Nous oublions parfois que les différents livres bibliques sont justement des livres. Quand une personne écrit un livre, de manière générale, elle ne le fait pas pour rassembler plusieurs idées disparates. Habituellement, un auteur agit dans un but précis. Il a une pensée qu’il tente de communiquer et les différentes parties du livre soutiennent ce message. Dans le cas de la Genèse, quelqu’un a rassemblé des sources et produit ce livre dans un but précis. Dieu a providentiellement dirigé cette personne pour nous transmettre un message. Et ce message, nous devons nous appliquer à l’étudier puisqu’il fait partie de la Parole de Dieu. Il est donc important de s’attarder au message du livre dans son ensemble.
Quand on examine le livre de la Genèse dans son ensemble, et particulièrement le déroulement du récit, on s’aperçoit que le livre se divise naturellement en deux parties: de Adam à Abraham et d’Abraham à Jacob.
À première vue, il semble que la manière la plus naturelle de repérer la structure du livre soit liée à l’emploi du terme « toledot » (« les générations » ou « l’histoire de »). Ces introductions témoignent de sources, ou en tout cas de transitions évidentes dans le récit puisqu’on les retrouve en 2.4; 5.1; 6.9; 10.1; 11.10, 27; 25.12, 19; 36.1; 37.2. Certains toledots introduisent un récit, tandis que d’autres introduisent simplement une ou plusieurs généalogies:
Cette division du livre de la Genèse en deux parties est aussi confirmée par le déroulement du récit. Dans les 11 premiers chapitres, on arrive au-delà de 2000 ans en additionnant les données contenues dans les généalogies. En revanche, les 39 chapitres qui suivent se déroulent sur 300 ans (quatre générations). Il devient apparent que les 11 premiers chapitres forment un prologue au récit d’Abraham et de sa famille.
Ce prologue sert à situer l’appel d’Abraham et de sa descendance dans le contexte de la création, de la chute, du déluge, puis de la situation géographique, culturelle et spirituelle des nations. Dans ces 11 premiers chapitres, nous trouvons en fait trois courts épisodes entre lesquels s’opèrent des sauts (fast-forward) importants: 1) la création, la désobéissance et ses effets, 2) le déluge, puis 3) Babel et la dispersion des peuples.
Dans la seconde partie du livre, les généalogies ne servent plus à faire avancer le récit, mais plutôt à expliquer le sort (ou peut-être l’origine) des diverses branches de la famille élue qui ne font pas partie de la lignée de la promesse. C’est le cas de la généalogie d’Ismaël et de celle d’Ésaü. Il est intéressant de noter qu’il y a cinq toledots avant le récit d’Abraham et cinq toledots à partir d’Abraham.
En tenant pour acquis le fait que les 11 premiers chapitres servent d’introduction, le thème principal se trouve énoncé en 12.1-3: il s’agit de la promesse. L’importance de cette promesse d’une postérité (puis d’un pays) explique l’inclusion d’éléments étranges dans le récit, tels l’infertilité des épouses, les mensonges des patriarches au sujet de leur épouse, et le fait que l’enfant de la promesse n’est jamais celui à qui revient le droit d’aînesse. Bref, la réalisation de la promesse est souvent menacée et finit par s’accomplir (partiellement du moins) de manière étrange et inattendue. Cela constitue l’intrigue principale du livre.
Nous constatons aussi la présence du thème création-jugement-recréation. Alors que la création initiale est corrompue par la désobéissance du premier couple, Dieu expulse ce dernier du jardin. Pourtant, il lui donne aussi la promesse d’une postérité qui vaincra. Seth semble être l’enfant par qui la promesse se réalisera alors que Caïn tue Abel et que sa descendance plonge vers le mal. L’humanité est presque entièrement détruite lors du déluge, mais Noé est présenté comme un nouvel Adam (curieusement, lui aussi a trois fils).
Mais à peine Noé est-il sorti de l’arche, l’humanité se corrompt à nouveau. La réponse de Dieu s’opère de deux manières, Premièrement, les humains sont jugés en étant dispersés pour éviter une trop forte « concentration » de rébellion. Mais surtout, Dieu appelle un nouveau couple hors de ces nations qui lui sera attaché et qui servira à bénir tous les peuples. Cette bénédiction est initialement très limitée puisque cette famille lutte pour sa survie, mais nous voyons déjà lors du séjour de Joseph en Égypte la manière dont cet homme fut lui-même source de salut pour un pays et une région toute entière.
Genèse 12.1-3 décrit la promesse faite à Abraham:
Ces trois versets énoncent explicitement le programme du Pentateuque en entier (les cinq premiers livres de la Bible). Le pays, qui sera plus clairement promis à la descendance d’Abraham au verset 7 et aux chapitres 15 et 17, est le premier élément. Le deuxième est la promesse d’une postérité nombreuse formant une nation. Le troisième élément explique la relation que Dieu entretiendra avec Abraham et sa postérité.
Il s’agit d’une relation de bénédiction. Cette bénédiction ne sera pas confinée à la famille d’Abraham mais aura des répercussions importantes sur toutes les nations. Il s’agit d’une bénédiction telle que le nom d’Abraham sera reconnu parmi les nations, qu’il sera une source de bénédictions pour toutes les familles de la terre, et que celles-ci seront bénies ou maudites selon leur attitude vis-à-vis d’Abraham et de sa descendance. Nous sommes donc en présence d’une promesse à trois composantes:
Ce dernier élément, la bénédiction divine, établit un lien avec le récit qui précède (Genèse 1-11) et un contraste saisissant avec l’humanité encore sous la malédiction. Il s’agit en quelque sorte de la réponse de Dieu aux évènements qui ont précédé, la nouvelle bénédiction qui va renverser la malédiction. Cette bénédiction viendra par l’entremise de la lignée de la promesse. Dès le début de la Genèse, nous voyons une démarcation claire entre la postérité de la promesse (en rouge) et celle du serpent (composée d’individus qui s’opposent à Dieu). Après Abraham, la lignée de la promesse n’est plus autant mise en contraste avec la lignée du serpent, mais elle se trouve réalisée de manière inattendue:
Le livre se termine sur une note mitigée. La postérité nombreuse n’est formée que de Jacob et de sa famille. Ils ont évité de justesse plusieurs calamités et n’ont pas de pays, mais nous attendons la suite pour découvrir la manière dont la promesse à trois volets se réalisera.
L’apôtre Paul reprend ces promesses pour en dévoiler leurs conséquences ultimes. En voici quelques-unes :
« Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous – car il est écrit: Maudit est quiconque est pendu au bois – afin que la bénédiction d’Abraham ait pour les païens son accomplissement en Jésus-Christ, et que nous recevions par la foi l’Esprit qui avait été promis. » (Galates 3.13-14)
« Comme Abraham crut à Dieu, et que cela lui fut imputé à justice, reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d’Abraham. Aussi l’Ecriture, prévoyant que Dieu justifierait les païens par la foi, a d’avance annoncé cette bonne nouvelle à Abraham: Toutes les nations seront bénies en toi! Ainsi, ceux qui croient sont bénis avec Abraham le croyant. » (Galates 3.6-9)
« Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3.29)
La promesse annoncée par Dieu à Abraham à cet endroit charnière dans le livre de la Genèse est encore d’actualité aujourd’hui. Dieu est à l’œuvre dans ce monde pour renverser la malédiction du péché au moyen de la victoire de Jésus à la croix et de l’adoption dans sa famille de tous ceux qui croient. La Bible nous enseigne que la malédiction sera finalement et totalement bannie alors que la mort sera engloutie lors de la résurrection qui se produira au retour du Seigneur. En attendant, nous sommes appelés à être des agents de réconciliation – à trouver notre place dans le projet de Dieu – pour apporter la bénédiction de Jésus à l’humanité par le message d’espoir de notre Sauveur, par nos ministères de compassion et de justice, et par le modèle de notre vie en tant que famille rachetée et bénie par lui.
La Genèse nous enseigne au sujet de la bonté et de la patience de Dieu, qui reporte son jugement décisif (et mérité) pour instaurer un moyen de salut qui est source de bénédiction pour l’humanité! À n’importe quel point, Dieu aurait pu appuyer sur la touche « Delete », mais il veut persévérer avec nous…quelle immense patience…quelle immense grâce!
Un autre élément que nous enseigne la Genèse est le fait que Dieu mène à bien ses promesses, mais souvent de manière inattendue et en dépit de circonstances impossibles.
On pourrait aussi dire :
Dieu n’agit pas toujours selon nos attentes, selon ce qui nous semble logique, mais tout est parfait dans son plan et en son temps. Nous ne savons pas quelles épreuves il enverra sur notre route, mais nous pouvons avoir confiance qu’en fin de compte, ce sera pour sa gloire et pour notre plus grand bien.
Certainement, ces « héros » de la foi ont douté, trébuché et démontré qu’ils ne sont pas très différents de nous. Nous ne sommes que des gens ordinaires et imparfaits, mais Dieu veut nous employer dans son plan (comme nos « parents »: Abraham, Isaac et Jacob), un plan qui est bien plus grand que nous-mêmes et qui vise l’humanité entière.
webinaire
Pourquoi avoir une vision biblique de l'Histoire?
Ce replay du webinaire de Frédéric Bican a été enregistré le 12 février 2019.
Orateurs
F. Bican