Pourquoi Jésus a-t-il parfois (vigoureusement) commandé à certaines personnes de ne pas révéler son identité? C'est ce qu'on a appelé le "secret messianique". Après avoir étudié l'Évangile de Marc l'année passée en Église, je propose ma réponse courte à une lectrice.
Pour répondre à cette question, il nous faut observer au moins 3 choses:(1)repérer et observer le « secret messianique » dans l’Évangile, (2)faire une remarque sur la structure générale de l’Évangile (et donc l’intention de son auteur) et (3)une remarque sur la manière dont les disciples y sont présentés.
On remarque qu’à plusieurs reprises, Jésus commande de ne pas parler de son identité de « Fils de Dieu », ni des miracles qui en sont la preuve:
-à un lépreux (Mc 1.44),
-aux esprits impurs (Mc 3.11,12),
-à Pierre, Jacques et Jean ainsi que des parents (Mc 5.43),
-en petit comité (Mc 7.36),
-aux disciples (Mc 8.30)*
-à nouveau à Pierre Jacques et Jean (Mc 9.9) avec cette précision importante « jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité ».
Le sentiment général de ces interventions mises bout à bout est le suivant: Jésus semble vouloir retarder la reconnaissance de ce que Marc a annoncé dès le premier verset (Mc 1.1), le fait qu’il est Fils de Dieu. La notoriété de Jésus augmente rapidement et spectaculairement (Mc 1.45) malgré son désir de « calmer les ardeurs ». Mais les méprises sont nombreuses aussi. Jusqu’à ce que la machine s’inverse totalement et qu’un homme (Mc 16.5) dise aux femmes, dans le tombeau vide, « d’aller dire », alors qu’elle repartent et se taisent.
Avez-vous observé que ces interventions de Jésus sont ciblées dans les 8 premiers chapitres? Ce n’est pas sans lien avec la structure générale de Marc.
Pour faire simple, on trouve 3 annonces de l’identité de Jésus comme Fils de Dieu qui structurent tout l’Évangile:
-celle de Marc (Mc 1.1) mais surtout celle de Dieu le Père (Mc 1.11)
-celle de Pierre (Mc 8.29)
-celle de l’officier romain (Mc 15.39)
Entre ces 3 poteaux indicateurs, Marc range son matériel pour répondre à la question: « Qui est Jésus? » (chapitres 1-9), question à laquelle Pierre répond premièrement avec brio. Mais Jésus apporte d’emblée des précisions utiles dès Mc 8.31-9.1, de façon à ce que les chapitres 10-16 répondent à cette autre question: « Qu’est-ce qu’implique cette identité de Jésus? ».
Jésus retarde volontairement, surtout dans la première partie de l’Évangile, la reconnaissance de son identité parce qu’il sait qu’il pourrait y avoir méprise. À l’image de Pierre qui ne voit que partiellement (« comme des arbres » Mc 8.21-25) et peut dire que Jésus est le messie, mais quelques instants plus tard se méprendre totalement sur ce que cette identité engage (Mc 8.32,33).
Il nous reste une remarque générale à faire qui sous-tend notre conclusion: si nous observons le portrait que Marc dresse des disciples dans son Évangile, la plupart du temps leurs interventions témoignent, disons-le poliment, d’une lenteur certaine à la compréhension. Leur image n’est pour le moins pas très flatteuse (Mc 1.36-38; 4.10,13,33,34,41; 6.37; 8.14-21; 9.5,28; 10.38; 14.29…)
Tout cela pour dire que si Jésus semble retarder son identification en tant que Messie, Fils de Dieu, c’est avant tout parce que cette affirmation peut susciter une méprise. Les 9 premiers chapitres nous l’assurent: Jésus est le Messie, le Christ, le Fils de Dieu. Mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire? Les chapitres 9-16 répondent à la question de l’identité de Jésus avec un point culminant lors de son intronisation sur un trône élevé de bois, entouré de brigands et insulté par une foule qui refuse son règne (Mc 15).
*on pourrait penser que cette énigme a même motivé certains à détailler l’ordre de Jésus en Mc 8.26?
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