Dans une nuit remplie de visions obsédantes et de ténèbres, une nuit où les lèvres entre-ouvertes ne laissent échapper aucun son, une nuit où se lever ou s'asseoir ne soulage en rien. Dans une nuit aux yeux rougis et à la respiration haletante, une nuit où le dos ne peut plus se tenir droit, et où les mains sont trop lourdes pour essuyer les larmes. Une nuit où les heures ne signifient rien, où l'on oscille sans cesse entre sommeil et insomnie, où les pensées tourbillonnent comme des feuilles dans une tornade… Je ne peux vivre sans lui! Pourquoi, pourquoi maintenant? Mon Dieu, pas mon enfant!
– « C’est ainsi que Dieu te traite? »
C’est au cours de ces nuits-là que nous aspirons à nous retrouver seuls. Pourtant, une voix malveillante vient nous chuchoter à l’oreille. Elle aime nous surprendre dans les décombres de nos vies. Notre sang attire le requin.
– « Ne t’ai-je pas offert mieux que cela? »
Ses chuchotements emplis de doute déversent du sel sur nos plaies à vif. Il remet en question, mais le croyant se dresse face à lui. Satan dit:
– « Dieu doit être vraiment très en colère contre toi pour te blesser de la sorte. »
Je crains que cette nuit ne confirme ma plus grande peur: que mon Dieu m’ait finalement abandonné. Je frissonne à l’idée d’être abandonné en cette heure de si grande détresse.
– « Tu as bien raison d’avoir peur. »
Pourtant, je dois m’appuyer sur les paroles pleines de promesses de Dieu. Elles, elles sont « une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier », et non pas les aléas de ma vie. J’y ai lu que ses enfants devront affronter l’affliction et la persécution. La question que pose mon Sauveur, maintenant que j’y repense, est exactement à l’opposé de la tienne: « Pourquoi t’attendre à une vie facile sur le chemin de la gloire? »
Il m’a déjà parlé de ce chemin étroit et difficile. Il m’a dit clairement que je devrais porter une croix avant d’obtenir la couronne. « Vous aurez à souffrir dans le monde », a-t-il promis. Sa Parole me prépare bien au fait d’être poignardé au sein des ténèbres.
– « Mais pourquoi donc, après tout ce qui vient de t’arriver, crois-tu toujours être son enfant? »
J’ai lu les récits de ceux qui, au dernier jour, lui crient: « Seigneur, Seigneur » avec une certaine familiarité, et auxquels Dieu répond: « Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, vous qui commettez le mal! » (Mt 7.23). Je sais bien que certains, ici-bas, pensent lui appartenir à tort.
– « Tout juste! »
Eux, ce sont des hommes et des femmes malhonnêtes: ils revendiquent le nom du Seigneur, mais ignorent ses commandements. Ils ont bâti leur maison sur du sable et non sur le roc qu’est sa Parole. Par sa grâce, je l’aime. Je suis uni au Christ par la foi et je m’efforce de lui obéir, non pas parfaitement, mais tout le temps. Pour autant, mes souffrances ne prouvent pas que je fais partie de ces personnes malhonnêtes.
– « Dieu blesserait-il ses propres enfants? »
Pas tous. Du moins, pas de cette façon-là. Mais ses apôtres nous enseignent à ne pas nous laisser surprendre par les épreuves terribles. Ils m’invitent à me réjouir lorsque des douleurs inattendues frappent à ma porte ou que les souffrances me réveillent en pleine nuit. Elles forment le caractère, et le caractère produit l’espérance.
De plus, l’expérience douloureuse de la discipline, au lieu d’être le stigmate de l’orphelin, est le signe de l’adoption. Les hypocrites et les menteurs évitent leurs croix et leurs châtiments. Tel n’est pas le cas des fils et des filles. Je suis cohéritier du Christ, à condition de souffrir avec lui pour être glorifié avec lui.
Et puis malgré tout, même dans cette pièce sombre, je vois la lune briller à ma fenêtre…
– « Oui, et alors? »
Dieu n’a-t-il pas dit que si l’ordre fixé sur son univers: le soleil qui suit son cours avec joie, la lune qui répand son éclat, les étoiles qui veillent, telles des sentinelles, les mers dont les vagues dansent là où les hommes en sont incapables ; que seulement si tout cet ensemble se soulèverait avec succès contre son créateur, alors, et alors seulement, je pourrais avoir des raisons de commencer à m’inquiéter qu’il n’accomplisse vraiment son alliance avec moi (Jr 31.35-37)?
Je souffre, oui, mais je le fais à la lueur de cette veilleuse qui luit dans le ciel assombri. Elle me rappelle qu’il n’a cessé de m’aimer et ce n’est qu’un rappel parmi tant d’autres.
– « Mais si c’est ainsi que Dieu traite les siens, pourquoi lui rester loyal? »
J’admets que Dieu m’a porté un coup fatal. Je gémis: « C’est nu que je suis sorti du ventre de ma mère, et c’est nu que je repartirai. L’Éternel a donné, et l’Éternel a repris. » (Jb 1.21). Je sais maintenant ce qu’il en est d’être accablé au-delà de ses forces, au point de « désespérer même de rester en vie » (2Co 1.8). Lorsque le chemin devient difficile, je peux être tenté de faire demi-tour.
Mais j’ai déjà été tenté par le passé et Dieu m’a fortifié par sa grâce. Lorsque mes pieds ont commencé à trébucher, il m’a soutenu et il le fera encore. J’ai marché avec lui pendant trop de jours radieux pour douter de sa fidélité à mon égard aujourd’hui. Celui qui empêche les vagues rugissantes de submerger le rivage tiendra à distance les flots d’affliction qui, autrement, me submergeraient complètement (1Co 10.13).
– « Et la justice, alors? Est-ce vraiment honnête de sa part de te faire souffrir autant? »
Merci pour ce rappel. Je dois toujours me souvenir de la justice. Mes péchés (oh quelle horreur!) méritent plus de punitions que cette vie ne pourrait m’en octroyer. Mes péchés surpassent toujours mes souffrances. Je remercie Dieu, même dans cette sombre vallée, de ne pas me traiter selon mes iniquités. Bénédiction, paix, joie, c’est ce qui devrait surprendre tout descendant d’Adam.
Je suis rempli d’amour pour celui qui a porté tout le poids de mon angoisse, il est ma justice. Ce que je vis, sont de petits bobos insignifiants comparés au cri de désespoir: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » Construisez une Babel de tous les malheurs humains réunis, elle n’arrivera jamais à la hauteur de la croix; là où mon Seigneur a bu, à ma place, la coupe de la colère de Dieu.
Lui qui n’a pas épargné son propre Fils pour moi, comment pourrais-je mettre en doute sa bonté? Non, il me fait du bien dans ma souffrance. Tout doit maintenant concourir à mon bien.
– « Attends! Tu crois vraiment que Dieu te fait du bien en te faisant du mal? »
Parfois, je l’admets, je ne vois pas le bien qu’il suscite au sein de ma souffrance. Mais ce n’est pas à moi de le voir.
– « Trop facile! Tu ne préfères pas avoir une vie meilleure? »
Je réfléchis à la voie que je choisirais si j’étais livré à moi-même. Je prendrais le chemin de la facilité et du confort, celui sans nuages ni tempêtes. Mais, ce serait un chemin où il y aurait moins de consolations de la part de mon Père céleste. Son Esprit qui m’habite me réconforterait moins, je serais moins dépendant de ses saints, je communierais moins par la prière, et je serais moins conforme à mon Sauveur et Roi, Jésus-Christ. Je préférerais sans doute laisser mes péchés tranquilles. J’éviterais toute douleur. Je me protégerais des larmes, je bannirais toute faiblesse. Ma mortalité ne me sauterait pas aux yeux. Sa puissance parfaite ne reposerait pas sur moi. Je ne le connaîtrais pas comme le Dieu de tous les réconforts et je ne serais pas en mesure d’aider ceux qui sont dans l’affliction. Lentement mais sûrement, je ferais de ce monde mon foyer.
Ne devrais-je pas être reconnaissant qu’il châtie, flagelle et frappe tout le monde dans sa sagesse et son amour parfaits? Même si la douleur est désagréable sur le moment, ne produit-elle pas un bien ultime? Ne préfère-t-il pas laisser ceux qu’il déteste impunis, indisciplinés, sans surveillance? La voie large n’est-elle pas plus aisée?
– « Tu as beau dire, je sens comme un tremblement dans ta voix. »
C’est pareil pour toi. Maintenant je vois clairement ce qui est en jeu. Je vois mieux le coup de massue que cela doit être pour ses enfants de s’asseoir sur les décombres de leur vie et d’avoir encore assez de force pour proclamer: « Même s’il me pourfend, j’espère en lui. » Nous dévoilons tes promesses creuses lorsque nos âmes ensanglantées le préfèrent à tes rapiéçages et à tes plaisirs. Placés sur le théâtre de la souffrance, nous montrons aux cieux que tes enchantements ne sont que des contrefaçons de pacotille.
Mon âme s’accroche au Seigneur. Certes, la prise est faible, tout comme le bébé saisit le doigt de son père, mais sa main droite me soutient.
– « Alors, dois-je te laisser pourrir dans ces ruines? »
Oh, ce n’est pas mon sort final. Je te rappelle et à mon âme aussi, que je me rends dans un endroit où la malédiction est vaincue, où les torts sonnent faux et où les pleurs n’existent plus. C’est le grand calme après les tempêtes déchaînées, le grand triomphe après la bataille, la lumière resplendissante après les profondes ténèbres. Mon cœur tremblant et mes yeux bouffis anticipent cette joie qui s’élève plus haut parce que, justement, j’ai connu le chagrin.
Le plaisir sera plus vif parce que j’ai connu la douleur. La musique s’adoucira parce que j’ai gémi. Mes sourires seront d’autant plus épanouis qu’ils auront été baignés de larmes. Après ce monde d’illusions, ce royaume inébranlable sera plus ferme sous mes pieds. Le Roi m’étreindra de ses mains dont les cicatrices symbolisent ses souffrances terrassées. Tous prêcheront un sermon sans fin sur la gloire et le coût du péché pardonné.
Même si tu me tentes, ce chemin que tous les saints ont déjà parcouru mène au-delà de la douleur, au-delà des larmes aveuglantes, au-delà des vallées, bien au-delà des vents qui mordent et qui hurlent. Je suis plus que vainqueur par celui qui m’a aimé. Quand les jours auxquels nous ne prenons pas plaisir s’achèveront, il demeure vivant…
Je m’attendais à une réplique: le silence l’a remplacé…
Soumettez-vous donc à Dieu, mais résistez au diable et il fuira loin de vous.
Jc 4.7
Merci à Christine Davée pour la traduction de cet article. Traduit de l’anglais avec autorisation. www.desiringgod.org