Saviez-vous que les deux premiers martyrs de la réforme protestante sont morts à Bruxelles? C’était le 1er juillet 1523: cet article vous raconte leur histoire.
De tout temps, des chrétiens ont été mis à mort pour leur attachement à ce que la Bible enseigne. C’est notamment le cas lors de la Réforme protestante au 16ᵉ siècle, et cela a commencé par deux hommes, mis à mort sur la Grande Place de Bruxelles: Henri Voes et Jean van Eschen. Ce sont les deux premiers martyrs de la Réforme protestante du 16ᵉ siècle, condamnés pour hérésie, et brûlés vivants le 1ᵉʳ juillet 1523.
Après la publication des 95 thèses de Martin Luther en 1517, les idées de la Réforme prennent forme et se répandent rapidement. Luther en Allemagne –ainsi que d’autres ailleurs– redécouvrent l’Évangile biblique qui avait été mis de côté par l’Église catholique. Ils proclament le salut par la grâce de Dieu seule, indépendamment des œuvres de l’être humain. Ils se basent sur la Bible comme seule autorité pour leur foi et leur pratique, même quand cela va à l’encontre de ce qu’enseigne la tradition humaine. Par la grâce de Dieu, la Réforme est lancée.
C’est pendant ce temps que les idées de la Réforme –la justification par la foi seule, l’autorité de la Bible au-dessus de celle du pape, etc.– arrivent en Belgique (à l’époque les Pays-Bas du Sud). Au même moment, une inquisition est mise en place aux Pays-Bas, afin de réprimer les idées de la Réforme.
C’est dans le cadre de cette inquisition que Jacques Praepositus, prieur du couvent des Augustins d’Anvers, est arrêté en décembre 1521 pour avoir prêché les idées de la Réforme. Il sera relâché quelques mois plus tard, après avoir abjuré. Pendant ce temps, les moines de ce couvent désignent un nouveau prieur, Lambert Thoren, et continuent à adhérer et à diffuser l’Évangile biblique.
Ils sont tous arrêtés (16 moines) en juin 1522, et emprisonnés à Vilvorde (nord de Bruxelles). Ils sont libérés le mois suivant après avoir renoncé aux idées de la Réforme sous la pression. Tous, sauf 3. Lambert Thoren, Henri Voes, et Jean Van Eschen refusent d’abjurer et continuent à adhérer à l’Évangile biblique.
Face à leur refus d’abjurer, malgré les efforts, le jour de leur exécution est fixé au 1ᵉʳ juillet 1523.
C’est ce qui nous amène sur la Grande Place de Bruxelles, le matin du 1ᵉʳ juillet 1523. Voici comment un témoin de l’époque décrit Henri Voes:
Je ne pouvais, à cause de la foule, entendre le prédicateur; aussi ne cessais-je de fixer l’accusé. Pourquoi dissimulerais-je ce qui est la vérité? Son visage tranquille et serein trahissait, non une sorte de mépris de la mort, mais plutôt une réserve; une douceur profonde. Il paraissait extraordinairement attentif. Lorsqu’il recevait l’ordre d’accomplir tel ou tel acte, c’était étrange, comme il s’en acquittait avec promptitude et décision. On m’a dit qu’il voulait être obéissant jusqu’à la mort.
Lambert Thoren, lui, demande un délai de réflexion pour creuser la question. Il est donc mis de côté (et décèdera quelques années plus tard en prison).
L’exécution a lieu l’après-midi: Henri Voes et Jean Van Eschen sont mis au bûcher et brûlés vifs. Pendant que les flammes montent, ils chantent des cantiques et récitent le Symbole des Apôtres, se répondant par versets l’un après l’autre1. Le supplice dure quatre heures2. Alors que la fumée s’échappe dans les nuages depuis la Grande Place de Bruxelles, Henri Voes et Jean Van Eschen rejoignent leur Seigneur.
Martin Luther apprend la mort de ces deux hommes, les tout premiers à être mis à mort pour leur attachement à la Réforme protestante. Il écrit une lettre aux chrétiens des Pays-Bas en juillet 1523, pour les encourager à tenir bon face à l’adversité grandissante. En voici un extrait:
Martin Luther, prédicateur à Wittenberg, à tous les chers frères de Hollande, du Brabant et des Flandres. Que la grâce et la joie de Dieu notre Père et de notre Seigneur Jésus-Christ soient en vous. [...]
À cette joie, mes bien-aimés, non seulement vous avez part - mais plus encore, vous êtes ceux-là mêmes auxquels nous devons de ressentir cette joie et ce bonheur immenses. Car non seulement il vous est donné à vous -avant le reste du monde- d'entendre l'Évangile et d'apprendre à connaître le Christ, mais vous pouvez aussi être parmi les premiers à porter l'opprobre du Christ, souffrir la honte et le préjudice, la peur et le danger, et maintenant devenir si riches en fruits et en puissance que vous êtes aspergés de votre propre sang et renforcés par lui.
Puisque c'est chez vous, à Bruxelles, que ces deux nobles diamants du Christ, Henri et Jean, oh que ces deux âmes ont été exécutées de manière méprisable!3
Deux remarques sont nécessaires face à cette réaction de Martin Luther.
Premièrement, cela montre bien que l’enjeu de la Réforme protestante, selon Luther, c’est l’Évangile. Il s’exprime ainsi:
Il vous est donné à vous -avant le reste du monde- d'entendre l'Évangile et d'apprendre à connaître le Christ.
Ici, Luther fait référence aux idées de la Réforme qui se sont propagées rapidement près d’Anvers. Ces idées ne sont pas les idées de Luther, mais il s’agit de l’Évangile: la connaissance de Christ lui-même. C’est l’Évangile qui avait été mis de côté, la bonne nouvelle par laquelle les êtres humains pécheurs que nous sommes peuvent être libres du jugement qu’ils méritent grâce à l’œuvre suffisante de Christ à la croix. Et c’est l’Évangile que la Réforme a remis en avant dans toute sa splendeur.
Deuxièmement, la réaction de Luther suit la logique de Philippiens 1.29:
En effet, il vous a été fait la grâce non seulement de croire en Christ, mais encore de souffrir pour lui.
Luther considérait comme un privilège le fait de croire en Christ, mais aussi le fait de “porter l’opprobre du Christ, souffrir la honte et le préjudice, la peur et le danger (...)”, jusqu’à même mourir pour le Christ. Dans cette même lettre, il écrit aussi:
Nous ici (en Allemagne) nous n’avons pas encore assez de valeur pour devenir un si précieux sacrifice pour le Christ, même si beaucoup d’entre nous ont connu les persécutions et les connaissent encore.4
Le fait de souffrir pour Christ est une grâce et un privilège. Ce n’est pas quelque chose à fuir, parce qu’il s’agit de souffrir pour la vérité. Cette vérité est la bonne nouvelle la plus importante au monde, celle par laquelle nous pouvons être réconciliés avec Dieu et libres de la condamnation que nous méritons.
Encore aujourd’hui, ces vérités sont les mêmes. La justification par la foi seule, l’autorité de la Bible comme parole suffisante de Dieu, Christ comme seul chemin pour le salut: il n’y a pas de vérités plus précieuses que celles-ci. Il faut rester attachés à ces vérités: continuer à y croire et à continuer à les enseigner. Il faut faire cela avec courage et fermeté, même quand ces vérités sont mises à mal. Il faut oser dénoncer l’erreur et éviter le compromis. Il faut aussi faire cela avec amour et compassion, envers un monde perdu qui a tant besoin de l’Évangile qu’il rejette.
C’est ainsi que nous pourrons véritablement marcher sur les traces de Henri Voes et Jean Van Eschen: en restant attachés, comme eux, au seul message pour lequel il vaut la peine de vivre et de mourir. Comme l’a dit le Seigneur Jésus lui-même:
Que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme?
Merci à Jean-Pol Vilain d’avoir fourni les sources nécessaires à la rédaction de cet article.