Pourquoi Jésus semble-t-il insulter une femme en la traitant de petit chien? (Marc 7.24-30)

Textes difficilesVie et le ministère de ChristHistoire du Salut

Connaissez-vous le récit? Une femme syro-phénicienne vient à Jésus pour chercher la délivrance de sa fille, atteinte d’un esprit impur. La réponse de Jésus est troublante à la première lecture:

Laisse d’abord les enfants se rassasier; car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens.

Marc 7.27

Une explication cohérente avec le caractère de Jésus

Si vous êtes comme moi, vous vous êtes posé la question: « Pourquoi Jésus semble-t-il insulter cette femme ainsi? » Connaissant le caractère de notre Seigneur, plutôt que de tirer des conclusions hâtives, nous devons creuser plus profondément pour comprendre la signification de ce passage déconcertant.

La clé interprétative se trouve au début du chapitre 7. Jésus est interpellé par des pharisiens parce que ses disciples mangent sans se laver les mains. Jésus répond en mettant en lumière leur hypocrisie, car ils élèvent leurs traditions au-dessus des commandements de Dieu.

Le contexte culturel: la pureté intérieure

Ensuite, Jésus explique à ses disciples: « Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille (v.15). Rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller (v.18). Ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille l’homme (v.20). » Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs.

Jésus déclare quelque chose de radical pour ses premiers auditeurs: la source de la souillure de l’être humain se trouve au-dedans de lui, et non à l’extérieur; dans sa nature déchue et non dans sa façon de se laver les mains, ou dans ses origines. Puis Marc, qui organise son Évangile de façon thématique (et non chronologique), souligne ce point afin de nous montrer comment Jésus appuyait ses paroles par des actions concrètes en lien avec sa mission.

Le ministère de Jésus parmi les païens

Nous voyons ceci dans trois exemples du ministère de Jésus parmi des païens: la délivrance de la fille de la femme syro-phénicienne (Mc 7.24-30), la guérison d’un sourd-muet (Mc 7.31-37), et la multiplication des pains et des poissons pour les 4 000 (Mc 8.1-9) – tous des païens, considérés comme impurs et souillés par les juifs.

Le livre des Actes et l’œuvre de l’Esprit parmi les païens

Dans un passage parallèle, en Actes 10, Corneille, un centenier craignant Dieu, a une vision dans laquelle un ange lui dit de faire venir Pierre. Ensuite, Pierre a la vision d’une grande nappe qui descend du ciel, où se trouve un assortiment d’animaux impurs. Quand Dieu lui dit d’en manger, Pierre refuse:

Car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. Et pour la seconde fois la voix se fit encore entendre à lui: Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé.

Actes 10.15

Encore une fois, nous lisons le mot souillé ou impur. Ce texte a le même but que Marc 7: montrer aux destinataires que personne n’est souillé à cause de ce qui vient de l’extérieur, y compris ses origines ethniques. Ce que Jésus dit implicitement en Marc 7, il le déclare explicitement en Actes 10.15: « Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé. »

Donc, revenons à la femme syro-phénicienne: si le but de Jésus n’est pas de se débarrasser d’elle, pourquoi lui parle-t-il ainsi? Je suggère qu’il y a en réalité deux raisons.

1. La raison théologique pour la réponse de Jésus

La première est théologique. Jésus explique qu’il faut que la Bonne Nouvelle soit d’abord prêchée à ceux à qui elle a été promise d’avance (Rm 1.16, Ac 1.7).

La plus grande partie du ministère de Jésus était centrée sur les Juifs, mais Dieu avait le salut des païens en tête depuis le commencement (Gn 3.15, Ép 1.4). Et dès la naissance de la nation d’Israël, une part essentielle de l’alliance abrahamique concernait une promesse cardinale: l’Éternel ferait d’Abraham une bénédiction pour toutes les nations (Gn 12.3). Cette promesse a été accomplie dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Après son ascension, Jésus a donné à ses disciples la charge de propager l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre.

2. La raison pédagogique pour la réponse de Jésus

La deuxième raison est pédagogique. D’abord pour la femme: Jésus veut la mettre à l’épreuve. Il désire qu’elle persévère dans sa demande pour sa fille: « À quel point le veux-tu? » Charles Spurgeon décrit la scène ainsi:

Le Seigneur Jésus est charmé par le beau trésor de la foi de cette femme. Il met donc sa foi à l’épreuve par sa réponse décourageante, afin de voir sa force. Mais il s’en délecte tout en la soutenant secrètement. Et lorsqu’il l’a suffisamment éprouvée, il la fait naître comme de l’or.

Le fait qu’une telle femme choisisse de s’approcher d’un guérisseur juif, et même de tomber à ses pieds, révèle soit un désespoir, soit un aperçu remarquable de la signification plus large du ministère de Jésus (et du schéma biblique de l’histoire du salut). Sa réponse suggère au moins un élément de ce dernier: « Oui, Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants. »

La foi exemplaire de la femme syro-phénicienne

Malgré la réponse du Seigneur, la femme n’est pas ébranlée. Elle croit, et Jésus lui-même ne peut pas la faire douter. Un commentateur décrit la scène ainsi:

La femme est la première personne dans Marc à entendre et à comprendre une parabole de Jésus. La brève parabole des enfants et des chiens à table lui a révélé le mystère du royaume de Dieu. Elle fait ce que Jésus commande à ceux qui veulent recevoir le royaume et faire l’expérience de la parole de Dieu: elle entre dans la parabole et se laisse revendiquer par elle.

Les prémices d’une multitude de païens

Quelle femme de valeur! Cette femme sans nom s’inscrit dans l’histoire de la rédemption parmi les femmes païennes qui sont entrées dans une relation d’alliance avec Dieu et son peuple. Pensez à Rahab, à Tamar, à Ruth – toutes des femmes païennes qui apparaissent dans la généalogie de Jésus (Mt 1.2-5). Et loin de l’insulter, Jésus l’élève par cette interaction. Il la sauve et il exauce sa prière. Ainsi, elle devient les prémices d’une multitude de païens qui viendront aux pieds de Jésus par la foi, y compris toi et moi.

Pour en savoir plus:

  • Voici le lien vidéo d’une étude sur ce passage que j’ai donnée au groupe de femmes de mon Église.

Angie Velasquez Thornton

En équipe avec son mari Daniel, Angie a servi le Seigneur au Sénégal pendant 10 ans dans la formation des leaders. Installés à Montréal avec leurs 2 filles depuis août 2017, ils servent dans leur Église locale et dans l'AEBEQ. Angie est titulaire d'un MDiv de Moody Theological Seminary. Elle est coanimatrice du podcast Chrétienne avec Aurélie Bricaud, Responsable du ministère féminin de SOLA (TGC Québec), animatrice de sa chaîne YouTube d'enseignement textuel, blogueuse chez TGC Canada et auteure et éditrice du livre Elles ont vu la fidélité de Dieu aux Éditions Clé en partenariat avec TPSG.

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