La discussion qui a changé ma compréhension du sécularisme

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      Fête des voisins, il y a quelques années : je discute avec un voisin que je ne connais pas bien.

      Après quelques minutes, il me demande :

      — Tu fais quoi dans la vie ?

      — Je suis pasteur. Je sers une Église protestante évangélique dans le centre-ville.

      — Ah cool, je n’ai jamais rencontré de pasteur !

      Il regarde mon alliance au doigt et me pose la question classique :

      — C’est quoi la différence avec les curés ?

      Je lui explique. Surtout, je lui raconte pourquoi je suis devenu pasteur : Jésus m’a sauvé et j’aime le voir sauver et transformer des vies. Je suis pasteur pour aider les gens qui se posent des questions sur la vie en cheminant avec eux à la découverte de Jésus et de son message.

      Nous continuons d’échanger, puis j’espère éveiller un intérêt :

      — Et au fait, toi, tu te poses des questions sur le sens de la vie ?

      — Tant que le boulot se passe bien et que les enfants sont en bonne santé, ça va.

      Je sens le décalage. Je multiplie les perches. Je lui demande s’il se pose des questions sur la vie après la mort, sur l’origine du monde, sur le bien et le mal. Il s’en fiche. “Tant que le taf se passe bien et que les enfants sont en bonne santé, ça va.”

      La conversation dévie sur d’autres sujets. Puis, à la fin de ce moment fort sympathique, il me pose la question qui va me terrasser. Il m’interroge avec une vraie sincérité :

      — Et du coup, toi, tu y crois vraiment, en Dieu ? Je veux dire, t’es vraiment pratiquant et tout ?

      Que venait-il de se passer ?

      Cette conversation illustre que, pour la plupart des gens vivant dans une société sécularisée, être chrétien, c’est avoir une religion désuète et qui n’a aucune emprise réelle sur notre vie, sauf si on est un intégriste.

      À la limite, on comprend le “croyant, mais pas pratiquant”. Mais si je vous avouais que je suis vegan non pratiquant… Ça fait sens ?

      Le plus grand défi pour les chrétiens

      Le défi est que nous vivons dans notre société sécularisée, où la foi est renvoyée à quelque chose d’irrationnel et d’inutile.

      Or, le juste vivra par la foi.

      Habakuk 2.4

      Une société sécularisée est une société où la vision biblique du monde est minoritaire et méprisée par les autres visions du monde avec lesquelles elle est en concurrence.

      Nous grandissons et évoluons dans cette société où des choses qui ne sont pas Dieu se sont imposées pour répondre à notre besoin :

      • de sens,
      • de morale,
      • et de plénitude.

      La plupart des gens ont trouvé une alternative à ce que la Bible affirme sur le monde, sur le bien et le mal.

      La société du supermarché des visions du monde

      Ce que la Bible nomme bien, la majorité des gens le nomment mal, et ne reconnaissent à la Bible aucune autorité ni valeur pour se prononcer sur les sujets de la vie. Par exemple :

      • sexualité et mariage,
      • éthique de début et de fin de vie,
      • ce que c’est qu’être un homme ou une femme.

      Aujourd’hui, ce qui est bien, ce qui est moral, c’est de vivre selon ses désirs, selon ce qui entre en résonance avec ses idéaux personnels.

      C’est la nature même de l’éthique moderne : être authentiquement soi-même. Dans une société sécularisée, la foi en Dieu est donc une option parmi d’autres (pluralisme).

      Notre société est un supermarché de visions du monde et de manières de vivre qui offrent des réponses plus ou moins élaborées à nos aspirations spirituelles et morales.

      Chacun met dans son caddie personnel ce qui convient à ses désirs.

      Dans le grand supermarché des croyances, le christianisme prend la poussière tout au fond. Il est classé parmi les produits périmés et rangé à côté des produits retirés du marché.

      Plus personne n’en veut. Pire : tout le monde s’en méfie.

      Le sécularisme n’est pas l’athéisme

      Le sécularisme enjoint à vivre sans référence à Dieu dans un monde désenchanté.

      Il est plus pernicieux que l’athéisme, et bien plus qu’une simple vision théorique du monde : c’est une manière de vivre dans le monde.

      C’est trouver du sens et chercher son épanouissement personnel sans avoir besoin de Dieu. C’est déterminer son identité et son bonheur en soi et dans ce que le monde nous propose.

      « Si tu crois en Dieu et que ça t’aide, tant mieux pour toi. »

      Le sécularisme crée un malaise que nous avons du mal à définir.

      Je rencontre souvent des non-chrétiens dont la vie est loin d’être dépravée. Au contraire : leur existence est pleine de sens, mais sans aucune référence à Dieu.

      Et, honnêtement, leur quotidien ressemble au mien :

      • un travail qui a du sens et contribue au bien commun,
      • des valeurs proches des miennes,
      • le même désir de bonheur en famille,
      • les mêmes rêves de vacances.

      Alors, qu’est-ce qui nous distingue ? À première vue : presque rien.

      D’un point de vue sociologique, nous partageons la même manière de vivre… sauf quelques pratiques religieuses.

      D’où leur réaction sincère quand nous parlons de notre foi : “Si tu crois en Dieu et que ça t’aide, tant mieux pour toi. Moi, même si Dieu existe, je n’ai pas besoin de lui pour vivre.”

      Ces constats soulèvent des questions brûlantes :

      • Si le sécularisme est une façon de vivre… et que nous vivons pareil, en sommes-nous contaminés ?
      • Comment montrer que Jésus sauve et transforme, si, au fond, notre vie ressemble à celle de nos amis sécularisés ?
      • Que veut dire croire en Jésus dans une société qui se passe très bien de lui ?

      Notre défi : vivre par la foi

      Connaissez-vous l’histoire du vieux poisson qui croise deux jeunes ?

      Il leur lance :

      — L’eau est chaude aujourd’hui, vous ne trouvez pas ?

      — Quelle eau ? répondent les jeunes.

      Nous ne voyons même plus le bain culturel dans lequel nous nageons. Pourtant, il façonne notre manière de penser et notre rapport à la foi.

      Grandir dans une société qui répète chaque jour qu’on peut donner du sens à sa vie sans Dieu, ce n’est pas neutre. Petit à petit, ça nous influence.

      Le sécularisme finit par produire des chrétiens qui croient en Jésus… mais qui vivent comme si Dieu n’existait pas.

      Soyons honnêtes :

      • Au réveil, nos yeux se posent-ils d’abord sur nos notifications ou recherchons-nous la face de celui sans lequel on ne peut rien faire ?
      • Quand nous voyons notre prochain en difficulté, voyons-nous Dieu qui, dans sa providence, l’a placé sur notre chemin afin que nous pratiquions les bonnes œuvres qu’il a prévues ?
      • Nous disons : “Tout appartient à Dieu.” Mais gérons-nous notre argent comme s’il était vraiment à lui ?
      • Quand tout bloque, commençons-nous par prier… ou prions-nous seulement quand ni Google ni ChatGPT ne trouvent la solution ?

      Nous croyons, mais souvent, nous vivons plus comme des athées que comme des disciples de Jésus.

      Prendre la vie chrétienne au sérieux, c’est prendre Jésus au sérieux.

      Dans un monde qui nous apprend à piocher dans le supermarché des idées selon nos désirs, la vie de disciple n’est pas un menu à la carte.

      Vivre pour Jésus, c’est apprendre une nouvelle manière de vivre qui découle de notre relation avec lui.

      Mais la modernité, le bain culturel dans lequel nous évoluons, nous déforme. Les apôtres le savaient.

      On peut résumer leur enseignement sur la vie chrétienne à apprendre à vivre par la foi en Église :

      Je vous encourage donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à vous conduire d’une manière digne de l’appel que vous avez reçu.

      Éphésiens 4.1

      Conduisez-vous d’une manière digne de l’Évangile du Christ.

      Philippiens 1.27

      Marchez d’une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire.

      1 Thessaloniciens 2.12

      Bonne nouvelle, le sécularisme nous oblige à l’intégrité

      Le sécularisme nous pousse à croire sans vivre, à parler sans incarner. Si notre manière de vivre contredit notre foi, personne ne croira notre message.

      Le juste vivra par sa foi.

      Habakuk 2.4

      Dans la Bible, la foi n’est pas une opinion. Croire en Jésus, c’est vivre par Jésus et pour Jésus.

      Je suis convaincu que, dans une société sécularisée, le grand défi de l’Église au XXIᵉ siècle est de redécouvrir la Seigneurie de Christ et d’en vivre. Partout. Tout le temps.

      Apprenons à vivre pour Jésus et par Jésus, quoi qu’il en coûte, afin que notre vie parle aussi fort que notre bouche.

      Raphaël Charrier

      À 17 ans, Raphaël s’engage dans l’armée dont il est renvoyé moins de deux ans après. Il reprend alors l’école et obtient le bac à 23 ans. C’est à ce moment qu’il découvre la personne et l’œuvre de Jésus-Christ et place sa foi en lui pour être sauvé. Il poursuit ses études et devient Éducateur Spécialisé. Il s’oriente ensuite vers des études de théologie à l’Institut Biblique de Genève, puis à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-Sur-Seine, afin de se consacrer au service de l’Évangile.

      Après un premier poste pastoral à plein temps à l’ECE de Grenoble pendant 9 ans, il partage aujourd'hui son ministère entre une charge pastorale à Sola Gratia, l'enseignement dans des institutions de formation théologique, l’écriture et le blogging. Il est marié à Marion et ils ont deux enfants. Il est auteur de plusieurs livres, dont Vivre pour Jésus qui a pour objectif d'aider les chrétiens à poser les bons fondements de la vie chrétienne.

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