On sait l'importance de « dire la vérité dans l'amour » dans l'Église (Éphésiens 4.15). Pourtant, cette expression est souvent mal comprise et, du coup, mal mise en pratique. Zoom sur sa signification réelle.
« Exprimer la vérité dans l’amour » (ou « dire la vérité avec amour ») est une expression magnifique, que les chrétiens affectionnent particulièrement. Mais savons-nous ce qu’elle signifie réellement?
Il est important de souligner d’abord ce que l’expression biblique ne veut pas dire. Certains chrétiens l’emploient pour justifier de faire passer des messages « difficiles à entendre ». Comprise dans ce sens, elle se rapprocherait presque de l’expression « dire à quelqu’un ses quatre vérités », c’est-à-dire (soyons honnêtes) « toutes les choses désagréables que l’on pense de lui, mais que l’on n’a pas osé lui dire jusqu’à maintenant ». On prend le soin de préciser: « Bien sûr, nous devons le faire avec beaucoup d’amour… » Mais ce n’est pas de cela dont il est question ici.
Par ailleurs, l’expression biblique ne nous exhorte pas simplement à dire ce qui est « vrai », c’est-à-dire à ne pas mentir. Ceci est bien entendu d’une extrême importance, mais la « vérité » fait référence à une réalité plus précise dans notre expression.
Pour être bien saisie, notre expression, qui provient de la lettre de Paul aux Éphésiens, doit être située dans son contexte. Lisons donc Éphésiens 4.11-16:
11C’est lui [Christ] qui a fait don de certains comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme prédicateurs de l’Évangile, et d’autres encore, comparables à des bergers, comme enseignants. 12Il a fait don de ces hommes pour que les membres du peuple saint soient rendus aptes à accomplir leur service en vue de la construction du corps de Christ.
13Ainsi nous parviendrons tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à un stade de maturité où se manifeste la plénitude qui nous vient de Christ. 14De cette manière, nous ne serons plus de petits enfants ballottés comme des barques par les vagues et emportés çà et là par le vent de toutes sortes d’enseignements, à la merci d’hommes habiles à entraîner les autres dans l’erreur.
15Au contraire, en exprimant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête: Christ.
16C’est de lui que le corps tout entier tire sa croissance pour s’affermir dans l’amour, sa cohésion et sa forte unité lui venant de toutes les articulations dont il est pourvu, pour assurer l’activité attribuée à chacune de ses parties.
Éphésiens 4.11-16
Ce texte nous procure l’une des clés de la croissance d’une Église, comparée ici à un corps dont Christ est la tête. Comment croître en nombre, mais surtout en maturité en tant qu’Église locale? Réponse: en étant une Église dont les membres se disent les uns aux autres la vérité dans l’amour.
Or la vérité ici, c’est spécifiquement la vérité de l’Évangile, la Bonne Nouvelle de ce que Christ a fait pour nous.
En effet, Paul écrit, en Éphésiens 1.13: « vous avez entendu le message de vérité, cet Évangile qui vous apportait le salut. » Nous avons entendu la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ (appelée le message de vérité dans Éphésiens). Quand nous sommes devenus chrétiens, nous avons mis notre foi, notre confiance dans ce message.
Paul nous dit maintenant, au chapitre 4: entre vous – et voilà ce qui vous fera grandir collectivement –, donnez-vous des piqûres de rappel! Rappelez-vous régulièrement les uns aux autres ce message de la grâce de Dieu. Et faites-le avec une attitude d’amour, c’est-à-dire de grâce et de bonté, en vous respectant et en vous accueillant les uns les autres.
Paul affirme donc qu’il existe un « ministère de la Parole » fondamental dans la vie de l’Église qui implique chacun et chacune d’entre nous – tous les membres. Dans le contexte de nos relations fraternelles (il n’est pas question d’évangélisation ici, mais plutôt d’édification entre chrétiens), nous sommes tous, d’une certaine manière, des prédicateurs et des prédicatrices de la vérité sur Jésus.
Et nous sommes appelés à être des communicateurs aimants de cette vérité. Cela fait sens: cette vérité concerne l’amour de Dieu envers nous. Ainsi, l’attitude du messager doit coller avec la nature du message d’amour. Il serait désastreux que notre attitude contredise notre message!
Suivons le fil du texte à partir du verset 11. Dans ce verset, Paul nous dit que Christ a fait des dons à l’Église. Il lui a donné des leaders qui jouent des rôles particuliers: les apôtres, les prophètes, les prédicateurs de l’Évangile, les bergers (pasteurs) et les enseignants. Ces groupes de leaders ont ceci en commun: ils exercent tous un ministère de la Parole particulier, ils proclament un message.
Au verset 12, Paul ajoute que Christ nous a donné ces leaders pour que tous les chrétiens soient rendus aptes à accomplir leur service. Autrement dit, dans l’Église, les responsables ne font pas tout le boulot, mais leur rôle est de former tous les chrétiens pour que chacun puisse jouer son rôle dans le contexte du service.
Mais quel est la nature de ce fameux service que chaque chrétien doit accomplir? S’agit-il de toutes les tâches qu’effectuent tous les bénévoles de l’Église? De la participation de chacun dans les différents programmes de la communauté? Tout cela est indispensable à la vie de l’Église, c’est clair. D’autres textes bibliques encouragent directement toute cette variété de contributions.
Mais encore une fois, Paul pense ici à quelque chose de plus précis. Il vient de nous dire que les leaders de l’Église, dont le ministère est centré sur la Parole, ont pour mission de nous former. Alors, il serait logique que le service pour lequel ils nous équipent concerne aussi la Parole, que leur responsabilité soit de nous préparer à exprimer à notre tour cette Parole.
Et c’est exactement ce que Paul nous dit au verset 15: « en exprimant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête: Christ. » Autrement dit, il y a un lien fort entre le verset 12 (qui nous dit que nous avons tous un service à accomplir) et le verset 15 (qui précise que ce service, c’est premièrement d’exprimer la vérité de l’Évangile dans le cadre de nos relations fraternelles).
En Éphésiens 4, nous sommes devant un tableau magnifique de l’Église locale. On y aperçoit les responsables, qui jouent un rôle-clé. Mais on y voit également l’ensemble des membres, qui échangent autour du message de la grâce de Dieu. Quand les responsables et les membres parlent de Jésus avec amour, tout le corps progresse vers la maturité. Il est alors permis de rêver d’une Église extraordinaire.
Quand nous discutons avec d’autres chrétiens, c’est donc le message de grâce qui doit teinter et orienter tous nos propos. Si nous nous redisons l’Évangile les uns aux autres (en évoquant ce que Christ a fait pour nous), nous parlerons aussi des nombreuses implications pratiques de la Bonne Nouvelle dans notre vie. Voilà qui demande beaucoup d’écoute mutuelle et, bien sûr, l’aide de l’Esprit.
Remarquez que la vérité de l’Évangile, au verset 15, est le contraire des enseignements dangereux du verset 14, où Paul emploie l’image d’une barque qui serait emportée par le vent de toutes sortes d’enseignements. Il pense ici aux visions du monde prônées par la société qui s’opposent à la vision biblique. Ainsi, exprimer la vérité, c’est aussi discerner la pensée et la philosophie qui se cachent derrière tous les messages erronés qui nous assaillent.
Il est ardu d’accomplir cette tâche seul. On dit parfois qu’il faut tout un village pour élever un enfant. Semblablement, il faut toute une Église pour amener chaque chrétien et l’ensemble du corps jusqu’à la maturité!
Souvent, nous avons tendance à opposer la vérité et l’amour. C’est une fausse dichotomie. À ce sujet, voyez mon billet Vérité et amour dans l’Église, qui contient une citation percutante de John Stott.
Dans cette vidéo, je vous explique l’objectif de ce livre: