De nombreux auteurs chrétiens comme J. MacArthur, M. Driscoll, ou encore N. Anderson ont utilisé la terminologie d’"identité en Christ", et aujourd’hui, nous l’entendons régulièrement dans de nombreuses prédications sans qu’a priori cela ne choque personne.
Sur le site americanreformer.org, Caleb Morell fait état de l’apparition de cette « identité en Christ » et passe en revue quelques réflexions tant quantitatifs que qualitatifs.
L’auteur de l’article fait état de plusieurs tendances intéressantes. D’une part, il constate que dans la littérature chrétienne, cette conception d’identité en Christ n’apparaît globalement que depuis une courte période, dans les années 70-80 aux USA, pour ensuite exploser dans les années 2000. Le mot « EN » entre identité et Christ surpasse également tous autres liens que nous pouvons établir entre notre identité et Christ (« de, avec, est, pour… »).
Il met en corrélation le fait que dans la société séculière, la conception d’identité a également évolué ces dernières années d’une manière progressive, et ce depuis les années 60.
Ensuite, il prend l’exemple d’un livre des années 80: Biblical Concepts for Christian Counseling: A Case for Integrating Psychology and Theology, de William T. Kirwan dans lequel une grande partie (environ les deux tiers du livre) est consacrée au thème de « la perte et la restauration de l’identité personnelle », combinant la théologie chrétienne avec la psychologie séculière en croissance rapide de l’estime de soi.
Kirwan écrit:
L’identité de soi est essentiellement la réponse de chaque personne à la question: « Qui suis-je? » (Ch. 4). L’amour répond à notre besoin fondamental d’estime de soi. L’estime de soi comme l’image de soi est l’une des composantes.
La critique que l’auteur pose en premier lieu dans une simplification à outrance de notre identité. Finalement, puisque nous devrions trouver notre identité en Christ, alors nous pouvons négliger les autres. Cela peut avoir de fortes implications et notamment dans le fait de négliger des sphères de notre vie. Notre identité est en fait une pluralité d’identités qui changent et fluctuent suivant les contextes et les interactions sociales.
L’auteur reprend également une citation de Carl Trueman dans son livre The Rise and Triumph of the modern Self:
La question de l’identité dans le monde moderne est une question de dignité.
Il fait le lien entre la dignité et l’évangile thérapeutique. En d’autres termes, cela réduit la relation entre Dieu et l’homme. Cela décrit un Dieu au service du bien-être de l’homme, et le sacrifice de Christ comme une déclaration d’amour vis-à-vis de l’être humain dans le but de restaurer sa valeur.
Enfin, un autre danger se situe dans la réduction de la morale des sentiments et des émotions. Il parle de l’émotivisme comme des lunettes face à la perception de la réalité et de la vérité.
Kevin DeYoung quant à lui parle d’union avec le Christ. C’est une terminologie biblique (Ro 6.5). Cette union est déclinée au travers de notre solidarité à Christ, notre sanctification positionnelle et progressive et enfin notre communion avec Christ.
Ensuite, il faut reconnaître l’identité comme une quête moderne d’idolâtrie. C’est le « je » qui est cultivé, un anthropocentrisme certes subtil, mais présent. Christ est alors celui qui se substitue aux likes sur Facebook, à la reconnaissance des autres. C’est le « je » qui est idolâtré et au centre de cette recherche d’identité.
Par conséquent, cela minimise la grandeur de Dieu, notre Créateur et Souverain qui domine sur toute la création.
Enfin, nous devrions récupérer la doctrine de la « vocation » ou de « l’appel ». Notre union à Christ nous invite à consacrer l’ensemble des domaines et des sphères de notre vie à la souveraineté et la gloire de Dieu.
Il conclut par cette prudence que nous devrions avoir lorsque nous parlons d’ « identité en Christ », voire même de complètement écarter ce langage.
J’ai trouvé l’article bien construit et très pertinent à bien des égards. Il montre clairement l’apparition d’une terminologie dans un contexte donné. Nous voyons clairement une incorporation de la psychologie et du coaching qui peuvent se révéler dangereux dans une idolâtrie subtile, mais bel et bien réels. Dans mes accompagnements, c’est un sujet qui revient régulièrement et notamment dans la recherche précitée d’un Dieu serviteur du bien-être ou du mieux-être.
Cependant, je crois que cette « identité en Christ » peut être décemment utilisée si elle est définie et maniée avec clarté. La question de l’identité n’apparaît pas seulement avec l’estime de soi, mais une recherche qui a toujours existé, et notamment dans l’anthropologie à toute époque. Certes, nous n’avons pas toujours appelé cela « l’identité », mais c’est le terme contemporain pour se dire: Qui sommes-nous?
Le terme peut et devrait être utilisé dans une dialectique vis-à-vis de la culture et de l’idolâtrie. Notre identité en Christ est justement quelque chose que nous devrions appliquer dans toutes les sphères de nos vies. Puisque mon identité est en Christ, comment aborder ma vie de couple et mes responsabilités en tant que parent? Comment devrais-je me comporter dans mon travail ou avec mes voisins?
Cette identité est simplement supérieure et rappelle cette question de la vocation dans toute notre existence. Ce qui reflète le mieux cette vocation, c’est notre lien de filiation et de mimétisme avec Jésus-Christ.
Le langage évolue constamment et l’aspect quantitatif ne devrait pas être une raison suffisante pour nous méfier d’un changement de champ lexical. Je trouve personnellement pertinent d’aller sur le terrain des thérapies et du coaching. Utiliser un vocabulaire similaire permet de créer des ponts plus simples.
Est-ce que Jésus-Christ est la réponse à notre recherche d’identité? Nous le croyons en tant que chrétiens. Par Jésus-Christ, nous comprenons que l’être humain est naturellement corrompu et mauvais, que le péché nous empêche d’avoir une communion avec Dieu, et que nous avons besoin d’une rédemption extrinsèque…
J’ai apprécié cet article à bien des égards dans son ton un peu provocateur. Il nous rappelle que nous devons être prudents dans le langage que nous utilisons et dans l’anthropologie qui peut sous-tendre notre conception de l’être humain et de Dieu.