouve le plus utile pour tenir ces vérités ensemble est de distinguer entre punition, puissance, et présence3.

Nous sommes délivrés de la punition du péché. C’est ce que Romains 8.1 (et beaucoup d’autres passages) montre: il n’y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ! Il a subi la colère de Dieu à notre place.

Nous sommes délivrés de la puissance du péché. C’est ce que Romains 6 met en avant, et ce que j’essayais d’expliquer dans l’article cité plus haut: nous ne sommes plus esclaves du péché! Le péché n’est pas plus fort que nous. Oui, les désirs de la chair restent présents, mais nous avons les armes pour les mettre à mort, par l’Esprit.

Cependant, nous ne sommes pas encore délivrés de la présence du péché. Le péché reste présent en nous. C’est seulement dans la gloire à venir, lors du retour de Christ et de la glorification de nos corps que tout péché disparaîtra définitivement (Ph 3.21; Ap 21.27)4.

Cette tension est ce que Luther a mis en avant en déclarant que le chrétien est “à la fois juste et pécheur” (simul justus et peccator). Une telle affirmation est utile si l’on en comprend bien la signification. Nous ne sommes pas 50% justes et 50% pécheurs. Non, nous sommes réellement justes aux yeux de Dieu. Il nous voit couvert de la justice de Christ qui est parfaite. Cependant, tout en étant justes, nous sommes aussi à un autre niveau pécheurs, dans la mesure où le péché reste présent en nous. Ces affirmations peuvent être toutes les deux vraies en même temps, car elles concernent deux "sphères" différentes.

Et maintenant?

Cet article n’a pas pour but de nous faire sombrer dans le désespoir. Nous devons tenir d’une main la joie de notre justification, et de l’autre le réalisme nécessaire qui nous amène à soupirer après la gloire à venir, où le péché ne sera plus. Ce même réalisme nous amène à reconnaître notre péché devant Dieu. La confession est une pratique chrétienne, que ce soit de manière individuelle ou collective.

Cependant, gardons en tête que nous ne sommes pas appelés à vivre la vie chrétienne “dans le sac et la cendre”. Nous sommes plutôt appelés à la vivre dans la joie de nous savoir acceptés et aimés par Dieu. Il nous aime et se réjouit en nous, car nous sommes couverts de la justice de Christ.


Benjamin Eggen

Benjamin est marié à Jessica et pasteur-adjoint de l’Église Protestante Évangélique de Bruxelles-Woluwe. Il a fait ses études à l’Institut Biblique de Bruxelles, où il enseigne ponctuellement. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Soif de plus? et Qu’est-ce que tu crois?. Vous pouvez le suivre sur sa chaîne YouTube.

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