L’existence de la souffrance dans notre monde est une réalité facile à constater, qui peut susciter bien des interrogations sur le plan philosophique. Mais l’expérience de la souffrance, elle, nous pousse vraiment dans nos retranchements.
J’ai constaté chez de nombreux croyants que l’expérience de la souffrance pouvait ébranler leur foi, au point même de provoquer une véritable crise existentielle. De nombreux croyants se trouvent démunis face à la souffrance: démunis pour la comprendre, pour y faire face et pour consoler les autres. Croyants et non-croyants se rejoignent même parfois dans la stupéfaction, l’indignation, la colère et le cynisme, voire dans le désespoir.
Le livre de Job est un des écrits les plus anciens du canon biblique. Il rapporte certainement une histoire bien plus ancienne encore. Si l’on croit que la Bible est la révélation spéciale de Dieu par écrit, destinée aux hommes, je suis persuadé, pour ma part, que le livre de Job en est un élément incontournable, dont le but est de structurer fondamentalement notre vision du monde, et de nous donner le cadre dans lequel inscrire la souffrance telle que nous l’observons universellement autour de nous, et telle que nous en faisons l’expérience dans notre vie.
L’histoire de Job, c’est l’histoire d’un homme qui était extrêmement intègre, et qui a extrêmement souffert. En toile de fond, dans tout le récit, il y a cette conviction profonde chez Job: c’est qu’il n’a rien fait pour mériter tout le malheur qui s’est abattu sur lui. Et c’est ce qui met en relief la question poignante que tous les affligés de la terre se posent ou se sont posée: “Pourquoi?”
Pourquoi le malheur semble-t-il survenir de manière arbitraire et cruelle dans la vie de gens qui n’ont rien demandé à personne? Pourquoi les méchants, à l’inverse, semblent-ils souvent mieux s’en tirer que les justes? Et de toute façon, pourquoi le mal existe-t-il? Pourquoi notre existence est-elle empreinte de souffrance?
Ces questions devraient tourmenter les non-croyants. S’il n’y a rien d’autre dans l’univers que ce monde matériel, alors on ne peut aboutir à d’autre conclusion que la souffrance est absurde. Il n’y a pas de justice ou de consolation à attendre de l’au-delà, car il n’y a pas d’au-delà. Et il n’y a pas de juge, ni de rétablissement possible, ni de consolation.
Si l’on est croyant, en revanche, ces questions se posent différemment, mais elles peuvent aussi bousculer nos pensées. Puisque le malheur existe et semble s’abattre sur les gens sans qu’il existe un moyen de le prévoir, de le contrôler ou de l’éviter; et puisque Dieu est absolument souverain et omniscient; comment ne pas en déduire que Dieu veut, en fait, infliger le malheur à des innocents, comme il l’a voulu dans le cas de Job?
Or, Dieu n’est pas seulement souverain et omniscient; il est aussi juste, sage, immuable, bon et miséricordieux. La souffrance que nous devons traverser, ou que nous observons autour de nous, étant conduite par la providence de Dieu, est nécessairement subordonnée à tous les attributs de Dieu. Une des leçons du livre de Job, c’est que non seulement Dieu est la cause première de tout ce qui arrive dans l’univers, mais tout ce qui arrive s’inscrit aussi dans un bon projet, un projet infailliblement conduit par Dieu, un projet qui répond à sa sagesse, à sa justice et à sa miséricorde.
Les intuitions de Job, informées par sa théologie, nous pointent immanquablement vers Jésus-Christ, vers sa personne et son œuvre qui sont au cœur du projet de Dieu, et qui seules apportent une réponse satisfaisante pour nous rassurer et pour susciter en nous la persévérance et la paix dans nos souffrances.
Le malheur existe, mais Jésus est la clef permettant de déverrouiller l’apparente absurdité, ou cruauté, de notre existence. Lui seul est “digne de recevoir le livre et d’en ouvrir les sceaux” (Ap 5.9). Job nous dirait certainement que nous sommes des privilégiés, nous qui vivons après la venue du Messie, et qui avons accès à une révélation spéciale, la Bible, tellement plus complète que celle que pouvait avoir Job!