La souffrance marque la vie de chaque être humain dans un monde déchu. La question est de savoir comment nous ferons face à ces épreuves. Les psaumes 42-43, psaumes jumeaux de lamentation, fournissent au croyant un script sur la manière de s'adresser à Dieu dans la nuit sombre de l'âme.
Pour ceux qui traversent les eaux de l’affliction, la puissante promesse des Écritures est la suivante:
Puisque Dieu nous accorde sa grâce lorsque nos âmes sont abattues, espérons en lui en attendant son salut.
La plupart des spécialistes estiment que les Psaumes 42 et 43 forment une unité littéraire, tout comme les Psaumes 1-2. La raison en est que, premièrement, de tous les psaumes du livre 2 du Psautier, le psaume 43 est le seul à ne pas avoir d’attribution à son auteur. Deuxièmement, le psaume 43 poursuit et complète l’histoire par le chant qui commence dans le psaume 42.
La répétition de phrases clés d’un psaume à l’autre donne du poids à cet argument. Par exemple, le verset qui commence par la ligne « Pourquoi t’abats-tu, mon âme… » apparaît dans les v. 6 et v. 12 du psaume 42, ainsi que dans le v. 5 du psaume 43. Et le dilemme de l’auteur concernant ses ennemis, « Pourquoi dois-je marcher dans la tristesse, sous l’oppression de l’ennemi? » apparaît dans le psaume 42.10 et à nouveau dans le psaume 43.2.
Le titre nous indique qu’il s’agit d’un chant des fils de Koré. Onze psaumes sont attribués aux fils de Koré. Ils descendent d’un cousin de Moïse nommé Koré et, avec le temps, ce clan devient les portiers et les gardiens du tabernacle (1 Ch 9.19-21; 1 Ch 2.1-55), ainsi que les grands chefs de file de la musique chorale et orchestrale dans le culte du temple. David a établi une organisation élaborée pour le chant, la musique instrumentale et la prophétie par l’intermédiaire de ces hommes.
En outre, quelques repères géographiques nous donnent une indication de la localité de l’auteur. Il écrit loin de sa terre natale. Et bien qu’il ait autrefois dirigé le peuple de Dieu dans le culte collectif, il se trouve maintenant dans une sorte d’exil près du mont Hermon, au nord d’Israël, près de la frontière avec la Syrie, dans la région des hauteurs du Golan. Il est loin de la présence de Dieu, centralisée dans le temple, le lieu où réside la gloire de Dieu. Il a hâte d’être de retour pour conduire son peuple dans l’adoration.
Le psalmiste ouvre sa complainte par une riche imagerie tirée de la faune du désert de Judée. Le cerf est une créature vulnérable qui dépend des cours d’eau pour sa survie. Lorsque la sécheresse frappe, cet animal sauvage et désespéré désire, languit, brame, court après les courants d’eau. Le psalmiste décrit ainsi son âme desséchée qui a été privée de la présence de Dieu. Son désespoir est si profond qu’il ne peut se résoudre à manger ou à dormir, mais pleure jour et nuit.
Comme si sa propre séparation de la présence de Dieu et du peuple de Dieu ne suffisait pas, le psalmiste doit supporter les railleries de ses ennemis, qui se moquent: « Où est ton Dieu? » Si Dieu est réel, pourquoi es-tu séparé de lui? Pourquoi persévérer dans ta foi en un Dieu qui semble t’avoir abandonné?
Leurs moqueries provoquent un retour en arrière, dans lequel l’âme du psalmiste est submergée par la tristesse, se souvenant des jours passés où il avançait avec une multitude de saints fidèles vers le temple, chantant en chemin des chants de louange dans l’attente de la sainte fête dont ils jouiraient une fois arrivés à Jérusalem. Nous pouvons imaginer les hommes, les femmes et les enfants chantant en chœur dans la joie, la douce communion qu’ils ont dû apprécier, riant, jouant, racontant des histoires autour du feu de camp la nuit, se rappelant la fidélité de Dieu envers leurs ancêtres. Cela a dû être impressionnant!
Au v. 6, nous voyons cette phrase centrale qui apparaît trois fois dans ces deux psaumes, formant une sorte de refrain. Pour certains, l’auteur peut sembler un peu fou. Après tout, il ne cesse de se parler à lui-même! Mais ce n’est pas du tout inhabituel dans le Psautier, puisque le psaume 103 s’ouvre sur le célèbre verset:
Bénis l’Éternel, mon âme, et tout ce qui est en moi, bénis son saint nom.
Ainsi, parfois, se parler à soi-même est le moyen le plus sage d’agir! Le malin nous chuchote tout le temps. Le système maléfique de ce monde cherche à nous faire entrer dans son moule. Lorsque nous sentons les épreuves de la vie et les railleries de nos ennemis nous conduire au désespoir, parler à notre âme peut être exactement ce dont nous avons besoin!
Au v. 7, l’auteur reconnaît une fois de plus qu’il est déprimé. Mais il ne baisse pas les bras en signe de défaite. Non, il persévère. Il s’engage à louer pendant son séjour dans ce pays lointain.
Dans le verset suivant, ce fils de Koré voit des ruisseaux profonds et des chutes d’eau en cascade, qui semblent s’abattre directement sur lui, le submerger, l’emporter dans leur courant. Quel contraste entre ces eaux sauvages et les courants d’eau tranquilles et rafraîchissants auxquels il aspire au v. 2!
Ce qui me frappe, c’est que malgré la lourdeur de sa détresse émotionnelle, il perdure dans la louange. Il réussit à voir au-delà du brouillard aveuglant de ces circonstances, jusqu’à la vérité immuable que l’Éternel est avec lui, le couvrant de son amour d’alliance, même dans les heures sombres de la nuit où, si souvent, notre obscurité spirituelle reflète le monde qui nous entoure. Il nous donne un chant, une prière, qui servent de rayon de lumière brisant les ombres qui nous entourent. N’est-ce pas glorieux?
Écoutez les paroles de Martin Lloyd-Jones à ce sujet:
Avez-vous réalisé que la plupart de vos malheurs dans la vie sont dus au fait que vous vous écoutez au lieu de vous parler? Prenez les pensées qui vous viennent au moment où vous vous réveillez le matin. Vous n’en êtes pas à l’origine mais elles vous parlent, elles vous rappellent les problèmes de la veille, etc. Quelqu’un parle. Qui vous parle? C’est votre propre chair qui vous parle. Le raisonnement de cet homme (dans le psaume 42) est le suivant: au lieu de laisser ce soi lui parler, il commence à se parler à lui-même. « Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme? » demande-t-il. Son âme l’avait déprimé, l’avait écrasé. Alors il se lève et dit: « Âme, écoute un instant, je vais te parler. »
Le psalmiste vient de déclarer au v. 9 que Dieu lui a donné un chant et une prière. Mais ensuite, au v. 10, nous lisons le contenu de cette prière: « Pourquoi m’oublies-tu? Pourquoi dois-je marcher dans la tristesse, sous l’oppression de l’ennemi? » Attendez une minute. Quoi? A-t-il le droit de parler à Dieu comme ça? Apparemment oui!
Mais remarquez les premiers mots de cette prière: « Je dis à Dieu, mon rocher. » Il est honnête, mais il reste révérencieux. La foi persiste malgré sa misère. Et pourquoi est-il si désemparé? Parce que, en termes imagés, ses ennemis lui brisent les os! Les « os » désignent toute la structure physique d’une personne, la personne elle-même. Dire que ses os sont à l’agonie, c’est dire avec force que son corps est en proie à la douleur.
Il se sent déjà malheureux. Il est déjà déprimé parce qu’il se trouve dans un pays lointain, éloigné de son peuple et de sa vocation ministérielle. Mais en plus de cela, il est obligé de supporter les moqueries de personnes cruelles dont les paroles résonnent dans son propre esprit.
Mais une fois de plus, il répète ce refrain que nous avons vu aux v. 6, ce refrain qui dit à son âme de rejeter ces accusations blasphématoires, d’espérer en Dieu, et de rendre grâce à Dieu en attendant sa délivrance. Car il a la certitude qu’elle s’en vient. Et nous pouvons l’avoir aussi.
Et pendant que nous attendons, nous pouvons trouver du réconfort dans la prière de ce saint d’autrefois. Il a eu l’audace d’exprimer ce qu’il pensait et ressentait vraiment. Avez-vous déjà ressenti le besoin d’aseptiser vos prières pour les rendre pieuses? Les aspergez-vous d’un peu de gel antibactérien, comme nous le faisons pour nos mains lorsque nous allons à l’Église? Vous demandez-vous si vous pouvez vraiment dire au Seigneur la vérité de ce que vous ressentez sans qu’il vous frappe dans son courroux?
Ceci n’est pas le caractère de notre Dieu. Il accueille nos prières respectueuses mais honnêtes. Et il sait déjà ce qu’il y a dans nos cœurs, alors il ne sert à rien d’appliquer du rouge à lèvres et du mascara sur un visage intérieur abattu en pensant que nous pouvons le tromper.
Jusqu’à présent, l’auteur s’est adressé à Dieu à l’indicatif, c’est-à-dire qu’il a décrit sa situation. Au v. 1, il passe à l’impératif et adresse trois demandes à Dieu: « Rends-moi justice! » « Défends-moi! » « Délivre-moi! » Il y a une urgence dans son ton. Il en a assez de ses ennemis et il demande à Dieu d’agir contre eux. Ils sont infidèles, des hommes de fraude et d’iniquité!
Sa confiance dans le fait que Dieu peut et veut agir vient du fait qu’il est son refuge, son abri, sa forteresse, son bastion dans la montagne. Ses ennemis peuvent s’abattre sur lui comme d’énormes rochers lors d’un éboulement. Mais il est en sécurité sous la protection de Dieu.
Après avoir déclaré sa confiance en Dieu, il interroge Dieu à nouveau, comme il l’a fait au v. 10. Mais cette fois, il déclare que Dieu ne l’ignore pas simplement. Il dit qu’il l’a rejeté! Mais, Dieu l’a-t-il vraiment rejeté? Nous a-t-il rejeté? Nous savons qu’il ne l’a pas fait, mais il est facile pour nous de le supposer lorsque nos prières restent sans réponse.
La réponse qu’il attend se trouve dans l’impératif suivant au v. 3: « Envoie ta lumière et ta fidélité. » Qu’ils me servent d’équipe de recherche et de sauvetage dans ce lieu d’exil. Et qu’ils me précèdent comme deux phares dans la nuit dans mon voyage de retour vers Jérusalem, vers ta montagne sainte, vers le lieu où je jouirai à nouveau de la gloire de ta présence.
Beaucoup d’entre nous ont vécu des moments de ténèbres aussi épaisses, où les ennemis semblaient nous entourer, où notre seule aide était la lumière et la vérité de Dieu. C’est certainement le cas du psalmiste, et de nombreux saints à travers l’histoire. L’invitation que nous adresse ce psaume dans ces versets est simple: criez à Dieu! Il nous donne la permission d’utiliser un langage fort: Rends-moi justice! Défends-moi! Délivre-moi! Envoie ta lumière et ta vérité! Ce n’est pas du plagiat que de copier et coller ces mots dans notre propre script dans les moments de besoin désespéré.
Mais qu’en est-il de ce va-et-vient du psalmiste entre croyance et questionnement? Est-il hypocrite de maintenir en tension la foi et le doute? Un croyant peut-il lutter avec Dieu ou le remettre en question? Le psalmiste affirme avec confiance que Dieu est son seul refuge une minute, puis l’accuse de le rejeter la minute suivante! Qu’est-ce qui ne va pas chez cet homme? Absolument rien! Il est sûr de Dieu, mais il a été malmené par la vie. Et la réalité est que vivre dans la lumière de Dieu et chérir sa vérité est le vrai chemin à travers les difficultés de la vie vers une fin bénie.
Dans ces derniers mots, le psalmiste déclare par la foi ce qui n’est pas encore. Il conclut par l’espoir au milieu de ses lamentations. La foi triomphe. Les ténèbres font place à la lumière, car la lumière du soleil de la présence de Dieu perce les nuages de ténèbres qui s’étaient installés sur son âme auparavant. Sa foi est si grande qu’il a une joie préventive! Avant même que sa délivrance n’arrive, il s’extasie déjà de joie en Dieu, dont il répète le nom quatre fois dans un seul verset. Son affection et son plaisir pour Dieu sont si grands qu’il ne peut s’empêcher de prononcer son nom! Comme un amoureux qui nomme sa bien-aimée encore et encore en lui déclarant son amour.
Avec une telle espérance, la répétition finale du refrain « Pourquoi t’abats-tu, mon âme? » a un ton positif. Il n’y a aucune raison pour que son âme soit désespérée. Le secours arrive!
Dans ces psaumes jumeaux, il semble y avoir une progression dans l’action qui est parallèle à celle de Christ pendant la semaine de la passion. Au Psaume 42.5, la procession jubilatoire vers le temple de Dieu, entourée d’une foule d’adorateurs, évoque l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem le dimanche des Rameaux, alors que les pèlerins de la Pâque accueillent leur roi.
Puis, dans le refrain répété « Pourquoi t’abats-tu, mon âme? » nous entendons des échos des paroles de Jésus la veille de sa crucifixion, alors que sa propre âme est angoissée à l’idée d’être séparée du Père tout en portant les péchés du monde.
De nouveau, au Psaume 42.11, j’entends un troisième écho de la semaine de la passion dans les paroles des moqueurs: « Où est ton Dieu? » Ces mots ressemblent aux insultes lancées à notre Sauveur alors qu’il est suspendu entre le ciel et la terre à notre place.
Enfin, le Psaume 43.4 évoque la joie exaltante que Christ goûte lorsqu’il triomphe du tombeau et monte à la droite du Père (Hé 12.2).
Puisque Dieu nous accorde sa grâce lorsque nous âmes sont abattues, espérons en lui en attendant son Salut.
webinaire
Si Dieu est bon, pourquoi autant de mal?
Découvre le replay de ce webinaire de Guillaume Bignon, enregistré le 11 décembre 2018, qui traite de la souveraineté et la bienveillance de Dieu.
Orateurs
G. Bignon