Nous continuons avec notre série pour apprendre à bien prêcher chaque livre de la Bible. J’ai eu la joie de pouvoir interviewer le pasteur Olivier Favre, pour lui demander comment bien prêcher 2 Corinthiens. Voici notre entretien sur cette belle épître si encourageante pour les personnes dans le ministère.
Je m’appelle Olivier Favre et je suis marié à Denise depuis plus de 36 ans. Dans sa grâce le Seigneur nous a « prêté » trois garçons qui maintenant sont mariés à des épouses chrétiennes et servent le Seigneur dans leurs Églises locales… et huit petits-enfants.
Après une formation d’ébéniste que j’ai exercée quelques années, j’ai entrepris dans les années 80 des études de théologie à l’Institut Biblique Européen de Lamorlaye, puis, cinq ans plus tard, une maîtrise en théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence (anciennement Faculté Libre de Théologie Réformée).
À partir de 1991, j’ai exercé un ministère pastoral dans diverses Églises réformées baptistes de Suisse. Tout d’abord 14 ans à Lausanne, puis 10 ans dans l’implantation de deux églises à Neuchâtel et Payerne. Depuis 2015, je suis pasteur de l’église La Maison de l’Évangile dans la banlieue de Mulhouse.
J’ai prêché 2 Corinthiens à deux reprises, mais presque au même moment, car à l’époque j’étais « implanteur » de deux Églises locales différentes en même temps et j’essayais de « rentabiliser » mon temps en prêchant les mêmes séries dans les deux Églises locales.
J’ai fait le choix de prêcher cette épître car je venais de terminer 1 Corinthiens et il me semblait que le contexte de la 1re épître était nécessaire à la compréhension de la seconde, qui est plus personnelle, mais dont plusieurs des sujets trouvent leur racine dans les problèmes de l’Église de Corinthe mentionnés dans la 1re épître.
Cette lettre de Paul est très personnelle et à mon avis, c’est celle qui nous permet le mieux de cerner les préoccupations et les souffrances du ministère apostolique auxquelles Paul a dû faire face en général, et en particulier dans ses rapports avec l’Église de Corinthe qu’il avait implantée.
C’est une lettre particulièrement triste car Paul y parle des nombreuses difficultés qu’il rencontre dans ses rapports avec cette Église; mais paradoxalement, il me semble que le grand thème qui permet de réunir cette épître est celui de la consolation (2 Co 1.3-7; 2 Co 7.4-13). Une consolation que l’apôtre trouve en Dieu et dans le ministère de la Nouvelle Alliance auquel il a été appelé par Dieu.
Dans ce sens, il me semble que par cette épître Paul nous fait une démonstration concrète, à partir de sa vie, de ce qu’il explique dans son introduction (2 Co 1.3-7). Malgré les épreuves et les attaques nombreuses, Paul « ne perd pas courage » (2 Co 4.1, 2 Co 4.16, 2 Co 5.6) car sa consolation se trouve en Dieu qui l’a appelé, qui le tient et qui lui a confié ce ministère à exercer, quoi qu’il en coûte.
Il me semble qu’un des défis dans la prédication textuelle est de garder un équilibre entre « longueur » et « profondeur ». Il faut éviter d’aller trop vite à cause du danger de la superficialité, et éviter d’aller trop lentement à cause des dangers de la lassitude chez les auditeurs et de la perte de vue de l’ensemble du message du livre. (À l’époque, il était lu comme une lettre, en une seule fois lors du rassemblement de l’Église.) C’est pourquoi j’ai prêché 2 Corinthiens en 23 prédications. Ce qui représente en moyenne un peu plus d’un demi-chapitre par prédication et qui permet de « faire le tour » de cette lettre en moins d’une année.
Il me semble que le livre peut être divisé en trois grandes sections:
• Chapitres 1 à 7: Paul et le ministère de la Nouvelle Alliance. (13 prédications)
• Chapitres 8 et 9: Paul et la générosité au sein du peuple de la Nouvelle Alliance. (3 prédications)
• Chapitres 10 à 13: Paul et la défense de son apostolat contre les attaques des « super-apôtres ». (7 prédications)
C’est la centralité de Dieu dans l’appel de Paul. Car c’est cette réalité qui l’a amené à persévérer dans le ministère malgré le prix élevé à payer à Corinthe.
C’est aussi cette même centralité de Dieu qui permet d’expliquer l’immensité de la grâce et de la patience de Paul envers cette Église qui lui en faisait voir de toutes les couleurs. C’est aussi à cause de son appel par Dieu dont il est absolument certain que Paul use de fermeté, voire même d’audace dans ses propos envers les « faux apôtres » qui égarent les fidèles de cette Église.
Dans cette épître, j’ai ressenti tout l’amour du pasteur, délégué par Dieu, pour prendre soin du troupeau de Dieu au prix de grands sacrifices.
La prédication de cette épître a eu plusieurs effets bénéfiques sur l’assemblée:
Les plus grandes difficultés que j’ai rencontrées se trouvaient au niveau de l’application de certaines parties de cette lettre à mon auditoire. En particulier les parties dans lesquelles Paul défend son apostolat ou attaque les « supers apôtres », car j’éprouvais un grand décalage entre les situations décrites par ces textes et ma situation personnelle dans les Églises auxquelles je prêchais ces textes.
Afin de ne pas faire d’applications trop directes qui auraient pu paraître rudes et inadéquates à mon contexte, j’ai dû sans cesse me rappeler trois vérités:
Une fois ces trois vérités bien en place, le défi que j’ai rencontré était de savoir comment faire pour ne pas prêcher ce texte de façon tellement détachée que mes auditeurs ne se sentent pas concernés (Voilà quel était le problème de Corinthe qui ne vous concerne pas…) sans pour autant faire des applications tirées par les cheveux. Et je ne prétends pas y être parvenu! C’est pourquoi j’encouragerais toute personne qui prêcherait 2 Corinthiens à prendre du temps pour réfléchir avec soin à la « contextualisation » des applications pour son Église locale.
Je pense que si je devais reprêcher cette lettre, j’essaierais de mettre encore davantage l’accent sur l’importance de cette conviction de Paul de l’enracinement divin de son ministère. Car il me semble que c’est cette conviction qui est à l’origine de l’ensemble de son comportement et de ses propos à l’égard des Corinthiens.
Personnellement je ne pense pas que j’y arriverais, mais peut-être qu’une personne qui a un meilleur esprit de synthèse que moi pourrait synthétiser les parties plus « personnelles » de l’épître pour s’arrêter davantage sur les parties plus « universelles ». Par exemple:
Personnellement j’utilise la Bible Segond dite « à la Colombe » comme Bible d’étude et je me sers beaucoup de la New Geneva Study Bible pour les notes.
J’utilise aussi énormément un ouvrage en anglais qui permet de trouver des textes parallèles intéressants : The New Treasury of Scripture Knowledge, édité par Jerome H. Smith chez Thomas Nelson.
Pour ces prédications, je me suis servi principalement de deux commentaires en français: Peter Jones, 2 Corinthiens, aux éditions Édifac et John Macarthur, 2 Corinthiens, aux éditions Impact. Ainsi que d’un commentaire en anglais, Derek Prime, 2 Corinthians, Collection Let’s study, Banner of Truth.
Personnellement je ne m’engagerais pas à prêcher 2 Corinthiens de manière suivie au début d’un ministère, ni lorsque je viens d’arriver dans un nouveau poste pastoral car il me semble presque indispensable de prêcher 1 Corinthiens avant de prêcher 2 Corinthiens. Et comme 1 Corinthiens est une épître qui traite de nombreux problèmes qu’on peut rencontrer dans une église locale, il est sans doute plus sage d’attendre d’avoir une meilleure connaissance des problèmes spécifiques de l’église locale dans laquelle on sert avant de prêcher cette épître afin de pouvoir l’appliquer avec plus de sagesse.
D’autre part, je pense que certaines parties de cette épître sont assez difficiles à prêcher de manière équilibrée et qu’il n’est pas toujours évident de dégager « les fondements de l’Évangile », c’est pourquoi j’encouragerais un jeune prédicateur à commencer par une épître plus facile, ou alors à sélectionner une partie de l’épître, comme par exemple toute la section sur le ministère de la Nouvelle Alliance ou alors la partie sur la générosité.
Cela dit, je ne voudrais décourager personne à prêcher cette épître car, derrière le travail dur, il y a des riches trésors pour l’âme du serviteur de Dieu qui sait s’émerveiller de la puissance transformatrice de la grâce de Dieu qui a fait d’un persécuteur de l’Église un fidèle combattant pour la vérité de l’Évangile de Jésus-Christ.
Merci Olivier de m’avoir accordé cet entretien et merci pour cette aide précieuse pour les prédicateurs qui vont se pencher sur 2 Corinthiens.
webinaire
Comment prêcher Christ à partir de l’Ancien Testament?
Ce replay du webinaire Dominique Angers a été enregistré le 20 novembre 2019.
Orateurs
D. Angers