Pourquoi Jésus aimait-il tant partager des repas?

Vie et le ministère de Christ

Une chose qui ne cesse de me frapper, à la lecture des Évangiles, c’est que Jésus semble ne rien faire d’autre que… boire et manger! C’est dans l’Évangile selon Luc que c’est le plus frappant.

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  • Luc 5: Jésus partage un repas avec des collecteurs d’impôts et des prostituées à la maison de Lévi.
  • Luc 7: il est invité à manger chez un certain Simon.
  • Luc 10: ce sont Marthe et Marie dont il est le convive.
  • Luc 14: il mange chez un chef des pharisiens, et c’est à cette occasion qu’il raconte "la parabole du grand festin".
  • Luc 19: Jésus s’invite lui-même chez Zachée.
  • Luc 22: il partage le repas de la Pâque avec ses disciples, etc.

Bref, comme l’observe justement un commentateur: “Dans l’Évangile selon Luc, soit Jésus est en train de se rendre à un repas, soit il est à un repas, soit il rentre d’un repas¹.” Et même lorsque Jésus n’est pas en train de manger, les références à la nourriture abondent dans son enseignement – notamment dans les paraboles relatées dans Luc 14, 15 et 16.

Comment expliquer cela? Pourquoi Jésus aimait-il tant partager des repas? Et pourquoi ses disciples ont-ils suivi cet exemple, en se réunissant régulièrement pour "rompre le pain" (voir Actes 2.46; 20.7; 20.11)?

Pour Tim Chester, auteur du livre A meal with Jesus, la raison en est que les repas représentent à la fois le message évangélique et la stratégie missionnaire de Jésus.

Le repas comme message évangélique

La première raison pour laquelle Jésus aimait tant partager des repas, c’est qu’il n’y a pas de meilleure façon d’exposer ce que Dieu nous offre dans l’Évangile. Pour le dire en deux mots: dans l'Évangile, Dieu ne nous offre pas seulement son pardon, mais il fait plus que cela: il nous offre une pleine et entière satisfaction! La différence entre ces deux choses est immense.

Pour simplifier, nous pourrions dire que si vous pardonnez à quelqu’un, vous lui dites: “Tu peux partir!” Par exemple, un coupable qui a obtenu un pardon du tribunal est en règle devant la loi. Le tribunal n’a plus rien contre lui. C’est pourquoi il est libre de s’en aller.

Il est d’ailleurs courant de prendre cette image pour résumer le message de l’Évangile: vous êtes un criminel, mis en procès au tribunal, et alors qu’on fait la lecture des accusations portées contre vous, vous ne pouvez que plaider coupable. Pourtant, de façon inattendue, le juge vous déclare "non coupable" et vous laisse partir libre, car il a lui-même payé la peine à votre place.

Tout cela est, en soi, merveilleusement vrai. Mais ce n’est pas complet, loin s’en faut. C’est bien sûr merveilleux d’être déclaré "non coupable". Mais si vous croyez que Jésus est mort simplement pour vous "tirer d’affaire" vis-à-vis du jugement divin, vous n’avez pas compris l’Évangile.

Car dans l’Évangile, Dieu ne dit pas: “Tu peux partir!” Il dit: “Tu peux venir!” Dieu ne veut pas simplement acquitter des pécheurs; il veut festoyer avec eux. Il ne se contente pas de nous renvoyer quittes, il nous invite à prendre place à sa table, à rire et à partager avec lui, à parler et à manger comme avec un ami.

Les repas de salut dans l’Écriture

Cette image du repas – qui traverse en réalité l’Écriture – est une image de l’invitation, de la relation et de la satisfaction que Dieu offre à tous ceux qui croient.

Dans l’Exode, par exemple, le peuple de Dieu échappe à son jugement grâce au sang d’un agneau. Mais Dieu ne se contente pas de pardonner à son peuple coupable, il le conduit jusqu’au mont Sinaï, où il partage avec lui un repas. Dans Exode 24.11, les anciens d’Israël, sur la montagne, “eurent une vision de Dieu, puis ils mangèrent et burent”.

Nous retrouvons cette même séquence dans le livre d’Ésaïe. Ésaïe 53 contient ce célèbre "Chant du Serviteur", qui prédit les souffrances du Christ pour le pardon des péchés de son peuple. Et bien sûr, Ésaïe aurait pu s’arrêter là. Cela aurait déjà été une bien assez bonne nouvelle! Mais le fait qu’il ne s’arrête pas là souligne que Dieu ne se contente pas de nous donner son pardon. Il veut nous donner la satisfaction. C’est pourquoi Ésaïe 53 est suivi d’Ésaïe 55, où Dieu dit à son peuple, non pas: “Tu peux partir! Tu es en règle. Je n’ai rien contre toi.” Mais Dieu dit en quelque sorte: “Tu peux venir!”

Oh, vous tous qui avez soif, venez vers les eaux.

Ésaïe 55.1-2

Et bien sûr, nous voyons la même chose dans l’Évangile selon Luc. Quand Jésus ressuscité apparaît à ses disciples – après avoir acquis, pour eux, le plein et parfait pardon de Dieu sur la croix – c’est pour rompre le pain et manger du poisson avec eux (voir Luc 24).

Ainsi, il n’y a pas de meilleure image que celle du repas pour illustrer la relation infiniment satisfaisante à laquelle Dieu nous invite en Jésus.

Le repas comme stratégie missionnaire

Mais si Jésus aimait tant partager des repas, c’est aussi parce qu’il s’agissait de sa stratégie missionnaire. C’est ce qu’il explique dans Luc 7.34 où, parlant de sa mission, Jésus affirme que “le Fils de l’homme est venu…”.

Qu’est-il venu faire, à votre avis? Comment compléteriez-vous cette phrase: “Le Fils de l’homme est venu…”? prêcher la Parole? établir le royaume? mourir sur une croix? Même si toutes ces choses sont vraies, ce n’est pas ce que Jésus dit.

La question est peut-être plus révélatrice si nous la formulons ainsi: “Que devrions-nous aller faire, en tant que chrétiens?” Devrions-nous aller… faire campagne pour un changement politique? prêcher au coin des rues? tirer le meilleur parti des nouveaux médias? nous adapter à la culture que nous voulons atteindre? Encore une fois, toutes ces choses ne sont pas de mauvaises idées, mais ce n’est pas ce que Jésus dit être venu faire.

Il y a trois façons dont le Nouveau Testament complète la phrase "Le Fils de l’homme est venu":

Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour beaucoup.

Marc 10.45

Le Fils de l’homme est venu pour chercher et sauver les perdus.

Luc 19.10

Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant…

Luc 7.34

Comme l’explique Tim Chester, les deux premières sont des déclarations de but: “Pourquoi Jésus est-il venu?” Il est venu pour servir, pour donner sa vie en rançon, pour chercher et sauver les perdus. Mais la troisième est une déclaration de méthode: comment Jésus est-il venu? Il est venu mangeant et buvant.

Sa stratégie missionnaire était de manger avec les gens, parfois jusqu’à tard dans la nuit. Il a fait de l’évangélisation et du discipulat autour d’une table avec du poisson grillé, du pain et un pichet de vin.

Les chrétiens ordinaires en mission

Comprendre cela nous permet de réaliser que la mission n’est pas l’apanage des spécialistes. Elle appartient à tous. Chaque chrétien est appelé à suivre Jésus et à participer à cette belle œuvre de faire des disciples – que ce soit en ouvrant sa maison, en partageant un repas, en méditant la Bible autour d’un café, et bien plus encore.

Tim Chester écrit:

Si je sors de mes étagères des livres sur la mission et l'implantation d'Églises, je peux lire sur la contextualisation, les matrices d'évangélisation, l'apologétique postmoderne et l'herméneutique culturelle. Je peux regarder des diagrammes qui m'expliquent comment convertir les gens ou découvrir les étapes nécessaires à l'implantation d'une Église. Tout cela semble impressionnant, avant-gardiste et sophistiqué. Mais voici comment Luc décrit la stratégie missionnaire de Jésus: “Le Fils de l'homme est venu mangeant et buvant.”

Nous pouvons faire passer [...] la mission pour une activité spécialisée qui appartient à des experts. Certaines personnes ont tout intérêt à le faire, car cela leur donne l'impression d'être "extraordinaires". Ou bien nous nous concentrons sur des personnalités dynamiques, capables de capter l'attention d'un public et de diriger un mouvement. Certains poussent la mission au-delà du champ d'action des chrétiens "ordinaires".

Mais le Fils de l'homme est venu mangeant et buvant. Ce n'est pas compliqué. Certes, ce n'est pas toujours facile – cela implique que des gens envahissent votre espace ou que vous alliez dans des endroits où vous ne vous sentez pas à l'aise. Mais ce n'est pas compliqué. Si vous partagez un repas trois ou quatre fois par semaine et que vous avez une passion pour Jésus, alors vous [pouvez participer à sa] mission².


1. Robert Karris, Eating your way through Luke’s Gospel, Collegeville: Liturgical Press, 2006, p. 14.
2. Tim Chester, A meal with Jesus: Discovering grace, community, and mission around the table, Nottingham: IVP, 2011, p. 16.

Joël Favre

Joël est marié à Anne et partage avec elle le beau défi d’élever trois enfants. Diplômé en théologie du London Seminary et titulaire d’un master de recherche de la Faculté Jean Calvin, il exerce actuellement comme pasteur à l’Église Réformée Baptiste de Grenoble. Il intervient aussi en tant que professeur d’éthique à l’Institut Biblique de Bruxelles.

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