Pourquoi il est plus facile d’être un hérétique sur les réseaux sociaux

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      On retrouve de tout sur les réseaux sociaux: du très bon et du très mauvais. Dans cet article, j’explique pourquoi les réseaux sociaux favorisent le "très mauvais". En ligne, l’erreur se partage mieux que la vérité.

      J’ai eu plusieurs discussions ces dernières semaines avec des amis, dans lesquelles nous déplorions le fait que tant de faux enseignements se répandent en ligne. Sur YouTube, Instagram et TikTok, le faux évangile est bien plus populaire que le vrai Évangile. Pourquoi est-ce le cas?

      Plusieurs réponses pourraient être apportées à cette question. De manière générale, le faux évangile sera toujours plus populaire que le message de la croix, qui est scandale et folie pour ce monde (1Co 1.23). Nous ne devrions pas nous attendre à faire le buzz en prêchant Christ crucifié.

      Il est également possible de dire que les faux enseignements sont plus agréables à entendre, et sont donc reçus bien plus facilement. Ce sont des discours qui "chatouillent les oreilles" (2Tm 4.3-4). La vérité est plus difficile à accepter, car elle contrarie.

      Cependant, ce n’est pas tout ce que l’on peut dire. Si les faux enseignements se répandent plus rapidement que les vrais enseignements en ligne, c’est aussi en raison de la structure même d’internet et des réseaux sociaux. Le format des réseaux sociaux favorise les interprétations superficielles de la Bible et les discours qui élèvent l’humain.

      Le constat de Neil Postman

      En ce moment, je lis le livre Amusing ourselves to death, de Neil Postman, qui m’a amené à cette réflexion. L’un des éléments que Postman explique dans ce livre, c’est la manière dont le moyen de communication affecte le contenu de ce qui peut être communiqué. La forme d’un moyen de communication “régule, voire dicte, le type de contenu qui peut être diffusé au travers de ce format1”.

      Postman prend l’exemple des signaux de fumée que les Indiens utilisaient. C’était un moyen de communication, dans le sens où l’outil permettait de communiquer du contenu. Mais le contenu de ce qui pouvait être communiqué était régulé, ou dicté, par le moyen de communication lui-même. De manière évidente, les signaux de fumée ne permettent pas de partager des idées philosophiques complexes. Postman écrit avec un brin d’humour:

      Les nuages de fumée ne sont pas assez complexes pour exprimer des idées sur la nature de l'existence, et même s'ils l'étaient, un philosophe "Cherokee" serait à court de bois ou de couvertures bien avant d'atteindre son deuxième axiome2.

      Postman écrit en ayant la télévision en vue, montrant comment l’introduction de la télévision a affecté le discours public, mettant de côté les réflexions poussées et privilégiant le divertissement. Cependant, ce que Postman écrit s’applique à tout moyen de communication, y compris les réseaux sociaux: la forme régule le contenu qui peut être transmis.

      Les réseaux sociaux favorisent le contenu superficiel

      Les réseaux sociaux sont conçus pour privilégier le contenu court, rapide et divertissant (parfois appelé "snacking content"). Les contenus "chocs" sont privilégiés par rapport aux contenus éducatifs. La forme est privilégiée sur le fond. De plus, tout contenu qui ne nous plaît pas disparaît avec un simple geste de notre pouce.

      La foi chrétienne ne peut pas facilement s’insérer dans ce format. Je ne dis pas qu’il n’est pas possible de partager la vérité chrétienne en ligne, mais on doit réaliser que les réseaux sociaux, en raison de leur format, sont insuffisants pour partager "tout le conseil de Dieu" (Ac 20.27).

      Réfuter l’erreur et défendre la vérité requiert des arguments profonds, qui nous demanderont de faire chauffer notre cerveau et d’être prêts à y consacrer du temps. Il est facile de citer un verset hors contexte et d’en tirer un enseignement en 30 secondes, mais expliquer la bonne interprétation de ce verset et réfuter les mauvaises interprétations prendra généralement bien plus que 30 secondes.

      Cela m’amène donc à conclure que les réseaux sociaux, par leur structure même, favorisent les faux enseignements. Il est plus facile d’être un hérétique en ligne…

      Des encouragements pour les chrétiens sur les réseaux sociaux

      Que faire, donc? Cela ne veut pas dire que nous devons tout abandonner. Voici quelques pistes de réflexion en guise de conclusion.

      Deuxièmement, nous devons réaliser que tous les formats ne se valent pas. Je crois qu’il faut privilégier les vidéos YouTube de 10 à 15 minutes, où il est vraiment possible de développer une réflexion profonde, par rapport aux vidéos courtes de 30 secondes, où le contenu doit être divertissant, captivant, et souvent assez superficiel. (C’est aussi ce qui m’amène à penser que TikTok est à éviter. Mais développer cela est le sujet d’un autre article.)

      Troisièmement, nous ne devons pas être découragés si les faux enseignements sont populaires. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire chrétienne…

      Quatrièmement, tout en faisant des efforts en ligne, nous ne devons pas oublier la priorité de la vie "physique", et en particulier la priorité de l’Église locale. Le ministère en ligne devrait toujours être l’extension d’un ministère local. Un "pasteur de l’internet", ça n’existe pas.

      Que le Seigneur nous donne le zèle et la sagesse pour faire face aux défis qui sont devant nous.



      Benjamin Eggen

      Benjamin est marié à Jessica, papa d'une petite fille, et pasteur-adjoint de l’Église Protestante Évangélique de Bruxelles-Woluwe. Il a fait ses études à l’Institut Biblique de Bruxelles, où il enseigne ponctuellement. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Soif de plus? et Qu’est-ce que tu crois?. Vous pouvez le suivre sur sa chaîne YouTube.

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