Comment la souveraineté de Dieu opère-t-elle en lien avec la responsabilité de l’homme? C’est le sujet d’un grand débat parmi les chrétiens. Une solution parfois proposée est de reconnaître le calvinisme et l’arminianisme comme ayant chacun une part de vérité, à mixer ensemble.
J’ai parfois entendu dire qu’il nous faudrait prier comme un calviniste, mais évangéliser comme un arminien1. L’idée derrière cette affirmation est que les calvinistes reconnaissent la souveraineté de Dieu sur toutes choses, et c’est ainsi qu’il faut prier: en priant, nous reconnaissons que seul Dieu peut agir, que lui seul peut sauver. En revanche, les arminiens comprennent la responsabilité que chaque être humain a de répondre à l’Évangile, par la repentance et la foi, et c’est ainsi qu’il faut annoncer l’Évangile.
Une telle distinction me semble faire preuve d’un manque de compréhension du calvinisme et de l’arminianisme. C’est une solution qui paraît "simple", mais qui évite en réalité de faire face aux différences qui existent entre ces deux systèmes de pensée.
Cette solution paraît attrayante, car le calvinisme est parfois accusé d’entraîner une certaine passivité en ce qui concerne l’activité humaine: à quoi bon évangéliser, si Dieu a déjà décidé qui serait sauvé? C’est ainsi que certains encouragent les calvinistes à "évangéliser comme des arminiens". Dans cet article, j’aimerais expliquer pourquoi cela fait preuve d’une grande mécompréhension à l’égard du calvinisme.
Le calvinisme bien compris n’implique pas la passivité dans l’annonce de l’Évangile. L’histoire des mouvements missionnaires en est la preuve: de nombreux missionnaires ont consacré leur vie à l’annonce de l’Évangile, tout en ayant des convictions fortes en ce qui concerne la souveraineté de Dieu dans le salut2. Si cela est le cas, c’est parce qu’une juste compréhension de la souveraineté divine n’annule pas la responsabilité de l’homme à annoncer l’Évangile.
Plusieurs points pourraient être détaillés à ce sujet3. Cet article vise à se concentrer uniquement sur l’un de ces points: la souveraineté de Dieu bien comprise n’entraîne pas la passivité, parce que nous ne connaissons pas le plan secret de Dieu.
Croire que Dieu est souverain sur toutes choses, et qu’il a tout décrété d’avance (cf. Ép 1.9-12), ne veut pas dire que nous avons connaissance de ce que Dieu a décrété. Pour le dire autrement, Dieu est au contrôle de l’avenir, mais nous ne connaissons pas l’avenir.
Nous savons par exemple que Dieu s’est choisi un peuple dès avant la fondation du monde (Ép 1.4; 2Tm 1.9; Ac 13.48; Ac 18.10). Mais nous ne savons pas de qui ce peuple sera composé. Puisque nous ne savons pas qui sont les élus de Dieu, nous annonçons l’Évangile librement à tous, appelant hommes et femmes à se repentir et à se tourner vers Christ.
Nous voyons cela dans Actes 18.10, lorsque Dieu révèle à Paul qu’il a un "peuple nombreux dans cette ville", en faisant référence à Corinthe. Dieu révèle à Paul qu’il veut sauver des hommes et des femmes dans cette ville, mais Dieu ne donne pas une liste de noms à Paul! Que fait donc Paul? Il annonce l’Évangile à tous, sans discrimination.
Ailleurs, dans 2 Timothée 2.25, Paul dit qu’un serviteur du Seigneur est appelé à corriger les contradicteurs, “au cas où Dieu leur donnerait” la repentance. La formulation de Paul (ici dans la version NBS) montre que ce n’est pas une certitude: nous ignorons ce que Dieu a décidé d’avance. Cependant, de notre point de vue, cela peut être considéré comme une possibilité.
Ces exemples montrent bien que le fait de déclarer la souveraineté de Dieu sur toutes choses (dans le sens où Dieu décrète tout ce qui va arriver) n’implique pas que nous agissions avec passivité. Nous ne connaissons pas les plans secrets de Dieu. Nous devons donc agir selon ce que nous connaissons.
Jean Calvin, le réformateur français dont le nom se trouve derrière le "calvinisme", était bien conscient de cela. Il nous encourage à vivre dans l’ignorance des décrets divins. Nous savons que Dieu est au contrôle de l’avenir, mais nous n’en connaissons pas son aboutissement. Paul Helm résume la pensée de Calvin en disant:
Tout en gardant à l'esprit que toutes choses sont décrétées par Dieu, nous devrions faire face à l'avenir comme si Dieu ne l'avait pas décrété4.
Dans son Institution, Calvin écrit:
Comme notre esprit est lent et parfaitement incapable de comprendre la profondeur de la providence de Dieu, il convient de faire une distinction. Bien que toutes choses soient conduites par le conseil de Dieu, elles nous donnent cependant l’impression d’être dues au hasard. Il en est ainsi, non pas que nous croyions que le hasard ait prise sur les hommes et intervienne arbitrairement en tout sens (idée absurde qui doit rester loin d’un cœur chrétien), mais parce que les choses qui arrivent, leur ordre, leur raison, leur but et leur nécessité sont, le plus souvent, cachés dans le conseil de Dieu et échappent ainsi à la compréhension humaine5.
Nous devons reconnaître que ce n’est pas notre rôle de présupposer l’avenir que nous ne connaissons pas. Tout est conduit par le conseil de Dieu, mais nous ne connaissons pas l’ordre des choses, leur raison, leur but et leur nécessité, pour reprendre le langage de Calvin. Nous faisons donc face à l’avenir avec ignorance.
C’est à cela que ressemble une juste compréhension de la souveraineté de Dieu, ou du calvinisme: nous proclamons la souveraineté totale de Dieu sur toutes choses, sans que cela annule notre propre responsabilité à agir.
Cette compréhension nous amènera à faire usage de tous les moyens dont Dieu se sert pour accomplir son plan secret. Si nous prions comme des calvinistes, nous évangélisons également comme des calvinistes: ne sachant pas quels sont les plans secrets de Dieu, appelant les uns et les autres à se tourner vers Christ. En faisant cela, nous savons que cet appel résonnera dans le cœur de ceux que Dieu s’est choisis d’avance, pour révéler la gloire de sa grâce.
webinaire
Si Dieu est bon, pourquoi autant de mal?
Découvre le replay de ce webinaire de Guillaume Bignon, enregistré le 11 décembre 2018, qui traite de la souveraineté et la bienveillance de Dieu.
Orateurs
G. Bignon