7 objections à l’idée d’un "culte personnel"

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Dans ce billet, je tente de répondre aux objections qui sont parfois soulevées à l’encontre du « culte personnel ».

Le « culte personnel », ce temps de recueillement quotidien traditionnellement consacré à la lecture de l’Écriture et à la prière, est-il biblique et nécessaire? Cette question peut surprendre tant la réponse qui nous vient spontanément à l’esprit, quand on est disciple de Christ depuis un moment, paraît évidente: « Bien sûr que si! » Véritable pierre d’angle de la spiritualité évangélique[1], baromètre favori de notre « consécration à Dieu », le culte personnel fait partie intégrante de la vie chrétienne normale telle que nous la concevons généralement.

Pourtant, certains chrétiens remettent en cause l’accent habituel mis sur le culte personnel. Divers arguments sont avancés. Dans ce qui suit, je les présente brièvement et je propose quelques éléments de réponse.

1. Un reflet de notre individualisme

L’individualisme propre à notre société, qui se traduit par une quête incessante d’épanouissement personnel, aurait mené les évangéliques à faire la surenchère du culte personnel. L’insistance sur le recueillement individuel serait en quelque sorte la projection en mode évangélique de l’individualisme dans lequel nous baignons avec toute notre société occidentale.

À cet argument, on peut répondre que le culte personnel est loin d’être un phénomène récent. Luther l’encourageait[2]. Calvin également:

[…] Calvin […] insistera sur l’importance de la lecture personnelle de la Bible pour la santé spirituelle des croyants: « S’il apparaît que le corps est mal disposé quand on est dégoûté de la viande, il est certain que l’âme est encore en pire état, quand on a perdu le goût et la saveur de la Parole de Dieu ».

Il faut donc « s’exercer journellement en l’Écriture sainte » – elle est « pâture de vie ».

Il rappelle au duc de Longueville qu’il doit « appliquer son étude à s’avancer toujours, de plus en plus, en la sainte Parole de Dieu, à lire journellement les saintes instructions qui le peuvent édifier en tout bien et vertu ».

À la reine de Navarre il écrit: « Par faute de nous exercer journellement en l’Écriture sainte, la vérité que nous avions connue s’écoule petit à petit jusqu’à s’évanouir du tout, si ce bon Dieu n’y remédie »[3].

2. Pas de lecture individuelle de la Bible mentionnée dans le Nouveau Testament

Le Nouveau Testament, lorsqu’il mentionne la « lecture » de l’Écriture, fait référence à sa lecture publique, non individuelle (Colossiens 4.16; 1 Thessaloniciens 5.27; 1 Timothée 4.13; Apocalypse 1.3).

Bien qu’une telle observation soit juste, elle peut induire en erreur. En effet, le Nouveau Testament, comme nous le verrons dans un billet ultérieur, met en avant la méditation individuelle de la Parole.

3. Un manque d’accès à la Bible qui a duré des siècles pour les individus chrétiens

Les croyants ayant vécu avant l’invention de l’imprimerie n’avaient que rarement accès à une copie de la Bible, ce qui, selon certains, rendait le culte personnel impraticable.

Il va de soi que ces individus dépendaient dans une large mesure de la lecture publique et de la prédication de l’Écriture pour accéder au texte sacré (Néhémie 8.8; Luc 4.16-17; 1 Timothée 4.13). Cela dit, ils avaient la possibilité de méditer en privé ce qu’ils avaient entendu dans un contexte public. Bien davantage qu’aujourd’hui, ils s’appuyaient sur leur mémoire pour conserver le texte saint en eux. Ainsi, Jésus et Timothée connaissaient l’Ancien Testament depuis leur enfance (Luc 2.46-47; 2 Timothée 3.15).

4. Des recommandations qui s’adressent à des communautés

Certains affirment que les exhortations du Nouveau Testament en matière de piété s’adressent généralement à des communautés, non à des individus, et que l’on peut en déduire que seule la piété communautaire est biblique.

Ils négligent des textes comme 1 Timothée 4.7, que Paul adresse à un individu, Timothée: « Exerce-toi à la piété ». De plus, ce n’est pas parce qu’une exhortation est destinée à une communauté que sa mise en pratique ne peut pas se vivre sur le plan personnel.

5. Le danger des mauvaises interprétations

D’aucuns soulignent que la lecture individuelle de la Bible ouvre la porte à des interprétations erronées, et parfois même farfelues.

Certes, mais ne dramatisons rien: une fausse interprétation de la part d’un croyant mal informé peut facilement être corrigée ultérieurement par les enseignants reconnus de la communauté.

6. Non au légalisme

Certains chrétiens préfèrent s’abstenir du culte personnel par peur de le faire dans un état d’esprit légaliste.

C’est confondre légalisme et fidélité.

7. Le « culte personnel », c’est toute la journée!

Considérant toute la journée comme un culte rendu à Dieu, certains trouvent peu spirituel de limiter le « culte personnel » à un créneau précis.

J’aurai l’occasion de revenir sur le vocabulaire cultuel de la Bible dans un billet ultérieur. À ce stade de notre réflexion, notons simplement la sagesse des propos de Calvin:

Il a été dit qu’il nous faut toujours élever nos cœurs vers Dieu, soupirer après lui et prier sans cesse.

Toutefois, parce que notre faiblesse est telle qu’elle a besoin de beaucoup d’aides et que notre paresse a grand besoin d’être éveillée, il est bon que chacun, afin de prier davantage, fixe pour lui-même certaines heures qui ne passent pas sans prière et qu’alors notre cœur s’y applique entièrement. Par exemple, le matin, quand nous nous levons, avant de commencer le travail que nous devons faire dans la journée; de même à l’heure de prendre notre repas et après l’avoir pris pour le remercier; quand l’ouvrage du jour est terminé, et qu’il est temps de prendre notre repos[4].

Des objections intéressantes, mais qui peinent à convaincre

Si certaines des objections énumérées dans ce billet contiennent un élément de vérité, leur mise en avant n’est pas convaincante. Néanmoins, certaines conceptions courantes du culte personnel sont effectivement à revoir. Par conséquent, je reviendrai sur ce sujet capital dans de futurs billets.

Voir la suite dans ces deux billets:

Ces billets (comme celui-ci) sont des compléments (et non des extraits) de mon livre La méditation biblique à l’ère numérique. Dans ce livre, je situe la méditation biblique dans de nombreux cadres, pas seulement (loin s’en faut) dans celui du « culte personnel ».

Consultez également:

Un outil pour approfondir la méditation quotidienne de l’Écriture

NOTES:

[1] À ce propos, voir Bernard Huck, « Exercices spirituels et piété personnelle », in La spiritualité et les chrétiens évangéliques. Volume II (sous dir. Jacques BUCHHOLD), Cléon d’Andran/Meulan, Excelsis/Édifac (Terre Nouvelle), 1998, p. 96.

[2] Walter Trobisch, « Le culte personnel selon Martin Luther », La revue réformée 203, 1999, p. 39-46.

[3] Jacques Blandenier, Martin Luther & Jean Calvin. Contrastes et ressemblances, St-Prex/Charols, Je Sème/Excelsis, 2008, p. 158-159.

[4] Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne (mise en français moderne pas Marie de Védrines & Paul Wells), Aix-en-Provence/Charols, Kerygma/Excelsis, 2009, III, XX, 50 (p. 849-850).

N.B. J’avais publié cet article une première fois sur mon blog le 25 mai 2017. Je l’ai mis à jour et republié le 3 août 2021.

Dominique Angers

Doyen de la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia), Dominique Angers y est aussi professeur de Nouveau Testament et de prédication. Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg, il s’exprime régulièrement sur son podcast vidéo d’enseignement biblique, “Parle-moi maintenant”. Il est l’auteur du livre La méditation biblique à l’ère du numérique et du Commentaire biblique Parle-moi maintenant par Éphésiens. Son prochain commentaire, Parle-moi maintenant par Marc, paraîtra chez BLF.

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