Avant de commencer cet article, prenez le temps de lire Genèse 6.5 à 11.9 dans votre Bible.
Il m’arrive d’avoir des passions très intenses sur des périodes très courtes. Il y a quelques années, j’avais en tête de faire mon propre fromage. Je me suis procuré une recette, du lait cru, tout le matériel nécessaire, et je me suis mis au travail. Après avoir fait cailler et égoutter le lait, je l’ai salé et déposé dans ma cave pour qu’il affine. Hélas, après quelques jours, malgré un salage et un nettoyage réguliers, une étrange moisissure est apparue. Il existe de bonnes moisissures que les fromagers recherchent parce qu’elles donnent du goût au fromage. Mais la mienne n’était pas la bienvenue: elle était d’un jaune fluorescent et dégageait une odeur nauséabonde. On aurait pu croire que mon fromage était radioactif! J’ai pris conseil auprès d’un fromager professionnel qui m’a expliqué que les caves étaient parfois contaminées. Je n’avais pas d’autre choix que de javelliser tout mon matériel et ma cave pour détruire cette mauvaise moisissure.
Le péché est une sorte de mauvaise moisissure. Plusieurs générations après Adam et Ève, Dieu descend lui aussi, pas dans sa cave, mais sur terre, pour observer l’humanité. Hélas, le constat est alarmant: “L’Éternel vit que les hommes faisaient de plus en plus de mal sur la terre: à longueur de journée, leur cœur ne concevait que le mal” (Gn 6.5). L’humanité est un fromage moisi et nauséabond au point que “L’Éternel eut des regrets au sujet de l’homme qu’il avait fait sur la terre, il en eut le cœur affligé” (Gn 6.6).
La solution est la même que pour mes fromages contaminés: il faut détruire le mal qui gangrène le monde. Dieu décide alors de nettoyer la terre de fond en comble: c’est le déluge. Cette histoire, que l’on raconte parfois comme une sympathique croisière pour animaux, est en réalité un drame terrible. Parce que les hommes sont devenus trop mauvais, Dieu décide de leur reprendre la vie.
Cependant, alors même qu’il juge sévèrement ses créatures, Dieu fait une exception: un homme trouve grâce à ses yeux: Noé (Gn 6.8). Est-il réellement meilleur que tous les autres? Est-il la parfaite image de Dieu? Non. Mais Noé désire sincèrement plaire à son créateur, ce qui fait de lui la personne la "moins pire" de cette génération encline au mal. Dieu le choisit pour donner une nouvelle chance à l’espèce humaine. Il lui ordonne de construire un bateau immense pour le préserver lui et sa famille. Dieu offre ainsi aux hommes la possibilité de repartir sur des bases saines. La suite de l’histoire nous dira si cette nouvelle génération fera mieux que la précédente.
À travers cette histoire, la Bible nous enseigne une leçon importante: le péché doit être sanctionné, et le sera un jour, c’est certain. Dieu a détruit l’espèce humaine parce qu’elle se plaisait à faire le mal et parce qu’elle se refusait à lui obéir. Sévère, cette sanction n’en était pas moins méritée. Le Créateur est trop juste et saint pour que le mal subsiste éternellement devant lui. Le jour vient où il le détruira de manière définitive. Avons-nous réellement conscience de la colère que suscitent nos fautes? Sans doute pas assez.
Pour l’heure, Dieu offre une seconde chance à l’humanité. Un parallèle très intéressant existe entre le chapitre 1 et le chapitre 9 de la Genèse. Dans les deux chapitres, Dieu commande aux hommes de se reproduire et de remplir la terre (Gn 1.28 et 9.1). Il place sous leur autorité les autres éléments de la création (Gn 1.26 et 9.2). Après le déluge, nous avons donc la curieuse impression d’être à nouveau à la fin de la création. Retour au point de départ. Après avoir détruit sa création à cause du péché des hommes, Dieu "crée à nouveau". Reste à savoir si cette création 2.0 suivra une trajectoire similaire à la première ou non...
Les quelques versets qui suivent (Gn 9.20-26) relatent la fin peu glorieuse de la vie de Noé. Mais c’est surtout au chapitre 11 qu’un premier bilan est fait. Après plusieurs générations, Dieu descend à nouveau sur terre.
Qu’ont fait les hommes depuis Noé? Comment les descendants du "meilleur" des hommes se comportent-ils? Eh bien, ils se sont installés dans le pays de Shinéar et ont de grands projets: “Allons, construisons-nous une ville et une tour dont le sommet atteindra le ciel, alors notre nom deviendra célèbre” (Gn 11.4).
Motivés par la quête de la célébrité, ils ont entrepris de construire la plus grande tour possible. Leur ambition est démesurée: ils veulent toucher le ciel afin que tous sachent qui ils sont et de quoi ils sont capables. En racontant cette histoire, la Bible adopte un ton humoristique. Les hommes cherchent à s’élever dans le ciel, mais rien n’y fait, Dieu est obligé de "descendre" pour voir ce qui se passe. Ce qu’il découvre n’est pas glorieux: les nouveaux fromages n’ont toujours pas une bonne odeur.
Rappelons-nous: le rôle confié aux êtres humains était de représenter Dieu. Ils sont son image. Mais ici, ils cherchent à se faire un nom. Peu leur importe Dieu, ils ne se préoccupent que d’eux-mêmes. Guidés par leur orgueil, ils reproduisent la même erreur qu’Ève qui s’était représentée elle-même, qui avait convoité la place de Dieu et qui avait refusé son rôle d’image. Comme les contemporains de Noé, cette génération s’est laissé dominer par le péché, au point d’ignorer la volonté de Dieu. La "création 2.0" issue de Noé ne fait pas mieux que l’ancienne. La moisissure jaune fluo est de retour. La première fois, Dieu avait détruit l’humanité, on pourrait donc s’attendre à ce qu’il le fasse à nouveau. Pourtant... le Créateur n’en fait rien! Il se contente de brouiller les langues et de disperser les constructeurs, sans désinfection mortelle. Pourquoi?
À travers les histoires du déluge et de la tour de Babel, Dieu nous présente deux vérités indispensables pour comprendre la suite de la grande histoire:
• Le péché sera toujours sanctionné parce que notre Créateur est juste. Le déluge a été un instrument de sa justice et un moyen de combattre le mal.
• Le problème du péché est l’affaire de tous, pas seulement d'Adam, d'Ève ou de la génération de Noé. Chaque être humain est "moisi". Nos vies sont toutes remplies de "tours". Comme ces constructeurs, la grande majorité de ce que nous entreprenons vise notre gloire personnelle, et non celle de Dieu. Nous bâtissons des carrières, des renommées, de belles maisons, des familles parfaites et bien des choses encore, pour que les autres nous regardent et se souviennent de notre nom. Chaque fois que nous préférons mettre en avant notre personne, nous tombons dans l’idolâtrie de nous-mêmes, et renonçons à notre rôle premier: être des images de Dieu. Mais nous ne sommes pas Dieu.
Ces deux histoires démontrent que la solution ne pourra jamais venir des hommes. Dieu pourrait s’armer d’eau de Javel et purifier la création une fois de plus. Mais il faudrait renouveler l’opération génération après génération. Heureusement, Dieu n’est pas un fromager amateur, sans solution face à du fromage moisi. Après avoir démontré que le problème vient du cœur de chaque être humain, il va pouvoir passer à la prochaine étape de son plan.