Le coût spirituel du divertissement à tout prix

      LoisirsVision du monde chrétienne
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      Dans son livre La guerre des spectacles, Tony Reinke cite David Foster Wallace. Dans une interview qui date de 1996 (!), ce dernier affirmait de manière presque prophétique…

      Je pense que les quinze ou vingt prochaines années seront une période très effrayante et très exaltante, a affirmé David Wallace, au cours de laquelle nous devrons réévaluer notre relation aux distractions, plaisirs et divertissements, parce qu’ils vont devenir tellement bons, et la pression tellement élevée que nous serons obligés de nous forger une attitude à cet égard qui nous permette encore de vivre.

      La pente glissante de la culture du divertissement

      Piper commence par montrer comment les divertissements mettent en péril les traits caractéristiques de la vie chrétienne. En effet, “l’ère technologique moderne dans laquelle nous sommes entrés, en particulier une ère de divertissement visuel omniprésent créé dans le cadre d’une vision du monde qui ignore Dieu ou qui est hostile à Dieu” menace:

      • notre poursuite de la pureté de cœur (1 Timothée 1.5),
      • la pensée de Christ que nous possédons (1 Corinthiens 2.16),
      • nos affections portées sur les choses d’en haut (Colossiens 3.1-2),
      • le renouvellement dans l’esprit de nos pensées (Éphésiens 4.23),
      • la transformation de nos émotions,
      • la pureté de nos vies (Jacques 1.27),
      • notre volonté d’amasser des trésors dans le ciel et non sur la terre (Matthieu 6.19-20),
      • la clarté de notre vision de la lumière de l’Évangile de la gloire de Christ (2 Corinthiens 4.4),
      • notre jouissance de la communion quotidienne avec le Fils de Dieu (1 Jean 1.3),
      • l’illumination des yeux de notre cœur pour connaître quelle est l’espérance de notre appel, les richesses de la gloire de notre héritage et l’incommensurable grandeur de la puissance de Dieu envers les croyants (Éphésiens 1.18-19),
      • notre goût du siècle à venir (Hébreux 6.5),
      • notre liberté face aux convoitises des yeux et de la chair ainsi qu’à l’orgueil de la vie (1 Jean 2.16),
      • la puissance de l’Esprit dans notre être intérieur (Éphésiens 3.16),
      • la clarté de notre vision de la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour de Christ (Éphésiens 3.17-18), et
      • notre jouissance de toute la plénitude de Dieu (Éphésiens 3.19).

      Puisque ce divertissement continuel étouffe ce que Dieu nous appelle à vivre par son Esprit, Piper entrevoit le besoin d’un engagement radical, une manière de vivre à contre-courant de la culture ambiante.

      Je soupçonne que, dans ce nouveau monde saturé de temps d’écran (télévision grand écran, ordinateur, tablette ou smartphone), toutes ces précieuses marques de la véritable vie chrétienne demanderont de retrouver l’engagement radical de l’Église primitive à se détacher plus intentionnellement des schémas du monde, en particulier de ceux du divertissement, afin de goûter éternellement à la grandeur de Christ.

      Il explique: le manque de discernement et de radicalité a conduit de nombreux chrétiens à se laisser divertir par une culture qui prône le péché.

      Depuis des décennies, la plupart des chrétiens se sont simplement laissés entraîner dans l’adoption des modes de vie du monde, dans la manière dont nous passons nos soirées et nos week-ends, à l’exception de quelques heures pour l’église le dimanche. Au départ, cette dérive semblait inoffensive parce qu’il y avait une telle superposition entre la prétendue vision chrétienne du monde et les produits des empires des médias et du divertissement.


      En réalité, cette convergence était moins importante que nous le pensions. Du moins, je reconnais que, dans mon enfance, je ne l’ai pas perçue. Elle était superficiellement chrétienne dans la mesure où de nombreux tabous culturels rejoignaient encore ceux du christianisme, mais Dieu en était absent et nous le remarquions à peine, sans en être peinés ou offensés.


      Aujourd’hui, cette convergence superficielle entre culture médiatique et culture chrétienne est devenue infime. La plupart des programmes et films sont désormais totalement dépourvus non seulement de Dieu, de Christ et de tout défenseur digne de sa grandeur ou de sa justice, mais aussi, de plus en plus, de toute retenue dans la célébration du péché. Le péché y est constamment banalisé et normalisé, et les chrétiens prennent plaisir à consommer ces contenus.


      Pourtant, malgré ces évolutions, la plupart des chrétiens ont continué à s’immerger dans cette culture du divertissement, pour leur seul plaisir. Ainsi, des millions de chrétiens se délectent nuit après nuit d’un divertissement qui omet Dieu, néglige Christ, exalte l’homme, flatte l’ego, excite sexuellement et normalise le péché.

      Le résultat: des chrétiens tièdes et des Églises mondaines

      Le résultat est terrible pour le chrétien en particulier, mais aussi pour les Églises plus généralement. Une Église peuplée de chrétiens dont la conscience est altérée par un divertissement qui prône ce qui est contraire à la vision du monde chrétienne finira inexorablement par ressembler au monde.

      Le résultat est une Église qui assimile toujours davantage les intuitions, les réflexes, les préférences et les désirs du monde. Une Église qui puise régulièrement sa détente et son plaisir dans le monde devient inévitablement mondaine.


      Et une Église mondaine est une Église sans puissance. Elle ne connaîtra pas la plénitude du Saint-Esprit, ni l’audace dans la prière, ni le courage dans le témoignage, ni la disposition à se sacrifier pour le salut des perdus et l’exaltation de Christ.


      On ne peut pas avoir le cœur brisé pour les perdus tout en prenant plaisir, soir après soir, à être diverti par eux dans leur perdition.

      La nécessité de se détacher des schémas du monde

      Piper revient sur son intuition que l’Église devra bientôt retrouver un détachement face aux schémas du monde concernant le divertissement. Mais il entrevoit un espoir: une nouvelle génération conduite par une vision de la gloire de Dieu.

      C’est pourquoi j’affirme que, pour être un vrai chrétien dans les temps à venir, il faudra retrouver de manière radicale l’engagement ancien de l’Église primitive à se détacher volontairement des schémas du monde, en particulier dans le domaine du divertissement.


      Je crois que Dieu suscitera une génération tellement émerveillée par ce qu’elle possède en Dieu, en Christ, dans le salut, la voie de la justice et les sacrifices de l’amour, qu’elle ne sera pas intimidée par les accusations la qualifiant de nouveau fondamentalisme.


      Elle retrouvera avec joie et sérieux les paroles de l’apôtre: “Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles? Car nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit: J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux et séparez-vous d’eux, dit le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant.” (2 Corinthiens 6.16-18).


      Ce détachement radical face au vide du monde ne se fera pas pour lui-même. Nous ne ferons pas l’erreur de croire que la séparation, pour la seule séparation, est une vertu qui honore Christ. Ce n’est pas le cas.

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      • Nous dirons non pour un oui glorieux et pleinement satisfaisant.
      • Nous dirons non au fait d’être des enfants de ce siècle, en raison du privilège inouï d’être fils et filles du Seigneur tout-puissant.
      • Nous dirons non à la stimulation passagère et insatisfaisante de nos convoitises, afin de goûter la satisfaction profonde de savourer Christ et de le servir, convaincus qu’“il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir”.
      • Nous dirons non aux désirs de la chair, aux désirs des yeux et à l’orgueil de la vie, car nous poursuivons quelque chose d’incomparablement plus profond, plus élevé, plus riche, plus complet et plus durable que tout ce que le divertissement séculier peut offrir.

      Conclusion

      La génération de nos parents ou grands-parents a parfois vécu dans une forme de légalisme, nourri par une théologie du retrait. Pour se distinguer du monde, nombre d’Églises refusaient toutes formes de divertissement (cinéma, danse, etc.). Pour se distinguer du monde, ces Églises se coupaient du monde. Dans un mouvement de balancier, les générations suivantes ont opéré un virage laxiste, en adoptant sans discernement les mêmes formes de divertissement que le monde.

      Mais John Piper a raison: nous ne pouvons pas prétendre nous distinguer du monde si nous consommons exactement les mêmes choses. Il doit y avoir une différence. Entre le retrait et la compromission, il y a la résistance culturelle des chrétiens. Nous devons résister à l’attrait du monde et à ses sirènes, qui veulent nous faire couler en nous attirant vers les écueils du divertissement.

      Nous ne devons pas non plus être naïfs au point de croire que ce que nous consommons ne nous change pas. Ce que nous regardons nous façonne. Nos divertissements transforment nos affections et influent sur notre vision du monde.

      Nous devons donc exercer notre discernement et nous armer de courage pour résister au mal, souvent déguisé en divertissement d’apparence inoffensive. Nous devons être cette génération dont parle Piper, dont le visage est tourné vers Christ, le cœur saturé de sa gloire, avec sa louange aux lèvres. Il en va de la santé de nos âmes, du témoignage de nos Églises et de la réputation de Christ.

      Je termine avec une autre citation du livre de Reinke:

      Chanon Ross nous appelle à prendre l’identité de "martyrs vivants", à être dans mais non de ce monde, "morts à ce monde" ainsi qu’à tous ces spectacles étincelants, mais vivants en Christ (Col 2.20). Être un martyr vivant consiste à refuser sciemment de vivre sous la domination des industries du spectacle et du consumérisme, de se retirer stratégiquement de ce monde centré sur les représentations et axé sur la consommation, en tant que témoin de la valeur de Christ, pour adopter la tempérance et s’engager de nouveau à prioriser la communauté dans laquelle nous vivons.

      Pour aller plus loin


      Matthieu Giralt

      Matthieu Giralt est cofondateur du site ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils. Il est l’auteur du livre Voir comme Dieu voit avec BLF Éditions.

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      Orateurs

      M. Giralt et R. Charrier