Pâques: un manteau pour un autre

Doctrine du péchéDoctrine du SalutPâques

“Maman, est-ce que je peux mettre un short?” Depuis le 1ᵉʳ mars, c’est le refrain que j'entends chaque matin. Le soleil revient peu à peu, et déjà les enfants tiennent à en profiter au maximum. Mais en avril, chacun sait qu’il ne faut pas se découvrir d’un fil. Pourtant… À l'approche de Pâques, j’ai relu les textes évoquant l’entrée de Jésus à Jérusalem. La foule se presse et crie de joie. En l’honneur de ce roi un peu particulier, elle improvise un tapis rouge – ou plus probablement un tapis vert et blanc.

Beaucoup de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin; d’autres, des branches vertes coupées dans les champs.

Marc 11.8 – BDS

Le dimanche des manteaux

Plus j’y réfléchis, plus je me dis que le Dimanche des Rameaux aurait pu s’appeler "le Dimanche des manteaux".

Au temps de Jésus, comme au nôtre, le manteau est souvent la pièce de vêtement la plus onéreuse. À cette époque, pas d’enseignes de prêt-à-porter: pas de Zara, de Pimkie, de Shein… On coud son manteau ou on l’achète avec ses économies. Nous, Occidentaux du 21ᵉ siècle, avons souvent plusieurs manteaux en fonction des occasions, des saisons ou des habits que l’on porte dessous. Mais à l’époque de Jésus, la plupart n’en ont qu’un. L’Ancien Testament précise même que si un pauvre t’a donné en gage son vêtement, “tu ne manqueras pas de le lui rapporter au coucher du soleil pour qu’il puisse s’en couvrir à son coucher en te bénissant” (Deutéronome 24.13).

En voyant Jésus approcher de la ville, les gens jettent donc leurs manteaux – des manteaux qu’ils n’allaient probablement pas pouvoir récupérer. L’ânon les aura piétinés, tout comme les quelques disciples marchant à la suite de Jésus. Et peut-être même la foule qui se referme derrière Jésus entrant dans Jérusalem.

Dans leur joie, ils lancent leurs manteaux en signe d’approbation de ce que Jésus a fait, en signe d’adoration, en signe de l’espoir qu’ils mettent dans ce roi qui vient non pas sur un cheval, mais sur un âne.

Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Béni soit le royaume qui vient, le royaume de David, notre père! Hosanna à Dieu au plus haut des cieux!

Marc 11.9-10

L’Évangile selon Luc rapporte que tous ne se sont pas dévêtus. Certains ont gardé leurs manteaux. Ces pharisiens démontrent par là qu’ils ne sont pas ouverts à Jésus. Ils sont un peu comme ces gens qui viennent chez toi à reculons, à contrecœur. Ils viennent parce qu’ils sont obligés de passer dire bonjour, obligés de prendre quelques nouvelles. Alors voilà, ils entrent, mais restent dans le vestibule. Ils gardent leurs chaussures et leurs manteaux. “Je venais juste faire un petit coucou.” Ils ne vont pas s’installer dans le canapé. Ils ne vont pas prendre le temps de t’écouter et encore moins de se livrer un peu. Ils restent emballés dans cette pièce de vêtement qui leur permet de mettre une certaine distance avec toi. Ils ont fait leur devoir et repartent comme ils sont venus. “Allez, je file. Prends soin de toi.”

Évidemment, les pharisiens vont un cran plus loin. Ils expriment leur désaccord. Cette différence de cœur et d’habillement m’interpelle: c’est quoi au juste un manteau?

La Bible, une penderie à manteaux

La première réponse est évidente. Un manteau sert à se protéger du froid, de la pluie. Dans la deuxième lettre à Timothée, Paul fait une requête émouvante. Il est à la fin de sa vie et en prison à Rome. Il a froid. Alors, il dit à Timothée: rejoins-moi avant l’hiver et apporte-moi le manteau que j’ai laissé chez Carpus à Troas. Quand on laisse son unique manteau quelque part, on fait la route – une route extrêmement longue – pour le récupérer.

Un manteau sert aussi à mettre en avant une fonction. Pense à ces tableaux de peintres décrivant le couronnement d’un roi. Prenons, par exemple, Le Sacre de Napoléon de David. On y voit Bonaparte posant la couronne sur la tête de l’impératrice Joséphine. Et que voit-on au centre de ce tableau? Un manteau! Un magnifique manteau d’hermine richement brodé – un manteau de roi.

Enfin, un manteau ne sert pas qu’à couvrir un corps. Comme dans le cas des pharisiens, un manteau sert à couvrir un amour-propre, à garder une contenance, à mettre un peu les autres à distance.

Si la Bible était une armoire, on y verrait toute sorte de manteaux. Il y aurait, là, pendu sur un cintre, le manteau multicolore de Joseph – un manteau dont le rôle était de marquer la préférence du père. On y verrait aussi le manteau de Saül, auquel il manquerait un pan, coupé par David. Les manteaux de Job ou encore d’Esdras seraient en lambeaux: déchirés pour marquer leur consternation face à la souffrance ou face au péché du peuple. Le manteau de Mardochée serait aussi bien en vue: c’est celui qu’il a reçu en récompense de loyaux services rendus à l’empereur Assuérus. Le manteau qu’Élie a transmis à Élisée, comme un témoin de la passation du ministère prophétique, est aussi accroché dans un coin. Et tant d’autres: le manteau que Jonathan donna à David en gage d’amitié, le manteau que Bartimée jeta à l’appel de Jésus…

En fait, dans la Bible, il y a toute une théologie du manteau.

Un manteau de rêve pour un coup d’État

Dernièrement, c’est l’histoire du manteau d’Akân qui m’a touchée. Cette histoire se déroule 1400 – 1300 ans avant le premier dimanche des Rameaux. Et là aussi, un peuple est aux portes, non pas de Jérusalem, mais aux portes du pays promis. Ce peuple aurait dû être en liesse, comme la foule qui acclame Jésus. Mais il est au contraire abattu, consterné, accablé. Il y a peu, il a remporté la victoire de Jéricho. Puis, il a attaqué la prochaine ville sur son chemin: Aï. Et là, il a subi un terrible revers. Voici ce que rapporte le livre de Josué:

Les Israélites commirent un acte d’infidélité à l’égard des objets voués à l’Éternel: Akân, fils de Karmi et descendant de Zabdi et de Zérah, de la tribu de Juda, prit pour lui certains de ces objets, et l’Éternel se mit en colère contre les Israélites.

Josué 7.1

Dieu était le roi de la nation d’Israël. Il l’avait délivrée de l’esclavage en Égypte. Il avait conclu avec elle une alliance. Il lui avait promis le pays de Canaan. Mais il avait également donné des ordres au sujet de cette conquête: rien ne devait être pris sur le butin; tout devait être détruit.

À la suite de la défaite, Akân avoue son forfait:

C’est vrai, j’ai commis une faute envers l’Éternel, le Dieu d’Israël. Voici ce que j’ai fait: J’ai vu dans le butin un magnifique manteau de Babylone, deux cents pièces d’argent et un lingot d’or d’une livre. J’en ai eu fortement envie, alors je m’en suis emparé. Ces objets sont enterrés au milieu de ma tente, et l’argent est en dessous.

Josué 7.20-21

Akân a vu un magnifique manteau de Babylone. Aujourd’hui, nous avons du mal à nous représenter ce que cela pouvait être. Babylone, c’était une ville de luxe. Une ville où transitaient l’or, l’argent et la soie. C’est la ville qui, bien plus tard, abritera les jardins suspendus, une des sept merveilles du monde antique. Ce manteau, c’est un peu comme un de ces manteaux qu’on voit dans les défilés de mode parisiens: c’est comme un manteau Dior. À la suite de cet aveu, Akân sera mis à mort et tout ce qu’il possède sera détruit.

Akân décrit très bien le mécanisme qui l’a poussé à transgresser la loi de Dieu: il a vu, il en a eu fortement envie et il s’en est emparé. En fait, Akân a détrôné Dieu et il s’est fait roi à sa place en décidant d’obéir à sa propre volonté.

Le sort d’Akân et de sa famille peut nous paraître extrême. Évidemment, il faut replacer le récit dans son contexte: celui d’un Israël national, celui de la conquête du pays promis. C’est un contexte qui n’est pas superposable à celui de l’Église. Mais une réalité reste tout de même valable: quand on détrône le roi, le châtiment qui est prévu, c’est la mort. Et si cela nous gêne, c’est peut-être que nous n’avons pas encore (ou toujours pas) compris la gravité du péché.

Bien plus tard, Paul dira:

Le salaire du péché, c’est la mort, mais… [Car il y a un "mais" parce que Jésus est entré dans Jérusalem et qu’il en est ressorti quelques jours plus tard sur une croix.] le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur.

Romains 6.23 – S21

Parfois, on se dit que c’est juste un manteau, que c’est juste un fruit défendu, que c’est juste du temps mal utilisé, que c’est juste… et je te laisse compléter avec ce qui te concerne plus particulièrement. Mais la Bible nous rappelle que c’est en fait une sorte de coup d’État. On détrône Dieu. Et ensuite, on se cache, on se fabrique un manteau pour se donner une contenance, pour mettre Dieu et les autres un peu à distance. Le premier manteau que l’homme s’est fait était un manteau de feuilles de figuier. C’est le manteau qu’Adam et Ève ont cousu lorsqu’ils ont essayé de se cacher de Dieu. Pas très efficace… En fait, aucun de nos manteaux n’est efficace! Alors, que faire? Comme Adam et Ève, c’est de Dieu que nous devons attendre d’être couverts d’un manteau bien meilleur.

Le glorieux échange de manteaux

Sans Christ, nous sommes tous condamnés comme Akân. Sans Christ, nous essayons de nous dépatouiller avec nos manteaux de feuilles de figuiers. Mais Jésus nous offre le pardon dont nous avons besoin pour être réconciliés avec Dieu. Il nous permet d’entrer dans la maison de Dieu, d’enlever notre manteau, de nous asseoir dans sa présence sans crainte. Quelle grâce! Et cette grâce, c’est aussi une histoire de manteau.

Jésus a accepté de se dépouiller de sa gloire céleste: il a raccroché son manteau de gloire au porte-manteau du ciel. Il l’a fait pour se revêtir de notre humanité sous la forme d’un bébé. À la fin de sa vie, lors d’un procès injuste et pour se moquer de lui, des soldats l’ont affublé d’un manteau de roi et d’une couronne d’épines. Puis, ils lui ont enlevé le manteau et laissé la couronne. Et c’est presque nu qu’il est monté sur la croix pendant que les soldats se partageaient son humble manteau de lin. Jésus a pris sur lui notre péché pour que nous puissions être revêtus d’un manteau de justice. C’est le "glorieux échange" dont parlait Luther. Paul décrit cela de manière très précise dans 2 Corinthiens 5:

En effet, celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu.

Pâques proclame une réalité extraordinaire: Jésus est devenu péché pour que nous devenions justice de Dieu. Il est mort pour que nous ayons la vie, une vie de communion avec Dieu. Mais Jésus n’est pas resté dans le tombeau: il est ressuscité. Et ce n’est pas fini: il revient. Le dernier livre de la Bible nous dit que c’est en tant que roi qu’il réapparaîtra.

Sa tête est couronnée de nombreux diadèmes. Il porte un nom gravé qu’il est seul à connaître. Il est vêtu d’un manteau trempé de sang. Il s’appelle La Parole de Dieu. […] Sur son manteau et sur sa cuisse est inscrit un titre: "Roi des rois et Seigneur des seigneurs."

Apocalypse 19.13, 16

Dans l’attente de son retour, sachons être reconnaissants pour ce manteau immérité dont il nous a revêtus.

Miryam Lott

Miryam a grandi en Afrique où elle a fait ses premiers pas de foi. Elle est mariée et maman de deux garçons. Elle est membre d’une Église dans la région de Valence. Passionnée par les mots et les livres, elle est éditrice à BLF Éditions depuis 2023.

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